Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 1-2024 - 201

CHRONIQUES
Alain Franklin ondoUa
Agrégé des facultés de droit
Professeur titulaire
Jean Mermoz BiKoro
Agrégé des facultés de droit
Maître de conférences à l'université de Yaoundé 2
Chronique de droit public des pays de l'espace africain
francophone RDP200c9
L'ESSENTIEL
L'année 2023 a été très mouvementée pour le droit public dans l'espace africain francophone. Il ressort notamment
de la rétrospective effectuée que révision constitutionnelle, élections, mobilisation du juge, et changements anticonstitutionnels
de gouvernement ont principalement maillé la matière constitutionnelle en ce contexte. De même,
l'approfondissement de la décentralisation ainsi que l'option de plus en plus prononcée des pouvoirs publics pour les
contrats publics d'affaires ont spécialement marqué la matière administrative dans l'espace considéré.
L
a présente chronique, première du genre, est le gage
de l'ouverture de la Revue de Droit Public à d'autres
espaces de production du droit. Elle a vocation à présenter
le droit public, tel qu'il se fabrique, s'interprète et se
pratique dans l'espace africain francophone. L'option a été
prise de privilégier le droit public interne, sans exclure le droit
d'origine externe dès lors qu'il a des incidences sur les ordres
juridiques nationaux. Droit public africain ou droit public en
Afrique (francophone) ? Latitude est laissée aux lecteurs de
placer le curseur entre ces deux approches, à la faveur de la
découverte régulière et périodique de la « Chronique de droit
public des pays de l'espace africain francophone ».
Le propos de Léon Duguit daté de 1913 et d'après lequel
« l'évolution du droit public est encore allée plus loin » 1
décrit
somme toute assez bien, un siècle et demi plus tard, la situation
qui prévaut dans les pays de l'espace africain francophone
à la fin de l'année 2023. Parce qu'en ce contexte tout bouge
et change 2
à l'observation, cette dynamique a été notablement marquée
par les flux et reflux constitutionnels (I) ainsi que la réforme
continue de l'administration publique (II).
I. Les flux et les reflux constitutionnels
Au cours de la période sous revue, les questions constitutionnelles
3
ont fait l'objet d'un traitement oscillant entre progrès
et régressions. Afin d'appréhender ces différents mouvements,
le curseur peut être pointé sur les flux (A) et les reflux (B) perceptibles
en ce domaine.
1 L. Duguit, Les transformations du droit public, 1913, Paris, Librairie Armand Colin,
p. 205.
2 Contrairement à B. Mathieu, Constitution : rien ne bouge et tout change, 2013,
LGDJ, EAN : 9782359710830.
3 E. Laboulaye, Questions constitutionnelles, 1872, Paris, Charpentier et Cie
Libraire-Editeur.
4 J.-L. Atangana Amougou, « L'éthique dans le constitutionnalisme en Afrique », in
F. J. Aïvo, J. du Bois de Gaudusson, C. Desouches, J. Maila (dir.), L'amphithéâtre
et le prétoire au service des droits de l'homme, Mélanges en l'honneur de Robert Dossou,
2020, L'Harmattan, p. 205.
5 C'est notamment le cas au Cameroun où l'article 66 de la Constitution de 1972
révisée, portant sur la déclaration des biens des gouvernants, est en attente de
concrétisation.
, le droit public y est en perpétuelle évolution et,
A. Les flux
Rétrospectivement, si l'enrichissement de l'offre jurisprudentielle
a stimulé de manière significative l'ancrage de la matière
constitutionnelle dans l'espace considéré, il faut bien relever
que l'effectivité de la déclaration des biens au Niger et
l'assomption de la fonction de contre-pouvoir par le peuple
au Sénégal sont également des progrès substantiels enregistrés
dans la dynamique de vivification du droit constitutionnel.
1. L'effectivité de la déclaration des biens au Niger
Conformément à l'article 51 de la Constitution nigérienne,
le président de la République d'alors, Mohammed Bazoum,
a procédé le 7 avril 2023 à la déclaration sur l'honneur des
biens en sa possession. Dans un contexte où l'exemplarité
des gouvernants est régulièrement sujette à caution et où
l'éthique reste un invité indésirable 4
, l'objectivation de l'obligation
constitutionnelle considérée a représenté une éclaircie
momentanée dans la tumultueuse vie politique nigérienne.
En se remémorant que dans quelques États les dispositions
constitutionnelles relatives à la déclaration des biens
demeurent inappliquées près de deux décennies après leur
édiction 5
, l'effectivité de cet acte au Niger est un fait saillant
ayant sans doute contribué à l'affermissement de la culture de
la transparence dans la vie publique.
Re vue du dr oit public * Mar s 2024
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