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Recension
S. Hennette-Vauchez, pour qui le principe de laïcité est la
« métonymie de la République », observe qu'il « est, de ce
fait, appelé sur une infinité de terrains ». Il est donc invoqué
dans divers domaines, et l'école a alors contribué à développer
un « sens nouveau de la laïcité » : elle impose de plus en plus
d'obligations non pour les personnes publiques, mais pour les
personnes privées (également dans les relations de travail, dans
les espaces publics, mais aussi dans les écoles privées).
L'ouvrage propose dès lors non pas d'opposer les enseignements
publics et privés mais de les aborder selon un même
mouvement, celui de transformations liées à la laïcité. En
effet, pour l'autrice, un point crucial de la loi Debré a souvent
été occulté : l'obligation pour les écoles privées d'accueillir
tous les élèves, sans distinction d'origine, d'opinion ou de
croyance. Il y a eu cependant un phénomène « d'étatisation »
de l'enseignement privé : l'État subventionne, contrôle et
les écoles privées contribuent au service public de l'Éducation
nationale. Si bien que c'est une nouvelle approche que
propose S. Hennette-Vauchez. Il y a une « sorte de partenariat
public-privé de la catho-laïcité ». Ce partenariat, « bien
accommodant », a eu des incidences et a notamment conduit
à une « altération majeure du régime français de laïcité ».
S. Hennette-Vauchez la voit d'abord sous l'angle de l'accommodement,
du point de vue de la neutralité religieuse puisque
les écoles sous contrat prévoient des enseignements religieux,
permettent l'extériorisation de signes religieux, mais aussi sous
l'angle de la séparation, puisque ces mêmes écoles bénéficient
d'un financement public.
La loi Debré apparaît comme une « faveur faite à l'enseignement
privé - c'est-à-dire alors, dans les faits, à l'enseignement
catholique ». Et c'est bien là une des raisons pour lesquelles
elle provoqua autant de protestations, comme le rappelle
S. Hennette-Vauchez. Bien que la liberté de l'enseignement
n'ait finalement jamais été remise en cause, sauf avec la loi
Combes de 1904, celle-ci est « subsumée » sous la liberté d'entreprendre
par le juge constitutionnel et par le juge administratif.
Cependant, la liberté d'enseignement comporte également
un autre volet : celui de la liberté parentale de faire
éduquer ses enfants ailleurs que dans le public.
Quoi qu'il en soit, S. Hennette-Vauchez précise que le paradigme
français de la liberté de l'enseignement est également
une spécificité française : les droits des parents sont longtemps
restés résiduels et secondaires vis-à-vis de la liberté d'établissement.
Dès
lors, le caractère propre des établissements privés constitue
le « ferment de la logique d'accommodement au principe
de la loi Debré ». Bien que ce « caractère propre » ne soit pas
défini, il constitue cependant le socle de l'enseignement privé,
qui est avant tout religieux, en grande partie catholique du
reste. Ce serait ici que résideraient les accommodements, qui
se traduisent au niveau pédagogique, du service public proposé,
du droit du travail, etc.
Surtout, la laïcité, s'entendant de plus en plus comme une
neutralité religieuse, a conduit à un « nouveau régime de laïcité
scolaire », ce qui a des incidences sur les enseignements
publics et privés. La loi de 2004 a eu pour conséquences
notamment l'apparition de nouveaux établissements privés,
permettant aux élèves de pouvoir y extérioriser leurs convictions.
Dès lors, les écoles privées accueilleraient les élèves qui
se détournent du public en raison de ce régime de laïcité scolaire.
Aussi,
les établissements sous contrat simple ou hors contrat
seraient un terrain propice à des accommodements : les premiers
connaissent un allègement à l'égard du respect des
programmes de l'Éducation nationale et les seconds en sont
affranchis. Seul un socle commun de connaissances est exigé,
ce qui est bien peu. Le caractère propre leur permet dans
tous les cas une grande souplesse dans des enseignements
spécifiques et, surtout, ils disposent d'une liberté de choix
des élèves. Sous la limite de critères fondés sur l'origine, les
croyances ou les opinions des élèves. S. Hennette-Vauchez
insiste cependant sur le fait que des disparités voire des discriminations
existent et persistent dans l'admission des élèves
dans les établissements privés. Mais cela révèle la latitude
qu'ils conservent en matière pédagogique.
Il en est de même au sujet des règles relatives au service
public : leur association au service public est « sur mesure ».
Ils ne sont en effet pas assujettis au principe de neutralité, ce
qui est somme toute logique : les établissements privés sont
gérés par des personnes privées, or la neutralité des biens ne
concerne que les personnes publiques 16
.
L'atteinte la plus manifeste à la neutralité est sans doute la possibilité
pour les établissements privés de pouvoir manifester
une identité religieuse. Mais ici encore, il s'agit nécessairement
d'une des conséquences du caractère propre et, finalement,
il n'est pas possible de demander au privé de faire comme le
public. En revanche, il est possible de se questionner sur la
neutralité des agents de ces établissements. En effet, il n'est
pas certain que ces derniers y échappent totalement et la question
peut se poser pour les salariés et pour les enseignants.
Ces derniers sont en effet qualifiés d'agents publics lorsque
l'établissement est sous contrat. Or la Cour de cassation dans
son arrêt CPAM du 19 mars 2013 a rappelé que « les principes
de neutralité et de laïcité du service public sont applicables
à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci
sont assurés par des organismes de droit privé ». Quant à
l'article 1er
de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant
le respect des principes de la République, il précise que
« lorsque la loi ou le règlement confie directement l'exécution
d'un service public à un organisme de droit public ou de droit
privé, celui-ci est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant
le service public et de veiller au respect des principes de laï16
V. l'article 28 de la loi de 1905 et l'arrêt du Conseil d'État du 11 mars 2022,
Commune de Saint-Pierre d'Alvey, par lequel le juge précise que l'obligation de
neutralité vaut pour toute propriété publique, qu'il s'agisse du domaine public
ou du domaine privé.
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