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Chronique de droit public latino-américain
B. Droit du numérique et des nouvelles
technologies
Le droit latino-américain se singularise par les réponses novatrices
que certains États proposent face aux enjeux contemporains
du numérique et des nouvelles technologies. Trois
décisions pionnières ont marqué l'actualité de 2023 concernant
le respect des droits fondamentaux comme limite aux
neuro-technologies, l'utilisation des réseaux sociaux dans les
relations entre les citoyens et l'administration et l'incursion
de l'intelligence artificielle dans l'administration de la justice.
Dans un arrêt du 9 août 2023, la chambre IIIe
Cour suprême (Chili), affaire n° 105.065-2023 :
neuro-technologies et droits fondamentaux 2.0
de la Cour
suprême établit que la commercialisation (sans autorisation
étatique préalable) et le stockage de données sur l'activité
électrique du cerveau, effectués par un appareil (dénommé
Insight : dispositivo de monitoreo) de l'entreprise américaine
Emotiv Inc., portent atteinte au droit à la vie privée et au droit
à l'intégrité physique et mentale du requérant (consacrés par
l'article 19, alinéa 1, et 19, alinéa 4, de la Constitution). Par
conséquent, la Cour ordonne à l'entreprise la suppression,
sans aucune démarche ultérieure, de toutes les informations
qui avaient été stockées. De manière tout à fait innovante,
la Cour précise que « face au développement de nouvelles
technologies qui impliquent de plus en plus d'aspects de la
personne humaine, aspects [par ailleurs] impensables d'être
connus il y a quelques années, l'État doit accorder une attention
et une vigilance particulières dans leur contrôle afin de
prévenir et d'anticiper leurs éventuels effets ; en plus de protéger
directement l'intégrité humaine dans sa totalité. [Il s'agit]
d'une question qui inclut la vie privée et la confidentialité
[ainsi que] les droits à l'intégrité physique du sujet [concerné
par] l'expérimentation scientifique » 29
cain de l'Organisation des États américains 30
. Il s'agit sans
aucun doute d'une occasion manquée dans la mesure où ces
« principes interaméricains » cherchent à établir des standards
internationaux capables d'orienter et d'harmoniser les régulations
nationales nécessaires dans cette matière.
Cour suprême de justice de la Nation (Mexique),
recours d'amparo en révision n° 245/2022 :
le droit à formuler des demandes à
l'administration par l'intermédiaire des réseaux
sociaux
Dans une décision du 1er
février 2023, la première chambre
. Dans cette logique, la
Cour enjoint l'Institut de santé publique et l'autorité douanière
à évaluer et à décider, conformément au droit applicable,
sur la commercialisation et l'utilisation du dispositif
Insight ainsi que sur le traitement des données à caractère
personnel de ses éventuels utilisateurs.
Il convient de noter que, malgré l'effort de la Cour suprême
d'utiliser, à de fins d'interprétation, certains instruments
internationaux de soft law faisant le lien entre science et
droits de l'Homme (notamment la Déclaration sur la science
et l'utilisation du savoir scientifique et agenda pour la science
et la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de
l'Homme, adoptées par l'UNESCO, respectivement, en 1999
et en 2005), l'arrêt du 9 août 2023 ne fait aucune référence
à la Déclaration de principes interaméricains en matière de
neuroscience, neuro-technologies et droits de l'Homme,
adoptée le 9 mars 2023 par le comité juridique interaméri29
Notre traduction : Cour suprême (Chili), arrêt du 9 août 2023, affaire n° 105.0652023,
cons. 8.
de la Cour suprême reconnaît le droit d'un citoyen à formuler
des demandes à l'administration (derecho de petición
consacré dans l'article 8 de la Constitution) par l'intermédiaire
des réseaux sociaux et à obtenir une réponse de sa part.
En effet, le requérant avait adressé trois demandes à la mairie
de Guadalajara via Twitter, sans que l'autorité publique y ait
répondu en raison de leur absence de caractère formel. Au
regard de l'utilisation croissante des réseaux sociaux dans l'actualité,
la Cour suprême considère que l'administration est
tenue de répondre à ce type de demandes à condition que :
i) l'autorité publique soit titulaire du compte ; ii) qu'elle ait
habilité, normativement ou institutionnellement, l'utilisation
du réseau social concerné dans l'exercice de son travail officiel,
même si cela peut se dégager de la pratique ; iii) qu'il
soit possible de déduire du comportement de l'autorité
publique l'utilisation de la plateforme à des fins de recevoir
et de répondre des demandes, et non pas seulement de diffuser
des informations ou d'entretenir un simple dialogue avec
les particuliers et ; iv) que ce qui est exprimé par le citoyen
implique une véritable demande, au-delà d'un simple commentaire
ou d'une simple opinion. Les conditions posées par
la Cour servent d'avertissement à l'administration lorsqu'elle
décide de s'investir activement dans le monde numérique et
annoncent les conséquences de sa participation sur les réseaux
sociaux.
En outre, l'existence d'éléments minimum d'identification du
requérant est prise en compte par la Cour dans la mesure où
« il serait irréalisable de contraindre une autorité à répondre
à des milliers de demandes provenant de faux comptes, de
comptes créés dans des " fermes à trolls " , d'utilisateurs connus
sous le nom de " bots " ou exploités à partir de l'intelligence
artificielle et d'autres mécanismes qui s'écartent du contexte
d'une véritable demande citoyenne » 31
. La Cour suprême
prend également soin de préciser que sa décision ne concerne
que le cas d'espèce en raison de sa configuration particu30
L'arrêt du 9 août 2023 ne fait aucune référence non plus à la déclaration du
comité juridique interaméricain sur neuroscience, neuro-technologie et droits de
l'Homme : nouveaux défis juridiques pour les Amériques, adoptée le 11 août
de 2021 ; alors qu'il s'agit de la première déclaration au niveau mondiale dans
ce domaine.
31 Notre traduction : Cour suprême de justice de la Nation (Mexique), décision du
1er
février 2023, recours d'amparo en révision n° 245/2022, § 255.
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