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Conseiller l'État
dique accompagnant l'ensemble des directions chargées de la
conception et de l'animation des politiques publiques.
Le mimétisme administratif explique pour partie la généralisation
du modèle de la direction des affaires juridiques :
une solution adoptée et éprouvée par une institution administrative
tend à être imitée et diffusée. Ainsi, la création de
la direction des affaires juridiques du ministère de l'Éducation
nationale en 1996 semble avoir inspiré une vaste série
de réorganisations : une direction des affaires juridiques est
créée aux ministères économiques et financiers en 1998 35
aux ministères de l'Agriculture 36
,
et de la Défense 37
au ministère de l'Équipement en 2005 38
de l'Écologie en 2007 39
en 1999,
, puis au ministère
.
et du service
, et aux ministères sociaux en 2011 40
Les attributions de la direction des libertés publiques et des
affaires juridiques du ministère de l'Intérieur 41
des affaires juridiques et internationales du ministère de la
Culture 42
sont également réécrites sur le modèle de celles des
nouvelles directions. Même le ministère de la Justice, dont
les compétences juridiques internes n'avaient pourtant pas été
contestées, se voit à son tour doté d'une sous-direction des
affaires juridiques et contentieuses 43
.
Instituées pour reconstruire les compétences juridiques au
sein des ministères, les directions des affaires juridiques pourraient
être regardées comme le stade suprême de la conversion
de l'appareil administratif d'État à une logique managériale.
Elles offrent une illustration supplémentaire de la propension
de l'administration d'État à s'inspirer des méthodes
du secteur privé car cette forme d'organisation correspond
à celle de l'entreprise dont le service juridique fait office de
cabinet d'avocats interne. Une telle référence pourrait laisser
craindre que les « affaires juridiques » ne soient isolées au sein
des ministères, l'organe d'expertise juridique se trouvant distingué
des services qui conçoivent et animent les politiques
publiques et qui, à ce titre, sont chargés de l'élaboration des
textes normatifs. L'institution des directions des affaires juridiques
aurait permis d'armer juridiquement les ministères,
35 D. n° 98-975, 2 nov. 1998, portant création d'une direction des affaires juridiques
au ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie : JO, 3 nov. 1998,
p. 16573.
36 D. n° 99-555, 2 juill. 1999, fixant l'organisation de l'administration centrale du
ministère de l'Agriculture et de la Pêche : JO, 4 juill. 1999, p. 9939.
37 D. n° 99-164, 8 mars 1999, fixant les attributions et l'organisation du secrétariat
général pour l'administration du ministère de la défense : JO, 9 mars 1999,
p. 3514.
38 D. n° 2005-471, 16 mai 2005, fixant l'organisation de l'administration centrale
du ministère de l'Équipement, des Transports, de l'Aménagement du territoire,
du Tourisme et de la Mer : JO, 17 mai 2005, texte n° 11.
39 D. n° 2007-995, 31 mai 2007, relatif aux attributions du ministre d'État, ministre
de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des
technologies vertes et des négociations sur le climat, JO, 1er juin 2007, texte n° 1.
40 D. n° 2011-498, 5 mai 2011, portant création d'une délégation aux affaires juridiques
auprès des ministres chargés des affaires sociales, JO, 6 mai 2011, texte
n° 33.
41 D. n° 2008-1241, 28 nov. 2008, modifiant le D. n° 85-1057, 2 oct. 1985, relatif
à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'Intérieur et de la
décentralisation : JO, 30 nov. 2008, texte n° 4.
42 A., 17 nov. 2009, NOR : MCCB0922705A, relatif aux missions et à l'organisation
du secrétariat général : JO, 5 déc. 2009, texte n° 39.
43 A., 9 juill. 2008, NOR : JUSG0816307A, fixant l'organisation en sous-directions,
départements et bureaux du service support et moyens du secrétariat général
du ministère de la Justice : JO, 11 juill. 2008, texte n° 23.
tout en retranchant l'expertise juridique de l'action administrative.
Néanmoins,
les choix opérés lors de la structuration de l'expertise
juridique ministérielle permettent de nuancer cette
première lecture. La création des directions marque une rupture
dans l'organisation des ministères en élevant l'organe
de conseil juridique interne au rang de direction d'administration
centrale. Les conséquences concrètes d'un tel choix
ne sont pas négligeables. La direction est « l'unité fonctionnelle
déterminante » 44
de l'organigramme d'une administration
centrale. Elle traduit l'importance accordée à certaines
politiques ou fonctions en regroupant les moyens humains
et budgétaires correspondants. Aussi la création d'une direction
des affaires juridiques dans un ministère marque-t-elle
l'intention politique de valoriser, au sein des structures,
l'expertise en droit. En outre, même si la plupart des directions
des affaires juridiques ont peu à peu été intégrées aux
secrétariats généraux des ministères, elles conservent l'autorité
et de l'autonomie propres aux directions ministérielles.
En particulier, le poste de directeur des affaires juridiques
est un emploi à la décision du gouvernement 45
apparaissant
comme un poste « en vue » dans la haute fonction publique.
Il est d'ailleurs remarquable que ces fonctions soient presque
systématiquement confiées à un membre du Conseil d'État.
Sans être un cas isolé 46
, cet usage participe à l'intégration des
directions des affaires juridiques au sein de l'appareil administratif
central. D'une part, la nomination d'un membre du
Conseil d'État est de nature à renforcer l'autorité des analyses
de la direction vis-à-vis des autres services ministériels.
D'autre part, elle facilite la formation d'un réseau informel
entre les directions des affaires juridiques et le secrétariat
général du gouvernement, celui-ci étant également dirigé
par des membres du Palais-Royal. Dans le même temps, les
directions des affaires juridiques des ministères deviennent un
nouvel espace d'influence du Conseil d'État sur l'activité juridique
gouvernementale, « celui-ci renforçant du même coup
son emprise sur tous les maillons de la production juridique,
de l'amont à l'aval, de l'élaboration à l'application » 47
.
La création de ces nouveaux organes signale enfin la volonté
de redéfinir la fonction d'expertise juridique ministérielle.
Aux missions classiques de conseil juridique et de gestion des
contentieux s'ajoute la consécration inédite de leur rôle en
matière de qualité de la réglementation. De même, l'affirmation
selon laquelle les directions assurent la « diffusion des
compétences et des connaissances juridiques » 48
au sein des
44 N. Kada et H. Oberdorff, Les institutions administratives, 10e
« Sirey Université », § 133.
éd., 2023, Dalloz,
45 Par le jeu combiné de l'article 13 de la Constitution et de l'article 25 du statut
général de la fonction publique, les fonctions de directeur d'administration centrale
sont des emplois à la décision du gouvernement.
46 B. Ribadeau Dumas, « Les carrières dans et hors le Conseil d'État », Pouvoirs
2007, n° 123, p. 84.
47 J. Chevallier, « La place de l'administration dans l'élaboration des normes », Dr.
et société 2011, n° 79, p. 630.
48 D. n° 2014-133, 17 févr. 2014, art. 5, fixant l'organisation de l'administration
centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de
l'enseignement supérieur et de la recherche : JO, 14 févr. 2014, texte n° 2.
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