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Les transformations contemporaines du pouvoir constituant
2021 81 (confirmées le 21 janvier 82
), la Cour constitutionnelle
du Bénin affirme son incompétence à contrôler des lois de
révision constitutionnelle adoptées par la voie parlementaire
(a fortiori par la voie populaire).
Le phénomène d'absolutisation du pouvoir constituant dérivé
est sans conteste un élément de la transformation contemporaine
du pouvoir constituant. Cela a suscité évidemment la
critique doctrinale.
2. La critique de la thèse de l'illimitation du pouvoir
de révision et les leçons de la pratique
Il faut, de prime abord, souligner que la thèse de l'illimitation
du pouvoir de révision, qui a pour corollaire le déni de toute
valeur reconnue aux normes limitatives de révision constitutionnelle
et la soustraction de tout contrôle des lois de révision,
est théoriquement fragile 83
.
Sur la théorie de la souveraineté du pouvoir de révision formulée
en 1992 84
utilisé par le juge est (...) trompeur » 86
et confortée en 2003, une partie de la doc.
Olivier Beaud estime que « le vocabulaire
. Le « considérant » sur
lequel Georges Vedel semble s'appuyer est à notre avis entaché
d'une faute logique. L'on ne peut dans la même phrase
énumérer un ensemble de réserves (art. 7, 16, 89, al. 4 et 5)
qui s'imposeraient au pouvoir constituant dérivé et prétendre
qu'il serait « souverain », sauf s'il y a un entendement particulier
de l'épithète « souverain ». Un pouvoir souverain est un
pouvoir en principe illimité, or en énumérant des réserves à
un tel pouvoir, l'on admet implicitement qu'il n'est pas souverain.
Sur
l'idée inférée de l'injusticiabilité des lois constitutionnelles,
elle est fragile en théorie et en pratique. Qu'elle soit
adoptée par la voie référendaire ou parlementaire, la loi de
révision fait dans certains États l'objet d'un contrôle. La question
est lequel ? Pour ce qui est des lois de révision constitutionnelle
adoptées par la voie référendaire, leur injusticiabilité
fondée sur les décisions 1962, 1992 et 2014 repose sur deux
arguments : la compétence d'attribution (et donc limitée) de
81 Cour constitutionnelle du Bénin, 7 janv. 2021, n° 21-010, Nourou-Dine Saka
Saley - Cour constitutionnelle du Bénin, 7 janv. 2021, n° DCC 021-011, Nadin
Ange Tayéko Kokode. Pour les explications au sujet du revirement jurisprudentiel,
v. E. Ngango Youmbi et R. Ngando Sandjè, « L'émergence d'une catégorie
nouvelle de principes jurisprudentiels au Bénin : les impératifs constitutionnels »,
RDP 2020, p. 227-259.
82 V° Décision de la Cour constitutionnelle du Bénin, 21 janv. 2021, n° EP 21-001,
Ralmeg Gandaho.
83 Lire avec profit, O. Beaud, La puissance de l'État, op. cit., p. 329-357.
84 G. Vedel, « Souveraineté et supraconstitutionnalité », Pouvoirs 1993, n° 67,
p. 89-90, il avait d'ailleurs développé des idées semblables antérieurement,
« Schengen et Maastricht (À propos de la décision n° 91-294 DC du Conseil
constitutionnel du 25 juillet 1991) », RFDA 1992, p. 179 et s. ; D. Maillard, « Le
pouvoir constituant dérivé reste souverain », RDP 2003, p. 725-739.
85 V. par ex. J. Robert, « La forme républicaine du gouvernement », RDP 2003,
p. 357 et s. ; M. Canedo, « L'histoire d'une double occasion manquée », RDP
2003, p. 767 et s. ; T. Meindl, « Le Conseil constitutionnel aurait pu se reconnaître
compétent », RDP 2003, p. 741 et s.
