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Chronique de droit public latino-américain
contenues respectivement dans les articles 26 et 34, alinéa
1, du Code de la famille. La Cour déclare également la
conformité à la Constitution de l'article 35 de la loi n° 7 de
2015, portant Code de droit international privé de Panama,
dont le texte est le suivant : « Le mariage entre personnes du
même sexe est interdit ». La décision de la Cour suprême va
sciemment 17
à l'encontre de l'avis consultatif n° 24, rendu le
24 novembre 2017 par la Cour interaméricaine, selon lequel
les droits garantis aux couples de sexe opposé doivent être
étendus et reconnus également à ceux constitués de personnes
du même sexe. Et cela étant entendu que tant la vie familiale
que le droit au mariage sont des droits liés au principe
de dignité et de libre autonomie des personnes, ainsi que le
droit de former leur projet de vie sans ingérence abusive de
l'État. Pour la Cour interaméricaine, la notion de « famille »
doit être comprise dans un sens large englobant effectivement
ses diverses formes et compositions qui doivent toutes être
reconnues et protégées par les États.
Cour constitutionnelle (Guatemala), dossier
n° 1198-2022 et Tribunal constitutionnel
(Pérou), dossier n° 02010-2020-PHC/TC : nonexécution
de la sanction pénale pour des crimes
internationaux
La lutte contre l'impunité des crimes internationaux commis
dans le contexte de conflits armés internes en Amérique latine
fait l'objet d'obstacles considérables provenant des juridictions
nationales au Guatemala et au Pérou.
D'une part, dans un arrêt du 6 mars 2023, la Cour constitutionnelle
guatémaltèque décide un recours d'amparo en
faveur de trois anciens militaires condamnés dans un arrêt du
23 mai 2018 pour crimes de disparition forcée, viol et crimes
contre les devoirs d'humanité dans l'affaire Molina Theissen 18
.
Eu égard à leur état de santé et à leur âge avancé, la Cour
constitutionnelle ordonne à la première chambre de la cour
d'appel d'envisager des mesures alternatives à leur privation
de liberté. Dans le cadre d'une demande en indication de
mesures provisoires (CADH, art. 63, al. 2), la Cour interaméricaine
enjoint l'État, le 24 mars, à ne pas exécuter ledit
arrêt de la Cour constitutionnelle jusqu'à ce qu'elle puisse
se prononcer sur cette demande ; ce qui fut respecté par la
cour d'appel le 20 avril. Cette dernière décision nationale a
néanmoins fait l'objet d'un recours le 4 mai, interposé par
le procureur (Fiscalía de Asuntos Constitucionales, Amparos y
Exhibición Personal). Le 6 juin, la Cour suprême de justice se
prononce sur le recours en ordonnant l'exécution de l'arrêt du
6 mars de la Cour constitutionnelle dans les cinq jours suivants.
Sous menace d'une sanction disciplinaire et/ou pénale,
les juges de la cour d'appel adoptent finalement une mesure
substitutive à la privation de liberté consistant en la détention
à domicile sans surveillance et sans restriction de circulation
17 Cour suprême de justice (Panama), arrêt, 16 févr. 2023, n° S/N, dossiers nos
16 et 315-17, p. 45 et s., disponible en ligne : https://lext.so/qoW760.
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Cour IADH, arrêt sur le fond, 4 mai 2004, affaire Molina Theissen c/ Guatemala.
en faveur des trois militaires condamnés. Le 4 septembre, la
Cour interaméricaine constate le comportement fautif de
l'État et déclare, 6 voix contre 1, le non-respect de son ordonnance
du 24 mars 19
.
D'autre part, dans une ordonnance du 4 décembre 2023, trois
magistrats du Tribunal constitutionnel de Pérou décident en
faveur d'Alberto Fujimori un recours en réexamen de l'exécution
de l'arrêt du 17 mars 2022 qui avait été rendu par
ce même tribunal dans le cadre d'un recours d'habeas corpus
20
. Une nouvelle fois, le Tribunal constitutionnel ordonne
à l'Institut pénitentiaire national (INPE) et au directeur de
la prison de Barbadillo la libération immédiate de Fujimori.
Le lendemain, le président de la Cour interaméricaine rend
une ordonnance adoptant des mesures urgentes en vue d'enjoindre
l'État à s'abstenir d'exécuter l'ordonnance du Tribunal
constitutionnel du 4 décembre jusqu'à ce que la Cour interaméricaine
dispose des éléments nécessaires pour analyser la
conventionnalité de ladite ordonnance. Le 6 décembre, en
allant sciemment à l'encontre de la décision supranationale,
Fujimori a été remis en liberté. Dans une ordonnance du
19 décembre, la Cour interaméricaine constate le comportement
fautif de l'État et déclare l'outrage « évident et grave » à
la justice interaméricaine (desacato) 21
.
L'année 2023 témoigne d'une multiplication de tensions
entre certaines autorités nationales et les organes interaméricains
de protection. Il ne s'agit pourtant pas d'un phénomène
nouveau puisqu'il a déjà eu lieu par le passé tant en Amérique
latine qu'ailleurs. Ces tensions sont même quasi inévitables
lorsque les décisions internes, la plupart provenant des cours
suprêmes et/ou constitutionnelles, font l'objet d'un contrôle
international de conventionnalité. Dans la mesure où l'opposition
des jurisprudences demeure argumentée, il y a de l'espoir
de voir le dialogue des juges se poursuive, voire d'évoluer.
II. La constitutionnalisation du droit
latino-américain
Le droit latino-américain se caractérise par une démarche
incontournable de constitutionnalisation 22
. Nous avons fait
le choix de rapporter sur la jurisprudence de 2023 en matière
de droit de la bioéthique (A), de droit du numérique et des
nouvelles technologies (B) et de droit administratif (C).
19 Cour IADH, Ord., 4 sept. 2023, demande en indication de mesures provisoires
et surveillance de l'exécution de l'arrêt rendu dans l'affaire Molina Theissen
c/ Guatemala, § 31 et dispositif n° 1.
20 Pour une analyse de cet arrêt de 2022 et de la grâce présidentielle « pour des
raisons humanitaires » accordée à Fujimori en 2017 par l'ancien président
Kucszynski, nous renvoyons à la « Chronique de droit constitutionnel étranger.
Amérique Latine », RFDC 2023/3, n° 135, p. 742-743.
21 Cour IADH, Ord., 19 déc. 2023, demande en indication de mesures provisoires
et surveillance de l'exécution de l'arrêt rendu dans les affaires Barrios Altos et La
Cantuta c/ Pérou, dispositif n° 2 et § 52 et s.
22 La constitutionnalisation est comprise ici comme le processus d'accumulation
de normes constitutionnelles par le développement de la jurisprudence constitutionnelle
et la diffusion de ces normes dans l'ordre juridique. V. L. Favoreu,
« La constitutionnalisation du droit », in L'unité du droit. Mélanges en hommage
à Roland Drago, 1996, Economica, p. 28. En ce sens également, N. Molfessis,
« Constitutionnalisation », in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la justice, 2004,
Paris, PUF, p. 222-227.
Re vue du dr oit public * Mar s 2024
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