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Le budget des collectivités locales face au défi des inégalités de genre
notamment) des politiques d'égalité des sexes et une budgétisation
sensible au genre en raison de la latitude décisionnelle
réduite imposée par les processus d'assainissement ou de
contraction budgétaire. Si l'intégration d'une perspective de
genre n'implique pas nécessairement une augmentation des
dépenses d'investissement de la part des collectivités, la formation
des agents publics et leur sensibilisation impliquent
en général certains frais de fonctionnement additionnels. Or,
les collectivités territoriales, et c'est le troisième obstacle que
l'on peut identifier, ne disposent pas toujours des ressources
suffisantes pour mener à bien la transition vers l'égalité.
Depuis plus d'une vingtaine d'années déjà, l'État a entrepris
une politique de recentralisation du pouvoir fiscal local,
que certains pourraient qualifier de « néolibérale » 60
. Cette
recentralisation a pour but de réduire la part des budgets
publics dans l'économie. Après les « grignotages successifs des
marges de manœuvre fiscales constatés dans les années 1990
et 2000 » 61
, a succédé, en 2010, la suppression de la taxe professionnelle.
Celle-ci a certes été remplacée par le versement
de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)
et la cotisation foncière des entreprises, mais ceci n'est guère
satisfaisant eu égard au fait que le taux de la CVAE est fixé
nationalement d'une part et qu'il s'agit d'une « fiscalité de
flux » d'autre part 62
taxe d'habitation en 2018 et le fait qu'une partie des dotations
de l'État a été significativement réduite entre 2014 et 2017,
il est évident que les inégalités inter-collectivités risquent de
perdurer, ce qui n'est pas de bon augure pour l'égalité réelle
entre les individus.
Une option envisageable serait « la détente de la contrainte
financière pour l'ensemble des collectivités par la garantie de
ressources par l'État et par le renforcement de la solidarité
territoriale » 63
, renforcement qui passerait notamment par
le biais de la péréquation financière. Cependant, le système
de péréquation financière, en France, est en partie lacunaire.
Partant, les inégalités continuent de persister et certaines
collectivités ne disposent pas des ressources suffisantes pour
former leur agent et refonder en profondeur leur process.
Ces inégalités persisteront tant que le mécanisme même de
la péréquation ne sera pas amendé. L'argent étant le « nerf
de la guerre », seule une refonte de ce système de péréquation
64
serait à même d'offrir à chaque collectivité la capacité
60 M. Cabanne, « Le défi de la perte de pouvoir fiscal », Fondation Jean Jaurès, 2022.
61 É. Portal, « Autonomie sur les ressources et les dépenses des collectivités locales
françaises : effets juridico-financiers différenciés des réformes votées depuis 2010 »,
Gestion & Finances publiques 2017, n° 2, p. 58.
62 É. Portal, « Autonomie sur les ressources et les dépenses des collectivités locales
françaises : effets juridico-financiers différenciés des réformes votées depuis 2010 »,
Gestion & Finances publiques 2017, n° 2, p. 59.
63 M. Cabanne, « Le défi de la perte de pouvoir fiscal », Fondation Jean Jaurès, 2022.
64 Cette refonte peut passer par un renforcement du volume de la péréquation financière
horizontale (qui est la plus efficace en matière de redistribution). Cependant,
il est possible que ce type de refonte ne soit envisageable que dans le cas où les
collectivités auraient un pouvoir sur le niveau de leurs ressources. Dans ce dernier
cas, au-delà de la refonte du système de péréquation, peut-être faudrait-il plutôt
envisager une refonte du système de financement local pour redonner aux collectivités
territoriales une capacité de générer des ressources sur leurs territoires.
d'envisager sérieusement l'introduction d'une budgétisation
sensible au genre.
Cependant, il semble « illusoire de vouloir instaurer un système
de péréquation financière performant entre les collectivités
territoriales alors même que les assiettes des impôts
locaux ne sont pas évaluées précisément » 65
. La mise en œuvre
de la péréquation financière, qui n'a d'autre but que d'assurer
à chaque collectivité la capacité de s'administrer librement,
suppose donc une actualisation des valeurs locatives cadastrales
sur la base desquelles la péréquation est mise en œuvre.
Dans le cas contraire, « toute initiative en matière de péréquation
financière locale ne peut être que vaine » 66
. En n'ayant
. Si l'on ajoute à cela la suppression de la
pas réévalué les valeurs locatives cadastrales depuis 1970, malgré
les nombreuses évolutions qu'a connues le marché immobilier,
la redistribution des ressources opérée par la péréquation
financière est pour le moins biaisée. Potentiellement,
donc, les élus des collectivités déjà défavorisées pourraient ne
pas avoir les moyens de réaliser les choix stratégiques qu'ils
estiment pourtant nécessaires, notamment afin de concrétiser
la valeur égalité.
Enfin, et c'est le quatrième obstacle que nous avons pu identifier,
il s'avère que la budgétisation sensible au genre est paradoxalement
vulnérable aux pressions d'une opinion publique
faisant de l'égalité une priorité tout en étant par ailleurs peu
sensibilisée à cette question. Dans ce cas de figure, la budgétisation
sensible au genre risque d'être mise de côté au profit
des dépenses spécifiques en vue de l'égalité. En effet, les
dépenses ciblées seront sans doute « favorisées par les administrateurs
qui recherchent un remède immédiat à la discrimination
fondée sur le sexe » 67
. La budgétisation sensible
au genre peut être considérée comme moins « rentable » du
point de vue de l'affichage politique. Plus la pression de l'opinion
publique en matière d'égalité sera importante et plus
une logique d'immédiateté semblera s'imposer au regard de
l'agenda électif. L'intégration de l'égalité dans le processus
budgétaire est sans doute moins visible que le déploiement
d'une palette de mesures plus ponctuelles sur lesquelles la
communication semble plus aisée. Les fruits réels, mais aussi
politiques, de la budgétisation sensible au genre n'apparaissent
qu'à moyen terme. Aussi, n'est-il pas exclu que le calcul des
intérêts conduise les élus des collectivités à laisser de côté la
budgétisation sensible au genre de peur que les changements
escomptés n'apparaissent qu'à une prochaine mandature et
qu'ils profitent, potentiellement, à un adversaire politique.
B. Les obstacles idéologiques
En plus des obstacles matériels, humains et financiers, l'intégration
d'une perspective de genre dans le processus budgé65
V. Sempastous, La péréquation financière en droit des collectivités territoriales, thèse
dactylographiée, 2020, Université Toulouse Capitole, p. 547.
66 V. Sempastous, La péréquation financière en droit des collectivités territoriales, thèse
dactylographiée, 2020, Université Toulouse Capitole, p. 522.
67 S.-M. Jung, « Determinants of Gender Budgeting Practices : Evidence from
Municipal Governments in South Korea », Public Performance & Management
Review 2022, vol. 45, issue 4, p. 959 à 960.
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