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Doctrine
« nouvelle science du droit administratif » permettrait ainsi de
pallier les déficiences des règles de droit administratif, au sens
de leur lacune, ou de leur nécessaire réforme.
L'interlocuteur privilégié d'une science du droit administratif
renouvelée, qui se donnerait pour objet de prescrire les règles
de droit administratif à énoncer ou à appliquer sur la base de
leurs effets empiriques, serait de ce point de vue l'auteur de
ces règles. Il reviendrait à ce dernier d'énoncer de nouvelles
règles de droit, ou de réformer des règles de droit déjà en
vigueur, compte tenu de leur inadéquation à leur environnement
social et aux « problèmes sociaux » qu'il leur reviendrait
de résoudre. En Allemagne, cet interlocuteur privilégié est le
législateur 35
. Cela résulte de l'article 20, alinéa 3, de la loi
fondamentale, aux termes duquel « les pouvoirs exécutif et
judiciaire sont liés par la loi et par le droit ». Le droit administratif
appliqué par les juridictions ordinaires allemandes
est ainsi essentiellement législatif. Dans le cadre d'un droit
administratif essentiellement jurisprudentiel, comme celui de
la France, une science du droit administratif renouvelée aurait
pour interlocuteur privilégié le juge administratif.
Pour autant, même en Allemagne, dont le droit administratif
est essentiellement législatif, le rôle du juge dans la mise en
œuvre de la « nouvelle science du droit administratif » est souligné.
Compte tenu de l'indétermination des règles de droit,
il n'y aurait pas de frontière étanche entre leur énoncé et leur
application 36
. Les prescriptions de la « nouvelle science du
droit administratif » quant au contenu de la règle de droit
à appliquer devraient ainsi être suivies par le juge à l'occasion
de son application, dans le cadre de la marge de discrétion
que lui confère l'indétermination de la règle 37
. Tandis
qu'en Allemagne, cette tâche reviendrait au juge à l'occasion
de l'application de règles législatives, elle lui reviendrait en
France pour l'application de règles prétoriennes indéterminées.
En assignant cette tâche au juge, les promoteurs de la
« nouvelle science du droit administratif » présupposent là
encore la déficience de la règle de droit. Celle-ci prend alors
la forme de l'indétermination de la règle de droit applicable,
qui ne saurait suffire à indiquer la solution à apporter à un
litige concret.
Compte tenu de cette déficience, le contenu de la règle de
droit à appliquer sera déterminé sur la base de deux paramètres
extrajuridiques : d'une part, les normes métajuridiques
prescrivant les « problèmes sociaux » qu'il reviendrait
Telekommunikationsleistungen im Gewährleistungsstaat, 1999, Nomos. V. également
K.-H. Ladeur, « Privatisierung öffentlicher Aufgaben und die Notwendigkeit
der Entwiclung eines neuen Informationsverwaltungsrechts », in W. Hoffmann-Riem
et E. Schmidt-Aßmann (éd.), Verwaltungsrecht in der Informationsgesellschaft,
2000, Nomos, p. 225-256.
35 En ce sens G. Folke Schuppert (éd.), Das Gesetz als zentrales Steuerungsinstrument
des Rechtsstaates, 1998, Nomos.
36 V. par ex. T. Vesting, « Nachbarschaftlich informierte und reflektierte
Verwaltungsrechtswissenschaft - " Verkehrsregeln " und " Verkehrsströme " »,
in W. Hoffmann-Riem et E. Schmidt-Aßmann (éd.), Methoden
Verwaltungsrechtswissenschaft, 2004, Nomos, p. 256 et s.
37 C. Franzius, « Modalitäten und Wirkungsfaktoren der Steuerung durch Recht »,
in W. Hoffmann-Riem, E. Schmidt-Aßmann et A. Voßkuhle (éd.), Grundlagen
des Verwaltungsrechts, 2012, C.H. Beck, § 4 Rn. 104 et s.
der
à la règle de droit de résoudre, et, d'autre part, les incidences
empiriques de l'application de cette règle sur son environnement
social, dont la mesure permet de déterminer si cette
règle est de nature à répondre aux « problèmes sociaux » identifiés
38
. En se fondant sur ces paramètres extrajuridiques, la
« nouvelle science du droit administratif » court le risque de
compromettre la juridicité de ses méthodes. Cette juridicité
peut néanmoins être préservée si la « nouvelle science du droit
administratif » assigne à la dogmatique juridique la tâche de
prendre la mesure de l'indétermination de la règle de droit à
énoncer ou à appliquer.
B. La mesure de l'indétermination de la règle
de droit administratif, tâche à assigner à la
dogmatique juridique
Quelle place réserver à la dogmatique juridique si la science
du droit administratif se donne pour objet de déterminer le
contenu des règles de droit à énoncer ou à appliquer sur la
base de leurs effets empiriques ? La dogmatique juridique a
pour fonction de présenter en un ensemble ordonné et systématisé
un ensemble épars de règles juridiques. Elle peut ainsi
être utilement mise au service de l'application de ces règles 39
.
Elle permet d'identifier la règle de droit applicable à un litige
concret, et de répondre à la question de savoir si un comportement
relève de ceux que cette règle interdit ou prescrit.
Elle rend ainsi compte de la singularité des méthodes d'une
science spécifiquement juridique. La formalisation de ces
méthodes dogmatiques a en ce sens historiquement conduit à
l'émergence d'une science juridique allemande autonome par
rapport aux autres sciences sociales 40
. Elle est le propre de ce
que certains ont pu appeler la « méthode juridique » (juristische
Methode) 41
. Ainsi définie, la dogmatique
. De même, une science, ou « doctrine », du
droit administratif, n'a pu se constituer en France qu'avec les
travaux d'ordonnancement systématique d'une jurisprudence
administrative alors naissante 42
permet de rendre compte du principe d'imputation auquel
répond l'application de normes juridiques - qui suppose
d'imputer au destinataire de la règle de droit administratif
le comportement que celle-ci interdit ou prescrit. Elle est au
contraire indifférente au principe de causalité auquel répond
l'identification des incidences empiriques de l'application
d'une règle de droit sur son environnement social - qui suppose
d'établir le rapport de cause à effet résidant entre l'appli38
I. Appel, « Das Verwaltungsrecht zwischen klassischem dogmatischen Verständnis und
steuerungswissenschaftlichem Anspruch », in VVDStRL 2007, vol. 67, p. 265.
39 Sur cette fonction de la dogmatique juridique, W. Brohm, « Die Dogmatik des
Verwaltungsrechts vor den Gegenwartsaufgaben der Verwaltung », VVDStRL 1972,
vol. 30, p. 246-249.
40 Sur ce sujet, v. H.-J. Feist, Die Entstehung der Rechtswissenschaft als Rechtsdisziplin,
1968, Verlag Uni-Druck ; C. Bumke, « Die Entwicklung der verwaltungsrechtswissenschaftlichen
Methodik in der Bundesrepublik Deutschland », in E. SchmidtAßmann
et W. Hoffmann-Riem (éd.), Methoden der Verwaltungsrechtswissenschaft,
2004, Nomos, p. 127 et s.
41 W. Krebs, « Die juristische Methode im Verwaltungsrechtswissenschaft
», in E. Schmidt-Aßmann et W. Hoffmann-Riem (éd.), Methoden der
Verwaltungsrechtswissenschaft, 2004, Nomos, p. 209-222.
42 M. Hauriou, « De la formation du droit administratif depuis l'an VIII », Revue
générale d'administration 1992.
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