86 O. Beaud, « La souveraineté de l'État, le pouvoir constituant et le Traité de
Maastricht », RFDA 1993, p. 1058 ; O. Beaud, La puissance de l'État, op. cit.,
p. 474.
trine émit quelques regrets autant sur la décision de 1992 que
celle de 2003 85
la juridiction constitutionnelle et la nature de l'acte référendaire,
qui serait « l'expression de la souveraineté directe du
peuple ». Cette immunité laisse entière l'intervention du juge
constitutionnel au titre de son office consultatif ; elle n'affecte
pas non plus sa compétence sur certains actes préalables à
la votation (affaire Bernard et autres, 1982) ; ou encore son
intervention après le référendum au titre de l'article 60, un
contrôle sur les opérations électorales relatives au référendum
(résultats du référendum 87
et/ou son déroulement matériel 88
).
L'institution du référendum d'initiative partagé rend également
possible un contrôle de la proposition de loi soumise à
référendum 89
.
Le contrôle de l'opportunité et de la question soumise à référendum
s'est développé d'ailleurs dans le contexte africain.
Ainsi, en plus du contrôle des aspects formels ou procéduraux
du référendum (initiative, déroulement du vote et dépouillement),
certaines juridictions constitutionnelles africaines
(Niger 90
un contrôle plus large incluant l'objet et même l'opportunité
du référendum.
Il ne faut pas perdre de vue que, si « le référendum est l'expression
de la volonté directe du peuple », il faut admettre que le
peuple peut vouloir contre son intérêt 91
Rousseau, qui estimait lui que, « si le peuple veut toujours le
bien, il ne sait pas toujours ce que c'est ce bien ».
Pour ce qui est du contrôle des lois de révisions adoptées par
la voie parlementaire, la situation a été pendant longtemps
mitigée en Afrique 92
, où la doctrine fit des distinctions entre
,
, Burkina Faso, Tchad), et
les États contrôlant les lois de révision (Bénin avant 2021 93
Afrique du Sud 94
, Mali 95, Niger 96
ceux n'admettant pas un tel contrôle, le juge constitutionnel
se limitant à un rôle de « spectateur dans le processus de révi.
Ce qui fait écho à
, Kenya, Afrique du Sud, Bénin par le passé) opèrent
87 V. par ex. Cons. const. Sénégal, 30 mars 2016, n° 01/E/2016, Babacar Ba et a.
(demande d'annulation des résultats du référendum du 20 mars 2016).
88 D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel,
Paris, LGDJ, p. 568 ; v° aussi les décisions 2013, Cons. const., 25 oct. 1988,
R. p. 191 - Cons. const., 23 déc. 1960, p. 67 - Cons. const., 3 avr. 1962, R.,
p. 63.
89 La Commission Georges Vedel avait, en 1993, proposé précisément l'instauration
d'un contrôle de constitutionnalité sur l'ensemble des projets de loi référendaire.
90 Cour constitutionnelle du Niger, avis, 25 mai 2009, n° 02/CC, Kalla Ankouraou
et a. - Arrêt de la Cour constitutionnelle du Niger, 12 juin 2009, n° 04/CC/ME,
Alliance nationale pour la démocratie et le progrès et a.
91 G. Liet-Veaux, « " La fraude à la Constitution " . Essai d'une analyse juridique des
révolutions communautaires récentes : Italie, Allemagne, France », RDP 1943,
p. 116-150.
92 A. Soma, « Le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles en Afrique
noire francophone », PJA 2011, n° 5, p. 622-626 ; B. Cissé, Le juge, la doctrine
et le contrôle des lois de révisions de la Constitution, 2019, Paris, L'Harmattan,
Logiques juridiques.
93 V° Décisions de la Cour constitutionnelle du Bénin du 20 nov. 2014, n° 14-199,
Emmanuel Houenou.
94 X. Philippe, « Le contrôle des lois constitutionnelles en Afrique du Sud », Cahiers
C3C 2010, n° 27, p. 1 et s.
95 V° Décision de la Cour constitutionnelle du Mali, 12 déc. 2001, n° 01-128.
96 V° Décision de la Cour constitutionnelle du Niger, 7 janv. 2003, n° 2003-002/
CC, Contrôle de constitutionnalité de la loi constitutionnelle modifiant le statut
des députés. L'on citera également le célèbre avis n° 02/CC du 25 mai 2009 et
l'arrêt n° 4/CC/ME du 12 juin 2009.
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