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200a9
Dossier
un interlocuteur privilégié de la direction générale de la santé
durant toute la crise sanitaire.
A contrario, quand les travaux aboutissent à des conclusions
opposées aux analyses gouvernementales ou pire, quand elles
s'opposent aux intentions ministérielles, les préconisations
pèsent peu. La démonstration la plus récente concerne évidemment
les suites réservées aux avis du conseil d'orientation
de retraites au moment de la réforme du régime général, voire
aux commentaires gouvernementaux acerbes qui ont accompagné
les déclarations de son président 54
.
Dans la seconde catégorie, se retrouvent des instances dont la
vocation est de permettre au pouvoir politique de présenter
ses analyses, voire ses projets. Il s'agit donc d'outils de régulation
dans la mesure où leur convocation protège le gouvernement
de la critique facile sur l'absence d'écoute. On
pense particulièrement au Conseil supérieur de la fonction
publique de l'État que les différents ministres utilisent régulièrement
- et sans aucun péril - pour tester des mesures et
mesurer alors leur acceptabilité par les partenaires sociaux. Là
encore, le conseil se cantonne dans la consultation sans jamais
servir de lieu de négociation.
Au concret, il manque à ces institutions une caractéristique
qui les prive de toute influence sur la décision : la confiance.
Sans elle, les partenaires ne peuvent atteindre leurs intérêts
respectifs. Sans elle, le calcul et l'opportunisme triomphent.
Seule la confiance mutuelle - et préalable ! - autorise la coopération
altruiste.
Sauf que la confiance, surtout envers une instance collective,
ne peut résulter d'un contrat. Elle ne peut être indépendante
des individus et d'une situation. Elle doit se construire pour
parvenir à se montrer. Cela réclame du temps (dont il a été ici
régulièrement rappelé qu'il s'agissait d'un paramètre rare dans
la vie publique) et de la constance entre les interlocuteurs, ce
qui n'est pas favorisé par la rotation inévitable des représentants
de syndicats ou d'associations composant ces conseils.
54 Par ex. le 23 janvier 2023, la Première ministre a pu donner le sentiment de
s'interroger sur son impartialité en estimant qu'il avait « peut-être » été conduit
« à avoir une position assez personnelle sur les travaux » de l'instance qu'il animait.
Ledit président fut quelque temps après, le 24 octobre 2023, démis de sa fonction
sans guère de ménagement. Une décision assurément symbolique.
Conclusion
Pour un pays qui s'est largement construit autour d'un État
fort et d'une action publique de qualité, l'efficacité collective
est un ciment indispensable à la cohésion nationale. Or
à l'évidence, le doute étreint beaucoup de citoyens dont la
confiance dans l'État s'est altérée. Ils observent avec toujours
plus de scepticisme un champ public où mille forces
se contredisent voire s'annulent. Ils assistent à un spectacle
joué par des personnages qui ne leur apparaissent plus que
comme les figures d'un pouvoir qu'ils ne détiennent plus. Ils
constatent que la simple parole publique ne suffit plus pour
que ce qui a été conçu et exposé soit exécuté sans un arrêt
ou un engourdissement. Comme l'affirmait Paul Ricoeur « le
site de l'État n'est plus clair dans la conscience des citoyens ».
Or la confiance fait partie des intrants de toute politique
publique puisque leur mise en œuvre ne peut s'en passer.
Les gouvernants n'ignorent rien de cet état de fait si bien que
finalement, aujourd'hui gouverner se résume à défier, sous
le fouet des crises, le « spectre de l'impouvoir » 55
. Une telle
aventure politique s'avère donc aléatoire et périlleuse face aux
bruits incessants des murmures médiatiques, aux catastrophismes
qui désarment l'énergie, aux populismes adeptes des
solutions simples et aux administrations qui paraissent s'ingénier
à produire de la complexité. Pour y parvenir, la qualité
des entourages, la variété des collaborateurs ou la complexité
des cénacles administratifs sont des paramètres déterminants
comme cela vient d'être présenté. Mais ils ne masquent pas
l'évidence : comme il n'existe pas de pouvoir sans responsabilité,
au moment du jugement le gouvernant est seul.
55 T. Puech, « Gouverner ensemble », Le nouvel esprit du gouvernement, La grande
conversation, 28 avr. 2022, https://lext.so/Z0qJXf.
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Re vue du dr oit public * Mar s 2024

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