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200c4
DOCTRINE
Marc CottereaU
Maître de conférences à l'université d'Aix-marseille (Laboratoire de théorie du droit)
Le budget des collectivités locales face au défi
des inégalités de genre RDP200c4
L'ESSENTIEL
Depuis maintenant plus d'une vingtaine d'année, se met en place dans certaines collectivités européennes une
budgétisation sensible au genre. La budgétisation sensible au genre est une application de l'approche intégrée de
l'égalité dans le processus budgétaire. Cela suppose d'intégrer la question de l'égalité entre les hommes et les
femmes à tous les niveaux du processus budgétaire (conceptualisation, conception, budgétisation, instrumentation
et évaluation), ce qui doit normalement permettre de restructurer les recettes et les dépenses dans le but de
promouvoir l'égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il s'agit ici de présenter les implications de ce type de
budgétisation tout en montrant quels sont les obstacles qui peuvent empêcher sa mise en place ou son maintien.
La budgétisation sensible au genre sera en définitive présentée, non comme un remède miracle, mais comme un
outil de transformation utile à disposition des décideurs publics.
D
epuis les années 1980, dans les pays occidentaux,
« le défi des mouvements féministes et des pouvoirs
publics n'est plus d'atteindre l'égalité formelle entre
les sexes, mais de passer de l'égalité de jure à l'égalité de facto,
soit à l'égalité réelle » 1
. Assurément, la position défavorisée
des femmes dans nos sociétés « ne résulte [plus] entièrement,
ni même principalement, d'un traitement différencié par
la loi, mais d'autres forces qui pèsent sur la répartition des
ressources, comme les forces matérielles de production, les
conditions biologiques, les normes culturelles et sociales » 2
.
Si l'égalité de traitement est donc globalement acquise, cela
ne signifie nullement que l'Égalité entre hommes et femmes
soit, en l'état, à notre portée. C'est en ce sens que la recherche
de l'égalité devant la loi se voit compléter depuis plusieurs
décennies par la recherche de l'égalité dans la loi.
Ainsi, a-t-on pris conscience, depuis les Critical Legal Studies
notamment, que le droit peut contribuer et même contribue
au maintien de hiérarchies sociales illégitimes, notamment
entre les femmes et les hommes. Les tenants de cette
approche ont tenté de montrer comment l'analyse juridique
et la culture juridique dominante s'efforcent de faire en sorte
que les dispositions juridiques semblent légitimes et ont étudié
et plaidé pour la mise en place de visions sociales nouvelles
ou précédemment décrédibilisées. En somme, les Crit's,
dans la lignée de la théorie réaliste ou encore de la critique
marxiste du droit, souhaitent nous mettre en garde contre
certains faux-semblants. Ils affirment en creux qu'un langage,
des institutions et des normes apparemment neutres
masquent en réalité des relations de pouvoir et de contrôle
contribuant à cristalliser, voire renforcer, certaines inégalités
1 S. Dauphin et R. Sénac, « Gender mainstreaming : analyse des enjeux d'un " conceptméthode "
», Cahiers du Genre 2008/1, n° 44, p. 5.
2 I. C. Jaramillo, « La théorie juridique féministe. Un outil d'intervention pour les
études de développement », in C. Verschuur, I. Guérin et H. Guétat-Bernard (dir.),
Sous le développement, le genre, 2017, IRD éd., Objectifs Sud, p. 186.
sociales. Ils souhaitent aussi rappeler que le droit peut être
vecteur de changements au sein même de notre réalité sociale.
Ambivalent donc, le droit est « à la fois instrument de domination
et outil de résistance » 3
.
Pour parvenir à l'égalité réelle entre homme et femme, est
apparue dans les années 1980 l'idée d'une approche intégrée
de l'égalité, d'une intégration des questions de genre (gender
mainstreaming) dans la mise en place des politiques publiques.
Constatant la prégnance des déséquilibres entre les femmes
et les hommes dans tous les aspects de la vie économique et
sociale, il convenait d'opter pour « de nouvelles approches, de
nouvelles stratégies et de nouvelles méthodes » 4
. C'est en ce
sens que les organes européens ont proposé d'embrasser une
perspective plus large, plus structurelle, des rapports entre
hommes et femmes au sein de nos sociétés.
Si l'on adopte la définition la plus opératoire possible de l'approche
intégrée de l'égalité, on considérera qu'elle consiste
« en la (ré)organisation, l'amélioration, l'évolution et l'évaluation
des processus de prise de décision, aux fins d'incorporer
la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes dans
tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement
impliqués dans la mise en place des politiques » 5
.
Dans cette optique, le gender mainstreaming est donc un instrument
puissant permettant de déconstruire notre rapport à
la « neutralité » en interrogeant systématiquement les effets
différentiels des politiques publiques et normes juridiques en
3 A. Revillard et a., « À la recherche d'une analyse féministe du droit dans les écrits
francophones », Nouvelles Questions Féministes 2009/2, vol. 28, p. 10.
4 Cons. UE, Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l'égalité, rapp.
final d'activités, 2004, L'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les
hommes. Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques
», p. 11.
5 Cons. UE, Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l'égalité, rapp.
final d'activités, 2004, L'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les
hommes. Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques
», p. 13.
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