Manuel - Responsabilité administrative - 3e - 59

Les transformations de la responsabilité administrative
de dommages qui se trouvent dans des situations similaires peuvent comparer
leurs sorts respectifs. Dès lors, la confrontation des responsabilités
administrative et civile s'apparente parfois à une détermination de l'avantage
concurrentiel de l'une ou de l'autre, c'est-à-dire à la détermination de
celle des responsabilités qui sera la plus favorable aux victimes. Cette
comparaison - ou émulation - des droits administratif et civil de la responsabilité
permet un rapprochement pour l'obtention de solutions identiques.
Bien souvent, le Conseil d'État adopte des solutions après que la
Cour de cassation a tracé la voie, même si cette inspiration n'est pas
visible dans la rédaction des arrêts : la jurisprudence administrative en
abandonnant la faute lourde en matière hospitalière, en admettant l'indemnisation
de la douleur morale, du préjudice d'impréparation ou du
préjudice d'anxiété, en admettant l'action de la concubine de la victime
ou en modifiant la méthode de détermination de la date d'évaluation des
dommages corporels s'aligne sur la jurisprudence judiciaire. Il arrive
aussi que le Conseil d'État fasse référence au droit civil lorsqu'il emprunte
certaines techniques : ainsi, il fait application des dispositions du Code
civil qu'il mentionne expressément en matière d'intérêts moratoires ou
d'action subrogatoire. Les interactions entre les jurisprudences administrative
et judiciaire ne sont pas univoques, mais réciproques : il faut
cependant admettre que les exemples de jurisprudences judiciaires inspirées
par la jurisprudence administrative sont plus rares que l'inverse. La
distinction entre faute personnelle et faute de service a cependant
influencé le droit civil. L'arrêt Costedoat de la Cour de cassation selon
lequel « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui
agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son
commettant »78
est inspiré par la notion de faute de service du droit administratif,
et par la protection qui veut que l'agent public qui commet une
telle faute ne puisse voir sa responsabilité engagée par la victime, l'administration
seule endossant les conséquences d'une faute de service. Enfin,
le rapprochement des solutions issues du droit administratif et du droit
civil peut être le fruit de l'œuvre législative, par exemple la loi du
4 mars 2002 sur les droits des malades.
48. Autonomie des concepts et des solutions. - Si les solutions et
techniques du droit civil inspirent le droit administratif de la responsabilité,
ce dernier maintient une forte autonomie conceptuelle. Les fondements
de la responsabilité administrative conservent leur spécificité. Certes,
la doctrine de droit administratif reste très influencée par l'horizon
indépassable que semblent constituer les notions du droit civil. Ainsi,
D. Truchet n'écrit-il pas en 1993 que « Tout dommage oblige la personne
publique à laquelle il est imputable à le réparer »79
créant ainsi une
78. Cass. ass. plén., 25 févr. 2000, nº 97-17378, Bull. civ. ass.plén., nº2; BICC, 15 avr. 2000, concl. KESSOUS,
note PONROY. V. le plaidoyer en faveur de la poursuite du mimétisme à l'égard du droit administratif de
ANTIPAS J., « La responsabilité civile des préposés et des commettants à la lumière du droit comparé
interne », D. 2013, p. 2928.
79. TRUCHET D., « Tout dommage oblige la personne publique à laquelle il est imputable à le réparer ». À
propos de la responsabilité hospitalière, RDSS 1993, I, p. 1 s.
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