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Chronique de droit public latino-américain
de l'article 4, alinéa 1, de la loi n° 19.886, portant bases des
contrats administratifs de fourniture et de prestation des services,
et de l'article 495, dernier alinéa, du Code du travail.
Ces dispositions interdisent que les personnes physiques ou
morales puissent signer un contrat avec l'administration pendant
deux ans lorsque celles-ci auraient été condamnées pour
des pratiques antisyndicales ou pour la violation des droits
fondamentaux des travailleurs. Selon le Tribunal, « parmi les
différentes politiques horizontales qui peuvent être adoptées
en matière de marchés publics, il existe de multiples raisons
pour lesquelles l'État exige de ne contracter qu'avec des entreprises
qui respectent le droit du travail - comme l'exige la
disposition légale contestée - afin d'éviter d'associer l'État
à des comportements illicites qui violent les droits des travailleurs
» 34
. Il convient de noter que cette affaire a profondément
divisé les membres du Tribunal constitutionnel. En
effet, la décision de rejet a été prise par défaut en absence de
majorité exigée par l'article 93.1, alinéa 6, de la Constitution
pour déclarer l'inapplicabilité des dispositions contestées.
III. La protection renforcée
des personnes en situation
de vulnérabilité
Les constitutions latino-américaines se caractérisent par leur
vocation à établir des « États sociaux de droit ». La générosité
des catalogues des droits fondamentaux consacrés dans ces
constitutions s'accompagne souvent d'un ensemble de mécanismes
institutionnels en vue de leur concrétisation, dont la
plupart sont de nature juridictionnelle. C'est pourquoi les
juges nationaux occupent une place centrale dans la protection
des personnes en situation de vulnérabilité que ce soit en
raison de leur âge (A) ou de leur condition sociale (B).
A. Situations de vulnérabilité en raison de l'âge
En 2023, deux décisions importantes en faveur de la protection
des enfants et des personnes âgées ont été identifiées.
Cour de Santiago (Chili), recours en protection,
affaire n° 102533-2022 : vaccination des enfants
de moins de trois ans contre la Covid-19
Dans une décision du 24 janvier 2023, la Cour de Santiago
se prononce sur un recours en protection formulé par la
mère d'une petite fille de trois ans à l'encontre du refus du
ministère de la Santé d'inclure les mineurs de trois ans dans
le Programme national de vaccination contre la Covid-19
pour des raisons d'ordre administratif et économique. Pour
la Cour, « il est possible de conclure que [le ministère de la
Santé] a commis une omission arbitraire et illégale » 35
égard à l'intérêt supérieur de l'enfant, à son droit à la vie et à
. Eu
34 Notre traduction : Tribunal constitutionnel (Chili), arrêt du 3 mai 2023, affaire
n° 13.447-22, cons. 13.
35 Notre traduction : Cour de Santiago (Chili), recours en protection, affaire
n° 102533-2022, cons. 15.
l'intégrité physique, la Cour enjoint le ministère de la Santé,
sous les instructions de l'Institut de santé publique, d'inclure
dans le Programme national de vaccination contre la Covid19
tous les enfants âgés de six mois à trois ans 36
.
Cour suprême de justice de la Nation
(Mexique), recours d'amparo direct en révision
n° 613/2023 : reconnaissance du droit humain
aux soins à autrui « derecho humano al cuidado
- the Human right to care »
Dans une décision du 18 octobre 2023, la première chambre
de la Cour suprême reconnaît, pour la première fois, le droit
humain aux soins à autrui « derecho humano al cuidado - the
Human right to care » 37
. Pour la Cour, toute personne a le
droit humain de procurer des soins, de recevoir des soins et
de prendre soin de soi (en espagnol : derecho de las personas
a cuidar, a ser cuidadas y al autocuidado). L'État doit jouer
un rôle prioritaire afin de garantir ce droit, notamment en
faveur des personnes en situation de handicap, des personnes
âgées et des personnes atteintes de maladies chroniques. Cette
obligation s'aligne en totale cohérence avec la décision prise
par le Mexique en janvier 2023 d'adhérer à la Convention
américaine sur la protection des droits humains des personnes
âgées de 2015 38
.
Dans sa décision du 18 octobre, la Cour suprême précise également
que le droit de donner des soins à autrui implique que
les personnes ne doivent pas être contraintes de procurer des
soins en raison des stéréotypes de genre, ce qui est, selon la
Cour, une question de justice sociale en faveur des femmes et
des filles, à qui incombent principalement ce type de tâches
dans la pratique. Concrètement, les personnes - en particulier
les femmes - ne peuvent pas être contraintes de rester mariées
sous prétexte de ce droit, car la garantie du droit humain
aux soins à autrui, derecho humano al cuidado, ne doit pas
dépendre exclusivement des individus. Dans cette logique,
la Cour souligne le besoin d'adopter des mesures pour que
les cuidados ne pèsent pas de manière disproportionnée sur
les familles, et en particulier sur les femmes et les filles, mais
plutôt d'avoir la possibilité de les déléguer à d'autres secteurs
de la société, y compris au sein de l'État, dans des conditions
dignes et de qualité, sans que cela puisse dépendre de facteurs
socioéconomiques. La décision de la Cour vise également à
revaloriser et à reconnaître le travail de cuidados non rémunéré
effectué au sein des foyers et à le prendre en compte
lorsqu'une personne demande une indemnisation pour s'être
consacrée à ce type de travail au cours de sa relation conjugale.
36
Cour de Santiago (Chili), recours en protection, affaire n° 102533-2022, cons. 18.
37 Sur la signification de cette expression, v. L. Sanchez, « Traduction et activisme
en Espagne : les effets de la traduction de care par cuidados », in Dictionnaire du
genre en traduction/Dictionary of Gender in Translation/Diccionario del género en
traducción, 29 juin 2023 : https://lext.so/qkfNTQ.
38 Il s'agit du premier instrument international contraignant visant la protection
spécifique de cette catégorie des personnes. En outre, l'adhésion du Mexique est
importante en ce qu'elle correspond à la dixième ratification nécessaire pour activer
le mécanisme de suivi, prévu à l'article 33 de cette convention.
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