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Doctrine
une personne privée qui impute son préjudice à une personne
publique. D'aucuns avancent, en effet, à propos de la responsabilité
administrative entre personnes publiques, que
« ce sont toujours les mêmes arrêts qui sont cités, les quelque
trois ou quatre affaires connues en matière de responsabilité
extracontractuelle principalement, preuve supplémentaire et
en creux de la faible visibilité de ce monde des relations entre
personnes publiques » 7
. La présente étude a néanmoins vocation
à révéler que cette forme de responsabilité administrative
n'occupe pas la place congrue qu'on veut bien lui attribuer.
Il s'agit ainsi de savoir si la qualité de personne publique de
l'auteur et de la victime du dommage est susceptible d'influer
sur les règles gouvernant l'engagement de la responsabilité
administrative. Bertrand Faure relève en ce sens, à propos de
la responsabilité de l'État à l'encontre des collectivités territoriales,
que « c'est (...) un parti pris théoriquement injustifiable
que la doctrine administrativiste puisse envisager et
systématiser la responsabilité de l'État vis-à-vis des collectivités
dans une autre perspective que celle des relations des
particuliers avec l'État. Dans tous les cas, l'État répond des
fautes commises par ses services » 8
. Il tempère néanmoins
son propos en ajoutant qu'« il est tout autant injustifiable sur
le même plan théorique - sinon par commodité pratique -
qu'on puisse assimiler les deux responsabilités dans leurs
manifestations, dans leurs enjeux comme dans leurs règles » 9
.
Telle est l'essence de la responsabilité administrative entre
personnes publiques : si celle-ci a été reconnue par le juge
administratif, qui a étendu la responsabilité administrative
aux rapports entre personnes publiques (I), il n'en demeure
pas moins qu'elle se caractérise par son originalité par rapport
à la responsabilité administrative envers les personnes
privées (II).
I. La reconnaissance de la
responsabilité administrative entre
personnes publiques
Admettre l'engagement de la responsabilité administrative
envers une personne publique n'avait rien d'évident dans la
mesure où celle-ci est pensée pour appréhender la relation
entre l'Administration et les tiers auxquels elle cause des
dommages. L'évolution du droit de la responsabilité administrative
révèle néanmoins son extension aux rapports entre
personnes publiques, quels que soient ses fondements (A).
Cette prolongation se justifie par le fait que la responsabilité
administrative, au même titre que la responsabilité civile, a
notamment pour fonction de réparer un préjudice causé par
la puissance publique, indépendamment de la qualité de la
victime (B).
7 C.-A. Dubreuil, A. Jacquemet-Gauchet et C. Lantero, « Les litiges entre personnes
publiques : propos introductifs », Dr. adm. 2017, étude 2.
8 B. Faure, « Les litiges contentieux entre l'État et les collectivités territoriales », Dr.
adm. 2017, étude 4.
9 B. Faure, « Les litiges contentieux entre l'État et les collectivités territoriales », Dr.
adm. 2017, étude 4.
A. L'extension de la responsabilité administrative
aux rapports entre personnes publiques
L'idée de Laferrière selon laquelle « le propre de la souveraineté
est de s'imposer à tous, sans qu'on puisse réclamer d'elle
aucune compensation » 10
partir du début du XXe
a progressivement cédé la place, à
siècle, au principe de la responsabilité
de la puissance publique. Chapus relevait au sujet de la
responsabilité administrative que, « comme en droit privé,
elle reste tournée vers la satisfaction d'un intérêt privé et
conserve son rôle de protection des droits des particuliers
qui ont été lésés » 11
. Toutefois, s'est progressivement posée la
question originale de savoir si la responsabilité administrative
pouvait être engagée lorsqu'une personne publique était victime
d'une autre. À cet égard, il est important de relever que
la compétence du juge administratif pour en connaître n'a
jamais été contestée car « dans un litige qui met en cause deux
administrations, qui d'autre mieux que le juge administratif
pouvait prendre position et s'exprimer pleinement pour faire
évoluer le droit ? » 12
.
C'est ainsi que dans une décision d'assemblée de 1948
Commune de Champigny-sur-Marne, le Conseil d'État devait
se prononcer sur l'engagement de la responsabilité de l'État
au titre de la tutelle exercée par le préfet sur une commune.
Plus précisément, la loi du 14 septembre 1941 avait prévu
que certaines recettes spéciales des communes étaient gérées
par un receveur nommé, non par l'autorité municipale, mais
par les autorités de l'État. Dans ce cadre, la commune de
Champigny-sur-Marne cherchait à engager la responsabilité
de l'État au titre d'une surveillance insuffisante du receveur
spécial, qui s'était rendu coupable d'importants détournements
de fonds. Dans son mémoire en défense, le ministère
de l'Économie nationale et des Finances arguait que les personnes
morales soumises à la tutelle de l'État ne pouvaient
actionner celui-ci en responsabilité au titre d'un fonctionnement
défaillant de la tutelle. Tout en admettant cette règle,
le Conseil d'État précisait néanmoins que la responsabilité
de l'État pouvait être engagée si était caractérisée une « véritable
participation des agents de l'État investis des pouvoirs
de tutelle à la gestion de la recette municipale » 13
.
Les prémices de la responsabilité administrative entre personnes
publiques étaient ainsi posées et celle-ci devait rapidement
investir d'autres champs de la responsabilité de la puissance
publique. En parallèle de la responsabilité du fait de la
tutelle, plusieurs fois réaffirmée 14
, la responsabilité adminis10
E. Lafferière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux (1896),
t. 2, 2e
éd., rééd., 2012, Hachette BNF, spéc. p. 13.
11 R. Chapus, Responsabilité publique et responsabilité privée, 2010, La Mémoire du
droit, spéc. p. 24.
12 F. Dupont-Marillia, « Responsabilité de la puissance publique - Les nouveaux
aspects de la responsabilité du fait des attroupements », JCP G 1996, II 22612.
13 CE, ass., 27 déc. 1948, Cne de Champigny-sur-Marne : Lebon, p. 310 ; D. 1949,
p. 408, concl. J. Guionin.
14 CE, sect., 5 déc. 1958, Cne de Dourgne : Lebon, p. 606, concl. E. Guldner ; RDP
1959, p. 950, note M. Waline - CE, 20 juin 1973, n° 84769, Ce de Châteauneufsur-Loire
: Lebon, p. 428 - CE, 6 oct. 2000, n° 205959, Cne de Saint-Florent :
Lebon T., p. 395.
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