Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 1-2024 - 17

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Conseiller l'État
La fonction consultative du Conseil d'État RDP200b0
Jacques arrighi de Casanova
Président de section (h) au Conseil d'État
L'ESSENTIEL
Aussi ancienne que l'institution elle-même dont c'était à l'origine la vocation essentielle, la fonction consultative
du Conseil d'État a connu une histoire plus chaotique que celle de sa fonction juridictionnelle mais sa nécessaire
intervention pour l'examen des textes normatifs est désormais consacrée par la Constitution de 1958. Moins connue
en raison de son caractère confidentiel que celle de juridiction suprême qu'il exerce par ailleurs, cette fonction
s'exerce concrètement selon des modalités qui ont, pour la plupart, était fixées dès l'origine sans être nécessairement
inscrites dans les textes, qu'il s'agisse des règles d'organisation lui permettant de remplir cette mission, des
principes sur lesquels repose le fonctionnement de ses formations administratives ou de la portée effective de ses
avis, le plus souvent suivis par le gouvernement en dépit de leur caractère non contraignant.
S
i le titre Ier
du livre Ier
tive (CJA) mentionne, au chapitre Ier
du Code de justice administra,
les « attributions
contentieuses » du Conseil d'État avant celles qu'il
exerce « en matière administrative et législative », selon l'intitulé
du chapitre II, c'est sans doute au nom d'une certaine
prééminence des premières sur les secondes. Il ne faut cependant
pas s'y tromper : celles-ci sont plus anciennes que celleslà,
aussi anciennes que l'institution elle-même, dont c'était au
départ la vocation essentielle, suivant les termes de l'article 52
de la Constitution du 22 frimaire an VIII, qui la chargeait de
« rédiger les projets de lois et les règlements d'administration
publique et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière
administrative ».
Mais l'histoire de la fonction consultative du Conseil d'État a
été un peu plus chaotique que celle de sa fonction juridictionnelle.
Absent des chartes constitutionnelles de 1814 et 1830,
il n'était plus que rarement consulté sur les projets de loi par
les gouvernements de la Restauration et de la monarchie de
Juillet. C'est avec la constitution de 1948 et surtout avec celle
de 1852 que sa fonction consultative retrouve la place éminente
qu'elle avait sous le Consulat et le Premier Empire :
les projets de loi lui sont obligatoirement soumis, tout
comme les projets de décret en forme de règlement d'administration
publique. Cette place est remise en cause sous la
IIIe
République : la loi du 24 mai 1872 préserve son rôle en
matière réglementaire mais rend sa consultation facultative
sur les projets de loi et, de fait, cette faculté ne sera guère
utilisée.
Avec l'ordonnance du 31 juillet 1945, la consultation du
Conseil d'État sur les projets de loi redevient obligatoire et ce
rôle sera consacré par la Constitution de 1958, qui y ajoute
les projets d'ordonnance. Puis viennent en 1999 les projets de
« loi du pays » de Nouvelle-Calédonie et, depuis la révision
constitutionnelle de 2008, la possibilité pour les présidents de
chacune des deux assemblées de soumettre à l'avis du Conseil
d'État les propositions de loi émanant des parlementaires.
Tout ceci est bien connu et n'appelle pas davantage de précisions
dans le cadre de cette étude. Ce qui l'est moins, en raison
du caractère confidentiel de cette fonction consultative,
c'est la manière dont elle s'exerce concrètement : quels sont
les règles d'organisation qui permettent au Conseil d'État de
remplir cette mission (I), les principes sur lesquels repose le
fonctionnement de ses formations administratives (II) et la
portée effective de ses avis (III) ? Telles sont les questions auxquelles
les lignes qui suivent s'efforcent d'apporter quelques
éléments de réponse.
I. Pour l'exercice de sa mission consultative, le Conseil d'État
est organisé en sections administratives, dont l'existence est
prévue par l'article L. 121-3 du Code de justice administrative
et dont la liste figure à l'article R. 123-2 : la section de
l'intérieur et la section des finances, dont l'existence remonte
à l'an VIII, la section des travaux publics créée en 1852, la
section sociale en 1946 et la section de l'administration en
2008 1
.
Depuis le décret n° 2019-792 du 26 juillet 2019, la répartition
des affaires entre elles, prévue par l'article R. 123-3 et
fixée par un arrêté du Premier ministre et du garde des Sceaux,
ministre de la Justice, privilégie un critère matériel sur le critère
organique (en fonction du département ministériel de
provenance du texte) qui prévalait auparavant. Placée sous le
signe de la souplesse, elle permet en particulier au vice-président
du Conseil d'État d'affecter une affaire à une autre section
que celle normalement compétente pour en connaître.
Autour du président, chaque section se compose de présidents
adjoints, de conseillers d'État en service ordinaire ou
extraordinaire, de maîtres des requêtes et d'auditeurs, tous
les membres ayant voix délibérative dans toutes les affaires.
Mais la formation plénière n'est réunie par le président que
lorsqu'il estime que l'importance des affaires inscrites à l'ordre
du jour le justifie. Dans la plupart des cas, la section siège en
formation ordinaire de sept membres, voire dans une formation
restreinte de trois membres pour les affaires ne soulevant
pas de difficulté.
1 On laissera de côté la section du rapport et des études, créée en 1985, dont les
missions ne correspondent pas exactement à la fonction consultative dont il est
ici question.
Re vue du dr oit public * Mar s 2024
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