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Conseiller l'État
La concurrence potentielle entre l'expertise juridique externe
et l'expertise juridique interne aux ministères ne doit pas être
exagérée. La consultation d'avocats n'est pas à proscrire si elle
répond à un besoin de l'administration que la direction des
affaires juridiques du ministère ne peut satisfaire. Cependant,
il paraît nécessaire que le recours à des conseils juridiques
extérieurs fasse l'objet d'une réflexion préalable à laquelle les
directions des affaires juridiques méritent d'être associées.
Dans plusieurs ministères, ces dernières ont ainsi conquis le
rôle de « guichet unique » pour la passation de marchés de
prestations juridiques 73
avant qu'un tel marché ne soit engagé 74
ou la possibilité de donner leur accord
. Cette solution peut
se heurter à la résistance des services ministériels, soucieux
de conserver une certaine autonomie dans le choix de leurs
conseils juridiques. Elle mériterait, toutefois, d'être généralisée.
La fonction d'expertise juridique confiée aux directions
doit impliquer la faculté d'accompagner la recherche des
compétences juridiques utiles à l'action administrative.
73 Comme aux ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur
et aux ministères économiques et financiers.
74 Comme aux ministères sociaux.
Les difficultés institutionnelles du Conseil
économique en France sur un siècle RDP200b2
Comment se faire entendre ?
Alain Chatriot
Professeur des Universités
Centre d'histoire de Sciences Po
L'ESSENTIEL
Le Conseil économique, social et environnemental est aujourd'hui une assemblée constitutionnelle assez méconnue
et parfois mise en cause. Depuis presque un siècle, l'histoire de l'institution montre, qu'au-delà des questions
de représentation de la société, le rôle consultatif d'un tel Conseil a connu d'importantes variations. L'expertise
négociée produite pour des avis et rapports apporte une part de la légitimité de l'institution.
I. Les difficultés institutionnelles du
Conseil économique en France sur un
siècle
L
'existence d'une troisième assemblée constitutionnelle
a souvent été débattue en France. L'actuel Conseil économique,
social et environnemental (CESE) est l'héritier
d'une histoire et de pratiques institutionnelles bientôt
centenaire puisque le premier Conseil national économique
(CNE) a été créé par un décret du 16 janvier 1925. Si les
débats ont initialement porté sur la représentation des intérêts
et le corporatisme, ils concernent aujourd'hui davantage
les réflexions très contemporaines sur les formes de la démocratie
- participative et délibérative entre autres. Plutôt que
d'aborder l'institution par la question majeure de sa composition
autour du vaste sujet de la représentativité 1
, on se
propose ici de suivre le fil de l'évolution dans le temps de
sa fonction consultative, en considérant cette dernière non
pas seulement dans les textes régissant ses attributions mais
bien dans l'effet - qu'il soit important ou très limité - qu'ont
pu produire les avis et rapports de ces Conseils économiques
successifs. Il faut ici rappeler qu'une institution assez semblable
a existé sous différents noms : CNE de 1925 à 1940,
1 A. Chatriot, « Les apories de la représentation de la société civile. Débats et expériences
autour des compositions successives des assemblées consultatives en France
au XXe
siècle », RFDC 2007, n° 71, p. 535 à 555 ; M. Polaina, La notion de démocratie
sociale, thèse de doctorat de droit, 2021, Université de Dijon, p. 224 à 256.
Conclusion
L'institution des directions des affaires juridiques ministérielles
était l'expression d'une double ambition au sein de
l'administration d'État : apporter les compétences juridiques
indispensables aux ministères et revaloriser la place du savoir
juridique dans la construction de l'action ministérielle. Mais
la création de directions juridiques autonomes, intégrées aux
secrétariats généraux des ministères, pouvait laisser craindre
que la fonction d'expertise juridique ministérielle ne soit
qu'une simple fonction support, comme peuvent l'être les
ressources humaines, l'immobilier ou encore les affaires financières.
L'évolution de leur activité de conseil juridique montre
qu'il n'en est rien. Les directions accompagnent, éclairent et
orientent la conception des politiques publiques. Plus encore,
elles assistent les ministres au plus près de l'exercice de la
fonction ministérielle.
Re vue du dr oit public * Mar s 2024
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