Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 1-2024 - 21

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Conseiller l'État
maintenir dans la catégorie des moyens que le juge doit, le cas
échéant, soulever d'office 16
.
Enracinée dans l'histoire, solennellement consacrée par la
Constitution, confortée par la mission juridictionnelle qu'il
exerce par ailleurs, la fonction consultative du Conseil d'État
le conduit à s'intéresser, bien au-delà du droit public, à toutes
les matières, même touchant au droit privé, sur lesquelles
peuvent porter les projets de texte normatif. Il a rendu à ce
titre plus d'un millier d'avis en 2022 17
.
Cette fonction n'est plus guère contestée de nos jours. Sans
doute peut-il encore arriver qu'elle suscite des critiques d'une
16 CE, 29 oct. 2008, n° 305746, Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions
libérales : Lebon.
17 Dont, selon le Rapport public publié en 2023, 73 portant sur des projets de loi,
45 sur des projets d'ordonnance, 670 sur des projets de décret réglementaire et 12
répondant à des questions du gouvernement. S'il se trouve qu'aucune proposition
de loi ne lui a été soumise en 2022, il en avait examiné 11 en 2021 et plusieurs au
cours de chacune des années précédentes.
Le conseil de l'État dans la mise en place des
institutions de la Ve
République RDP200b3
(4 octobre 1958 - 4 février 1959)
Émilien QUinart
Maître de conférences en droit public à l'université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
Membre de l'Institut de recherche juridique de la Sorbonne (IRJS, EA 4150)
L'ESSENTIEL
L'article 92, alinéa 1er
, de la Constitution du 4 octobre 1958 habilitait le Gouvernement à prendre par « ordonnances
République. Ces ordonnances, dont beaucoup portaient « loi organique »,
ayant force de loi », après avis du Conseil d'État, jusqu'au 4 février 1959, les mesures législatives nécessaires à la
mise en place des institutions de la Ve
n'ont jamais été délibérées au Parlement, ni ratifiées par lui. Les formations consultatives du Conseil d'État ont
en revanche largement participé à leur élaboration. L'étude des avis et des procès-verbaux d'assemblée générale
permet aujourd'hui de mettre en lumière l'apport des formations consultatives à l'écriture de ces projets d'ordonnances,
tant sur la forme que sur le fond. Elle permet surtout d'éclairer les méthodes de travail du Conseil d'État,
ses préoccupations et les représentations qu'il se fait de son propre rôle en cette matière particulière.
« Notre rôle est, lorsque le pouvoir politique a dégagé les grandes
tendances et choisi ses orientations, d'une part, de les intégrer
dans la vie de la nation dans la mesure où elles sont compatibles
avec son esprit et avec les " principes généraux " qui gouvernent
la République française moderne et, d'autre part, de le faire en
suivant les règles d'une bonne technique juridique ».
René Cassin, 27 août 1958
Lorsque s'ouvrent les débats devant l'assemblée générale du
Conseil d'État sur le projet de Constitution présenté par le
gouvernement du général de Gaulle le 27 août 1958, c'est
par ces mots 1
thétise peu ou prou la méthode de travail du Conseil d'État
à la fabrique de l'œuvre constitutionnelle. Moins étudiés que
l'écriture du texte constitutionnel lui-même, les avis rendus
sur les ordonnances portant lois organiques édictées sur le
fondement de l'article 92, alinéa 1er
, de la Constitution, entre
le 4 octobre 1958 et le 4 février 1959, éclairent d'un jour nouveau
l'apport du Conseil d'État au droit constitutionnel de la
Ve
République. Ils offrent aussi un aperçu - et c'est l'objet de
cet article - de l'activité consultative du Conseil d'État, de ses
méthodes et de son sens. Ils révèlent quelle représentation le
- reproduits ci-dessus - que René Cassin syn1
Allocution de M. René Cassin, vice-président du Conseil d'État, séance d'assemblée
générale du Conseil d'État du 27 août 1958 (matin), Comité national chargé
de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République,
Documents pour servir à l'histoire de l'élaboration de la Constitution du 4 octobre
1958, Volume III, Du Conseil d'État au référendum, 20 août - 28 septembre 1958,
Paris, La Documentation française, 1991, p. 284-285.
partie de la doctrine, mettant essentiellement en cause son
cumul avec celle de juridiction suprême. L'utilité et la légitimité
de l'intervention du Conseil d'État dans le processus
normatif font néanmoins depuis longtemps l'objet d'un
consensus tellement bien établi qu'il a conduit à son élargissement
sous la Ve
République, avec l'examen des projets de
« loi du pays » de Nouvelle-Calédonie et, surtout, celui des
propositions de loi émanant des parlementaires. Le renouveau
de sa fonction consultative auquel on a assisté depuis
quelques années lui permet ainsi d'occuper, plus que jamais,
une position stratégique dans nos institutions.
Re vue du dr oit public * Mar s 2024
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