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La « nouvelle science du droit administratif », une promesse de renouveau venue d'Allemagne ?
cation de la règle de droit et ses incidences sur son environnement
social 43
. L'identification des incidences empiriques de
l'application de règles de droit sur leur environnement social
est pourtant au cœur des méthodes promues par la « nouvelle
science du droit administratif ». Préserver la juridicité
de celles-ci suppose, dès lors, de préciser le rôle assigné à la
dogmatique juridique. Il convient à cet égard de distinguer
selon que celle-ci est mise au service de l'application ou de
l'énoncé de règles de droit administratif.
Mise au service de l'application de règles de droit en vigueur,
la dogmatique juridique trouve ses limites lorsqu'aucun des
comportements prescrits ou interdits par la règle de droit
n'est imputable à son destinataire. Il s'agit là de l'hypothèse
déjà évoquée de l'indétermination de la règle de droit administratif
à appliquer. Dans une telle hypothèse, il n'est en effet
pas possible de déterminer le comportement prescrit ou interdit
par la règle de droit administratif. La solution à donner à
un litige ne peut alors être déterminée que sur la base de paramètres
extrajuridiques 44
. Voilà pourquoi la « nouvelle science
du droit administratif » aurait également un rôle à jouer, selon
ses promoteurs, dans l'application juridictionnelle de règles
de droit administratif positif. Elle permettrait de déterminer,
dans le cadre de la marge d'appréciation offerte par l'indétermination
de la règle, la solution à donner à un litige, sur la
base de ces deux facteurs que sont les normes métajuridiques
prescrivant le « problème social » qu'il reviendrait aux règles
de droit administratif de résoudre, et des incidences empiriques
de l'application de ces règles sur leur environnement.
L'hypothèse de l'indétermination de la règle de droit administratif
ne doit pas pour autant conduire à refuser tout rôle
à la dogmatique juridique. Cette indétermination juridique,
inhérente à l'indétermination sémantique du langage naturel
dans lequel est formulée toute règle de droit, n'est en effet
que relative 45
des règles de droit administratif est de ce point de vue autocontradictoire
46
les méthodes classiques de la dogmatique juridique. Prendre
en compte des paramètres extrajuridiques pour la résolution
de tels litiges pourrait en effet conduire à une violation de la
règle de droit, si la solution donnée sur leur fondement était
autre que celle commandée par l'application de cette règle.
Les autres litiges pourraient à l'inverse être résolus sur la base
des seuls paramètres extrajuridiques que sont, d'une part, les
normes métajuridiques prescrivant la résolution de certains
« problèmes sociaux », et, d'autre part, la capacité de cette
règle à répondre au « problème social » qu'il lui reviendrait
de résoudre, compte tenu des incidences empiriques de son
application sur son environnement social.
La dogmatique juridique ne permet pas toutefois seulement
d'identifier la solution à apporter à un litige, dans les cas où
les comportements interdits ou prescrits par la règle de droit
sont déterminés. Elle permet plus largement, et de manière
circulaire, de prendre la mesure de l'indétermination (relative)
de cette règle de droit, c'est-à-dire de distinguer les cas
dans lesquels ces comportements peuvent être identifiés, des
cas dans lesquels ils ne le sauraient 48
. Or, cette distinction ne
. L'hypothèse d'une indétermination absolue
. Elle suppose qu'il ne serait aucunement possible
d'identifier les comportements que le droit administratif
interdit ou prescrit. Mais on pourrait alors difficilement parler
d'un « droit administratif » dont cette hypothèse affirme
pourtant l'indétermination. Or, l'indétermination relative
des règles de droit administratif suppose que, dans certains
cas, il serait possible de déterminer le comportement interdit
ou prescrit par de telles règles 47
. D'un point de vue juridique,
les litiges relevant de ces cas ne peuvent être résolus que selon
43 Sur la distinction entre « principe de causalité » et « principe d'imputation »,
v. H. Kelsen, Théorie pure du droit, 1962, Dalloz, p. 85 et s.
44 I. Appel, « Das Verwaltungsrecht zwischen klassischem dogmatischen Verständnis und
steuerungswissenschaftlichem Anspruch », in VVDStRL, 2007, vol. 67, p. 269.
45 Sur les rapports entre indéterminations sémantique et juridique, et le caractère
relatif ou absolu de cette indétermination, v. A. Le Pillouer, « Indétermination
du langage et indétermination du droit », Droit & Philosophie 2017, vol. 9-1,
p. 19-44.
46 Sur ce sujet, v. O. Pfersmann, « Conte le néo-réalisme juridique. Pour un débat
sur l'interprétation », RFDC, 2002/2, n° 50, p. 279-334.
47 Ce qui correspond à l'analyse de l'indétermination juridique comme « texture
ouverte » (H. L.A. Hart, The Concept of Law, 1961, Clarendon Press, p. 121144)
ou comme « cadre » d'application (H. Kelsen, Théorie pure du droit, 1962,
Dalloz, p. 452-462).
peut être opérée que dans le cadre du travail dogmatique de
systématisation des comportements prescrits ou interdits par
les règles de droit administratif. À l'occasion de cette systématisation,
la dogmatique juridique peut parvenir à la conclusion
que, dans certains cas, il n'est pas possible d'identifier le
comportement interdit ou prescrit par la règle de droit. Seuls
les litiges relevant de ces cas pourront alors être résolus sur la
base de paramètres extrajuridiques avancés par la « nouvelle
science du droit administratif ».
Cette tâche de mesure de l'indétermination de la règle de
droit est ici assignée à la dogmatique juridique a posteriori,
pour l'application de règles de droit administratif déjà en
vigueur. Mais la « nouvelle science du droit administratif »
peut également lui assigner une telle fonction a priori, c'està-dire
pour la systématisation des règles de droit à énoncer,
lorsqu'aucune règle de droit administratif n'est applicable, ou
lorsque les règles de droit en vigueur sont à réformer 49
. Le travail
dogmatique de systématisation des règles de droit à énoncer
a alors pour objet de déterminer les cas auxquels de telles
règles seront appliquées. Il est alors le préalable nécessaire à
l'évaluation des incidences empiriques de ces règles de droit
sur leur environnement social, qui présuppose d'identifier les
comportements prescrits ou interdits par ces règles de droit.
Là encore, ce travail dogmatique peut contribuer à déterminer
le degré d'indétermination de la règle de droit à énoncer.
Dans le cas où les incidences empiriques de l'application de
règles de droit administratif ne pourraient que difficilement
être mesurées a priori, il pourrait sembler opportun de laisser
48 I. Appel, « Das Verwaltungsrecht zwischen klassischem dogmatischen Verständnis und
steuerungswissenschaftlichem Anspruch », in VVDStRL, 2007, vol. 67, p. 260-271.
49 V. ainsi, toujours à propos de la réglementation des communications électroniques
de l'administration, F. Schoch, « Öffentlich-rechtliche Rahmensbedingungen einer
Informationsordnung », VVDStRL, 1997, vol. 57, p. 158 et s ; R. Gröschmer et
J. Masing, « Trasnparente Verwaltung - Konturen eines Informationsverwaltungsrec
hts », VVDStRL, 2004, vol. 63, p. 344.
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