Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 1-2024 - 58

Dossier
financièrement sur la mobilisation de 330 millions d'euros
via le fonds pour la transformation publique (FTAP) pour la
période 2023-2025.
C'est dans ce contexte que l'intervention des cabinets de
conseil prend sa place, comme le montre le fait qu'environ
80 % des dépenses de conseil consenties par l'État concernent
l'accompagnement à la mise en œuvre effective et à l'accélération
des projets et finalement assez peu concernent le conseil
en stratégie 12
.
En outre, ce besoin d'accélération et d'exécution est plus marqué
que pour les autres acteurs publics (collectivités territoriales,
agences, par ex.), et ce, pour au moins deux raisons.
La première raison est, bien sûr, liée à la taille de l'Administration
de l'État par rapport à celle des collectivités ou
opérateurs, qui complexifie d'autant les processus d'arbitrage
décisionnel, de budget ou les interactions avec les décideurs
politiques que sont les ministres.
Le second motif de cette spécificité réside dans la complexité
plus marquée que dans les collectivités, des retours terrain
lorsque l'on teste une mesure/un dispositif/un outil et on en
tire des enseignements (« test and learn »). Cette situation s'explique,
sans doute, par la « verticalité » de l'administration
centrale vis-à-vis de services déconcentrés, et ce, malgré des
initiatives renforcées en matière de déconcentration depuis
quelques années.
B. L'exécution des décisions est un art qui
s'appuie sur des méthodologies éprouvées
et des expertises fines en constante évolution
dont les administrations sont rarement
dotées
Cette primauté de la fonction de structuration et d'accélération
des projets dévolue au conseil apportée à l'État 13
découle, d'une part, du besoin de celui-ci afin d'opérationna12
À cet égard, même si l'on ne dispose pas dans le « jaune budgétaire » sur les
dépenses de l'État auprès des cabinets de conseil, du montant de dépenses spécifiques
en conseil en stratégie et du montant de dépenses spécifiques en conseil
en management, on peut en déduire que, comme pour l'ensemble des dépenses
de conseil tous secteurs économiques confondus (environ 10 milliards d'euros
en 2022), le montant du conseil en management représente environ le double de
celui du conseil en stratégie.
13 Se reporter par exemple au rapport de la Cour des comptes, « Le recours par l'État
aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil » (juill. 2023, p. 47 et s.).
liser sa transformation, d'apport de méthodologies renouvelées,
autour des cinq thématiques clés qui vont de la stratégie/
offre de services à la formation en passant par les problématiques
d'organisation, de processus, d'outils informatiques et,
comme figuré dans le schéma ci-dessous :
À titre d'illustration, les démarches de transformation organisationnelles
des services de l'État peuvent se fonder sur une
approche intégrée comme présentée ci-dessous :
Autre illustration, l'instauration de parcours usagers au sein des
services de l'État a bénéficié de la « méthode des persona » qui
est née dans le domaine du marketing avant d'être adaptée
aux spécificités du secteur public. Elle consiste à partir de la
réalité concrète des usagers, de leurs attentes réelles, de leurs
préférences et de leurs comportements. Cette approche permet
de construire ensuite une vision concrète et prédictive
des différents profils d'usagers (par ex., Michel, 60 ans attend
tel service de la préfecture de son département...), en partant
d'observations « in vivo » et en développant ensuite une
modélisation ; une illustration figure ci-après.
Ces différentes méthodologies, labellisées pour certaines,
peuvent être issues de travaux menés dans des laboratoires de
recherche en management ou en stratégie, souvent cofinancés
par des cabinets de conseil, comme être issues de connaissances
empiriques et de la capitalisation par les consultants
des « meilleures pratiques » observées chez les clients, ou
encore des deux sources, universitaires et pratiques, comme
c'est le cas par exemple de la « carte stratégique » (« balanced
scorecard ») co-élaborée par Robert S. Kaplan - professeur à la
Harvard Business School - et par David S. Norton, consultant
en stratégie 14
. À cet égard, la carte stratégique constitue
un cadre méthodologique permettant, d'une part, de traduire
la stratégie d'une organisation en objectifs stratégiques reliés
par des liens de causes à effets, à l'aide d'un questionnement
structurant comme montré dans le schéma ci-après.
La carte stratégique permet également de piloter l'atteinte de
ces objectifs au fur et à mesure de l'avancement des projets
stratégiques, de construire un système de pilotage (tableau
de bord stratégique) s'adaptant rapidement au suivi de la
vision en cours et contribuant ainsi à son succès. Elle fournit
14 R. S. Kaplan et D. P. Norton, Le tableau de bord prospectif, 2003, Éditions d'organisation,
p. 312.
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