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Dossier
riches archives conservées 18
moment de forts débats constitutionnels 20
et son intérêt 19. En effet, dans un
et où la question
de la démocratie sociale est affirmée à travers le préambule
de la Constitution finalement adoptée par référendum, l'institution
sous la présidence de Léon Jouhaux 21
semble avoir
du mal à s'affirmer dans la France de la Libération et de la
Reconstruction 22
. Dans un texte de 1947, le juriste Georges
Vedel commente alors la situation : « Au cours des débats
constitutionnels de 1946, tant devant la première que devant
la seconde Constituante, une affirmation a été répétée si souvent
qu'on peut y voir le leitmotiv de ces débats et peut-être
l'intuition (sinon l'idée) fondamentale d'où procède notre
régime constitutionnel actuel. Cette intuition, c'est que la
démocratie que nous avons vécue avant la guerre était incomplète
; elle se limitait au terrain politique et ne touchait que
très imparfaitement à l'ordre économique et à l'ordre social.
Il fallait compléter 1789, sinon le refaire » 23
.
L'année 1947 a vu l'Assemblée nationale le saisir à plusieurs
reprises mais le phénomène ne dure pas véritablement. Le
gouvernement saisit très rarement le Conseil à l'exception
des initiatives du gouvernement de Pierre Mendès France
à l'été 1954. La plupart des études conduisent à l'adoption
d'avis sauf en cas de conflits avérés (comme sur la réforme fiscale
en 1947 ou la réforme de l'entreprise en 1950). Le travail
du Conseil s'effectue principalement dans les commissions.
Ses publications sont de différentes natures et elles sont plus
larges qu'elles ne l'avaient été durant l'entre-deux-guerres.
Sont d'abord publiés par le Journal officiel les avis et rapports
du Conseil, puis le Bulletin des séances du Conseil et enfin,
entre décembre 1951 et l'été 1956, les rapports semestriels
sur le « revenu national et [la] conjoncture économique ».
Mais le Conseil diffuse aussi sa production par un autre biais,
retrouvant là un vieux projet qui avait mobilisé le secrétaire
général du CNE. Des « études et travaux » sont publiés aux
Presses universitaires de France et constituent une série de
35 volumes qui regroupent en fait autour de thèmes un ou
plusieurs rapports et avis du Conseil. Malgré la compétence
du CE sur le Plan (reconnue par la constitution et réaffirmée
par la loi organique de 1951), le Conseil a les plus grandes
difficultés à être consulté à son propos. Les deux institutions
18 Archives nationales et CESE, A. Chatriot et C. Oppetit (dir.), Le Conseil économique
1946-1960, 2009.
19 On reprend ici des éléments d'une première recherche sur l'institution durant
cette période, A. Chatriot, « Renouveaux et permanence d'une institution
représentative. Le Conseil économique sous la IVe
République », in L. Duclos,
G. Groux et O. Mériaux (dir.), Les Nouvelles Dimensions du politique : relations
professionnelles et régulations sociales, 2009, LGDJ, p. 55 à 68.
20 J. Bougrab, Aux origines de la Constitution de la IVe République, 2002, Dalloz.
21 A. Chatriot, « Léon Jouhaux : du Conseil économique du Travail au Conseil économique
1919-1954 », in Mairie d'Aubervilliers et Association des amis de Léon
Jouhaux, Léon Jouhaux, d'Aubervilliers au prix Nobel, 2010, La Documentation
française, p. 77 à 86.
22 Les avis du CE sont par exemple assez peu cités par Mendès France dans son cours
à l'ENA : P. Mendès France, Financer la reconstruction de la France. Problèmes économiques
et financiers que pose la politique des investissements et de la reconstruction
en France. Cours commun, ENA, promotion « Europe », 1950, 2023, IGPDECHEFF,
éd. crit. établie et introduite par A. Chatriot.
23 G. Vedel, « Démocratie politique, démocratie économique, démocratie sociale »,
in Collection Droit social, t. XXXI, mai 1947, p. 45 à 58, p. 47.
connaissent en partie une interpénétration des réseaux personnels,
mais la collaboration est refusée tant les différences
de logique institutionnelle sont importantes. Le CE ne réussit
à se prononcer sur les plans successifs que de manière assez
latérale.
La confrontation aux pouvoirs des assemblées politiques se
retrouve aussi dans le travail sur la conjoncture économique.
Le rapporteur, Jacques Dumontier, s'en explique dans son
rapport du second semestre de 1953 : « Comme les deux
précédents, le rapport du mois de décembre se présente dans
des conditions politiques et économiques peu favorables à un
travail réfléchi et scientifique. L'approche du vote du budget
appelle les confrontations des diverses opinions de politique
économique. Le gouvernement en fonction semble passer
devant un jury, devant lequel il plaide coupable, curieusement
solidaire de prédécesseurs, dont la vie trop courte ne
permet pas un jugement séparé. Aussi, apparaît-il difficile de
faire le simple point de la conjoncture, sans jeter un regard
à la fois sur le passé et sur l'avenir. (...) Une telle entreprise
est cependant limitée en son dessein par l'insuffisance des
éléments statistiques et les modalités de fonctionnement de
l'assemblée. Un jugement définitif sur les mois écoulés et une
prévision conditionnée de l'avenir supposent l'établissement
de modèles économiques détaillés. Le service des études économiques
et financières du ministère des Finances en établit
un, à l'intention de la commission des comptes et budgets
économiques de la nation, mais l'expérience a montré que
le Conseil ne pouvait en être saisi en temps utile. L'an passé,
cette contingence malheureuse pouvait être mise sur le
compte des nécessités initiales d'une entreprise délicate. Cette
année, le doute n'est plus permis. Attentive à dénoncer la réticence,
d'ailleurs trop réelle, des entrepreneurs à donner des
renseignements sur leurs activités, l'administration française
pèche exactement par la même discrétion, persuadée que les
secrets dont elle entoure ses caisses sont une arme de gouvernement
» 24
.
Certains témoins critiquent cette situation, en particulier certains
démocrates chrétiens qui espéraient plus de cette institution.
Yves Archambeaud reproche ainsi au Conseil : « Il
n'est pas le conseiller écouté du Parlement ni du gouvernement
; il ne leur fournit pas un apport technique suffisant qui
allégerait leurs travaux ; il ne fait pas efficacement participer
à la vie de l'État l'ensemble des activités économiques de la
Nation » 25
. L'universitaire Maurice Byé, membre du Conseil
au nom du groupe de la pensée française explique ainsi :
« C'est dans les moments de désaccord ou dans les périodes
critiques, lors de la rupture de la CGT ou des tractations de
la Délégation des salaires et des prix, que la Presse reprend le
chemin de ces salles du Palais-Royal » 26
.
24 Revenu national et conjoncture économique, 2e
Journaux officiels, p. 3.
semestre 1953, Imprimerie des
25 Y. Archambeaud, « Conseil économique et régime démocratique », Politique,
juill.-août 1948, n° 36, p. 578 à 591, p. 590.
26 M. Byé, « Le Conseil économique », in Mélanges dédiés à M. le Professeur Joseph
Magnol, 1948, Librairie du Recueil Sirey, p. 57 à 79, p. 57.
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