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La responsabilité administrative entre personnes publiques
tance est de nature à influer tant sur les modalités que sur les
finalités de la responsabilité administrative entre personnes
publiques. En effet, celle-ci est restreinte en raison de l'autonomie
des personnes publiques dans l'exercice de leurs compétences
(A). En outre, son engagement révèle une fonction
d'intérêt général de protection de la répartition des compétences
entre les personnes publiques (B).
A. La restriction de la responsabilité administrative
entre personnes publiques
Au regard de l'autonomie administrative dont jouissent les
personnes publiques dans l'exercice de leurs compétences respectives,
il leur est plus difficile de rechercher leur responsabilité
les unes envers les autres (1). Cette assertion ne varie
pas lorsqu'existe une relation de contrôle d'une personne
publique sur une autre (2).
1. Une restriction justifiée par l'autonomie
administrative des personnes publiques
Hauriou écrivait en 1933 que l'idée directrice commune aux
diverses administrations publiques consiste « à assurer l'ordre,
et à pourvoir à l'utilité publique par l'application des lois, par
la police et par la gestion des services publics » 35
. Alors que
la période était caractérisée par une centralisation forte des
pouvoirs aux mains de l'État, la mise en œuvre de cette idée
directrice dépend aujourd'hui d'une multitude de personnes
publiques. Bertrand Faure relève en ce sens que « la décentralisation
suppose, pour se réaliser, l'autonomie organique
des autorités locales par l'élection et leur autonomie fonctionnelle
par le transfert de compétences et de moyens par
l'État, celui-ci n'assurant plus qu'un contrôle " de tutelle " apte
à contenir, sans annihiler, l'exercice de cette autonomie » 36
.
La décentralisation apparaît ainsi marquée par l'autonomie
administrative des personnes publiques décentralisées par
rapport à l'État.
Cette autonomie a pour corollaire nécessaire une responsabilisation
accrue des personnes publiques dans l'exercice de
leurs compétences respectives. Il est ainsi plus difficile pour
une personne publique, qu'il s'agisse d'une collectivité territoriale
ou d'un établissement public, de rechercher l'engagement
de la responsabilité d'une autre, dans la mesure où son
préjudice peut résulter d'une carence dans l'exercice de ses
propres compétences. Certes, il n'est pas contestable que, de
manière générale, « la victime [peut participer] à la réalisation
du dommage qui l'atteint » 37
. Il n'en demeure pas moins que
lorsqu'une personne publique est victime d'une autre, le juge
administratif admet plus volontiers le fait de la victime pour
exonérer, fût-ce partiellement, la collectivité responsable.
35 M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, 12e
2002, Dalloz, spéc. p. 56.
36 B. Faure, Droit des collectivités territoriales, 6e
éd., 1933, rééd.,
éd., 2021, Dalloz, Précis, spéc. p. 3.
37 H., L. et J. Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile, délictuelle
et contractuelle, t. 2, 6e
éd., 1970, Montchrestien, spéc. n° 1447.
Par exemple, lorsque l'État engage sa responsabilité sans
faute envers la commune de Wattrelos pour avoir refusé de
déployer des forces de police sur une aire d'accueil des gens
du voyage, le juge s'attache à vérifier que « le maire de la commune
de Wattrelos a interdit le stationnement des nomades
sur le territoire communal en dehors de l'aire d'accueil aménagée
à cet effet » et que la commune « remplit les obligations
qui lui incombent en matière d'accueil des gens du
voyage » 38
. Comme le souligne un auteur, « une éventuelle
carence de la part de la commune de Wattrelos aurait pu lui
être opposée par l'État afin d'atténuer sa responsabilité. Mais
elle s'était acquittée des diverses obligations qui pèsent sur
les communes en matière d'accueil des gens du voyage et de
réglementation de leur stationnement » 39
. C'est donc parce
que la commune avait régulièrement exercé ses compétences
que la responsabilité de l'État a pu être engagée envers elle,
même sans faute.
En outre, il n'est pas contestable que le juge administratif
admet, dans un souci de protection des victimes, que cellesci
bénéficient du régime de responsabilité légale du fait des
attroupements sans avoir à démontrer l'existence d'un préjudice
anormal 40
. Toutefois, lorsque la victime est une personne
publique, le juge recherchera si celle-ci avait correctement
exercé ses compétences en matière de sécurité publique. Il est
en revanche possible de soutenir qu'en cas de carence de la
commune dans la sécurisation de la manifestation, ou, pis
encore, « si par exemple, les édiles municipaux ont organisé
ou encouragé la manifestation » 41
, alors l'État pourrait s'exonérer
partiellement ou totalement en mobilisant le fait de la
victime 42
.
Réciproquement, si le législateur admet expressément que
l'État ayant indemnisé les personnes privées victimes d'un
attroupement puisse se retourner contre la commune responsable
43
.
, « en réalité, l'action récursoire est peu utilisée à
l'encontre des communes car il est rare qu'un dommage causé
par des attroupements ou rassemblements se produise sans
qu'il y ait eu à un moment ou à un autre fait de l'État » 44
C'est d'autant plus vrai que le transfert, par la loi n° 83-8
du 7 janvier 1983, de la responsabilité du fait des attroupe38
TA Lille, 11 juin 2009, n° 0703701, Cne de Wattrelos : AJDA 2019, p. 2123,
note C.-E. Minet.
39 C.-E. Minet, « Gens du voyage : responsabilité sans faute de l'État engagée à
l'égard d'une commune en raison de l'inaction des forces de police », note sous
TA Lille, 11 juin 2009, n° 0703701, Cne de Wattrelos : AJDA 2019, p. 2123.
40 L'avis Cofiroute du Conseil d'État de 1990 précisait que les dispositions de la loi
du 7 janvier 1983 « n'énoncent aucune restriction quant à la nature des dommages
indemnisables » (CE, ass., avis, 6 avr. 1990, n° 112497, Cofiroute). La
même conception extensive du préjudice est retenue par le juge administratif
lorsque la victime des attroupements est une personne publique (CE, 18 nov.
1998, n° 173183, Cne de Roscoff : Dr. adm. 1999, comm. 21).
41 L. Touvet, « Dommages causés aux communes par des attroupements et rassemblements
», note sous CE, 18 nov. 1998, n° 173183, Cne de Roscoff : Dr. adm.
1999, comm. 21. Nous remercions le rapporteur public pour avoir aimablement
accepté de nous transmettre ses conclusions.
42 V. dans le même sens, P. Bon et D. de Béchillon, « La responsabilité du fait des
attroupements et rassemblements : caractères et conditions », D. 2000, p. 259.
43 CSI, art. L. 211-10.
44 P. Talbot, « L'indemnisation par l'État des victimes d'attroupements ou de rassemblements
», Rev. adm. 1991, p. 397.
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