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L'ordre public, vecteur de la transition écologique
III. L'ordre public écologique limitant le
libre choix du cocontractant
C'est l'ordre public économique qui fonde la mise en place de
procédures de publicité et de mise en concurrence encadrant
la passation des contrats de la commande publique pour
garantir la liberté d'accès à la commande publique 50
. Mais,
on le sait, certaines modalités de procédure peuvent favoriser
la prise en compte de considérations environnementales,
telles que l'allotissement qui s'impose en principe en matière
de marchés publics (CCP, art. L. 2113-10) ou une phase de
négociation.
Selon la directive n° 2014/24/UE, les critères sociaux et environnementaux
de sélection des candidatures fixés par l'acheteur
ne peuvent que concerner la capacité des opérateurs
économiques à exécuter correctement le marché ou viser à
vérifier qu'ils respectent la législation. La prise en compte de
la politique de développement durable d'un candidat n'est
pas permise 51
. La loi Climat et résilience permet d'exclure un
candidat qui n'a pas rempli son obligation d'établir un plan
de vigilance comportant les mesures propres à identifier les
risques et à prévenir les atteintes graves notamment à l'environnement,
obligation qui s'applique aux grandes entreprises
(C. com., art. L. 225-102-4). Toutefois cette interdiction de
soumissionner en vigueur depuis le 4 mai 2022 52
est laissée
à l'appréciation de l'acheteur ou de l'autorité concédante
(CCP, art. L. 2141-7-1 - CCP, art. L. 3123-7-1, mod. par
L. n° 2023-973, 23 oct. 2023). Un motif d'exclusion facultatif
a été ajouté par la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie
verte en cas de méconnaissance de l'obligation d'établir
un bilan des émissions de GES (CCP, art. L. 2141-7-2
- CCP, art. L. 3123-7-2).
L'ordre public écologique entre en jeu notamment lorsque
l'acheteur est tenu de rejeter une offre méconnaissant une
législation environnementale 53
, qualifiée d'« offre irrégulière »
(CCP, art. L. 2152-2). L'acceptation d'une telle offre peut
conduire à conclure un contrat dont le contenu est illicite
dès lors que le contrat est « indissociable de l'offre retenue
au terme de la procédure de mise en concurrence » 54
. Par
exemple, il a été jugé qu'en retenant l'offre d'une société qui
ne disposait pas d'une autorisation de mise sur le marché pour
un produit biocide, une commune « a méconnu de manière
flagrante la réglementation applicable aux produits biocides
destinée à protéger la santé publique et la biodiversité ; dans
les circonstances de l'espèce, eu égard aux objectifs poursuivis
par la réglementation applicable, le contenu du contrat résul50
CE, ass., 8 avr. 2009, n° 271737, Cne d'Olivet : AJDA 2009, p. 109, chron.
J.-J. Liber et D. Bottegi ; AJDA 2009, p. 1747, étude S. Nicinski ; S. Hourson,
« L'ordre public économique en matière contractuelle », in A. Lajet-Annamayer
(dir.), L'ordre public économique, 2018, LGDJ, p. 281, EAN : 9782275059013.
51 CJUE, 10 mai 2012, n° C-368/10, Commission européenne c/ Pays-Bas : AJDA
2012, p. 982, note R. Grand.
52 D. n° 2022-767, 2 mai 2022.
53 CPP, art. L. 2152-2 - CAA Paris, 30 avr. 2021, n° 20MA03008, Centre hospitalier
A. Bousquet : Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 211, obs. E. Muller.
54 CE, 5 avr. 2023, n° 459834, Cne Hyères : ArianeWeb, concl. N. Labrune :
https://lext.so/kEy3WF.
tant de l'offre de la société (...) et de l'acceptation par la commune
(...) doit être regardé comme illicite » 55
. En s'appuyant
sur la jurisprudence Société Cerba du 9 novembre 2018, qui
a défini le contenu illicite d'un contrat justifiant son annulation
56
, le Conseil d'État a décidé que « le défaut d'autorisation
de mise sur le marché d'un produit dont la fourniture
constituait l'objet même du contrat litigieux [entache]
d'illicéité le contenu de ce contrat et (...) un tel vice [est] de
nature à justifier son annulation » 57
.
Quant aux critères de choix des offres, la directive n° 2004/18/
CE du 31 mars 2004 avait consacré la jurisprudence de la
Cour de justice de l'Union européenne 58
en permettant de
retenir des considérations environnementales comme critères
d'attribution, à condition d'établir un lien avec l'objet du marché.
Les CMP de 2004 et 2006 ont transposé cette possibilité
59
. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation
relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement,
a prévu que l'État favoriserait le respect de l'environnement
dans l'achat public par un recours croissant aux critères
environnementaux dans les marchés publics. Les directives
n° 2014/23/CE (art. 41) et n° 2014/24/CE (art. 67) ont
confirmé cette possibilité, en continuant à imposer un lien
avec l'objet du contrat ou ses conditions d'exécution et en
précisant que cette exigence « exclut les critères et conditions
relatifs à la politique générale de l'entreprise, qui ne peuvent
être considérés comme un élément caractérisant le processus
spécifique de production ou de fourniture de travaux,
produits ou services achetés. Les pouvoirs adjudicateurs ne
devraient dès lors pas être autorisés à exiger des soumissionnaires
qu'ils aient mis en place une politique particulière de
responsabilité sociale ou environnementale de l'entreprise » 60
.
« Si une démarche RSE ne peut être elle-même valorisée lors
de l'analyse des offres, sa déclinaison dans l'offre technique et
environnementale, strictement liée au marché concerné, peut
en revanche être prise en compte » 61
. Des critères environnementaux
peuvent concerner toutes les activités des entreprises
soumissionnaires, pour autant qu'elles concourent à la réalisation
des prestations prévues par le marché.
Cependant, des obligations sectorielles imposaient le recours
à des critères environnementaux dans certains domaines tels
que l'achat public de véhicules à moteur ou la fourniture de
repas de restauration collective 62
avait appelé à poser l'exigence d'une compatibilité de principe
55 CAA Marseille, 25 oct. 2021, n° 20MA03008, Sté Sumitomo Chemical Agro
Europe : Contrats-Marchés publ. 2022, comm. 29, obs. J. Dietenhoeffer.
56 CE, 9 nov. 2019, n° 420654, Sté Cerba : Lebon, p. 407.
57 CE, 5 avr. 2023, n° 459834, Cne Hyères : Contrats-Marchés publ. 2023,
comm. 187, obs. H. Hoepffner.
58 CJCE, 17 sept. 2002, n° C-513/99, Concordia Bus Finland : AJDA 2003, p. 433,
note D. Blaise.
59 CE, 23 nov. 2011, n° 351570, Cté urbaine Nice-Côte d'Azur : AJDA 2011,
p. 2321, note M.-C. de Montecler.
60 V. en matière sociale, CE, 25 mai 2018, n° 417580, Nantes Métropole : ContratsMarchés
publ. 2018, comm. 155, obs. J.-P. Piétri.
61 B. Koebel, « Référentiels sectoriels RSE et marchés publics », Contrats-Marchés
publ. 2021, comm. 166.
62 CPP, art. L. 2172-4, abrogé par Ord. n° 2021-1490, 17 nov. 2021 - C. rur., art.
L. 230-5-1, I.
. Le professeur Fonbaustier
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