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Doctrine
voyage 66
, « personne ne semblait avoir commis de faute en
l'espèce. Ni la commune de Wattrelos, qui avait rempli ses
obligations en matière d'accueil des gens du voyage et d'usage
de ses pouvoirs de police administrative ; ni l'État, qui avait
pris la bonne décision en refusant d'envoyer sur place des
personnels de police en nombre suffisant » 67
, au motif d'un
risque de provoquer un trouble plus grave à l'ordre public.
Or en l'espèce, le préjudice subi par la commune est exclusivement
imputable à la décision de l'État, dès lors que seul
l'exercice de ses compétences pouvait faire cesser le trouble à
l'ordre public.
Le même raisonnement se vérifie en matière de responsabilité
du fait des attroupements. Les collectivités qui en sont victimes
peuvent obtenir l'indemnisation intégrale de leur préjudice,
qui consiste le plus souvent dans des frais de nettoyage
des rues et de réparation du mobilier urbain. À cet égard,
certains ont soutenu, pour contester une telle possibilité, que
« le déblaiement et le nettoyage des rues relèvent de la mission
de service public des collectivités en cause » 68
. Or ces
frais de remise en état de la voirie après la manifestation ne
relèvent pas de l'exercice normal des compétences en matière
de salubrité publique mais constituent, comme l'exprime le
juge administratif, « des dépenses supplémentaires » 69
qui ne
sauraient leur incomber à titre définitif. Le fait générateur du
préjudice outrepasse le champ de compétences de la victime
de l'attroupement et se voit imputé, par l'effet de la loi, à
l'État, que celui-ci ait commis une faute ou non.
Il est donc certain qu'à la différence de la responsabilité administrative
ordinaire, la responsabilité administrative entre personnes
publiques ne se limite pas à assurer la réparation des
préjudices imputables à la puissance publique. Cette responsabilité
poursuit en effet une finalité d'intérêt général consistant
à préserver l'exercice de leurs compétences par les personnes
publiques, conformément à la répartition établie. Elle
66 TA Lille, 11 juin 2009, n° 0703701, Cne de Wattrelos : AJDA 2019, p. 2123,
note C.-E. Minet.
67 C.-E. Minet, « Gens du voyage : responsabilité sans faute de l'État engagée à
l'égard d'une commune en raison de l'inaction des forces de police », note sous
TA Lille, 11 juin 2009, n° 0703701, Cne de Wattrelos : AJDA 2019, p. 2123.
68 F. Dupont-Marillia, « Responsabilité de la puissance publique - Les nouveaux
aspects de la responsabilité du fait des attroupements », JCP G 1996, II 22612.
69 CAA Nantes, ass. plén., 3 mai 1995, n° 94NT00279, Ministre de l'intérieur :
AJDA 1995, p. 854, note P. Cadenat, p. 799 ; JCP 1996, II 22612, note
F. Dupont-Marillia.
70 C.-A. Dubreuil, A. Jacquemet-Gauchet et C. Lantero, « Les litiges entre personnes
publiques : propos introductifs », Dr. adm. 2017, étude 2, spéc. p. 10.
71 M. Deguergue, « L'exorbitance du droit de la responsabilité administrative »,
in F. Melleray, L'exorbitance du droit administratif en question(s), 2004, LGDJ,
p. 201, spéc. p. 217, EAN : 9782275024875.
apparaît d'autant plus nécessaire dans un contexte de décentralisation
renforcée, au sein duquel les compétences sont
régulièrement enchevêtrées. Pourtant, même si la responsabilité
administrative entre personnes publiques ne se limite
plus à quelques solutions isolées aux confins de la jurisprudence
administrative, elle demeure encore et toujours difficile
à mettre en œuvre. Si l'autonomie des personnes publiques
dans l'exercice de leurs compétences a permis de fournir une
explication à une telle restriction, il est également possible de
soutenir que les personnes publiques s'abstiennent volontairement
d'engager leur responsabilité les unes envers les autres.
C'est que la décision d'une personne publique de rechercher
l'engagement de la responsabilité d'une autre ne se limite pas
à produire des effets juridiques mais soulève de véritables
enjeux politiques. Une telle action est en effet susceptible
de ternir durablement les relations qu'entretiennent les personnes
publiques et ce, au détriment des administrés. Comme
le font remarquer des auteurs, « l'interrogation principale est
la suivante pour la personne publique qui entend agir contre
l'État (cas le plus fréquent). Quelle est l'option la plus efficace
: intenter un recours quitte à en subir des " représailles " ,
par une éventuelle - et évidemment fortuite - baisse de
dotations futures ? Ou alors, ne pas faire de vagues et espérer
ainsi obtenir la bienveillance des autorités ? » 70
. Si la seconde
option est politiquement plus avantageuse, elle s'avère, d'un
point de vue juridique, profondément insatisfaisante, tant
au regard de la réparation du préjudice, que de celui de la
répartition des compétences. À l'instar de la responsabilité
administrative classique, qui permet de « protéger les droits
des administrés et de compenser, faute de combler, l'inégalité
naturelle entre eux et l'administration » 71
, il convient de
formuler le vœu que le développement de la responsabilité
administrative entre personnes publiques tiendra compte des
inégalités inhérentes à leur monde.
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