Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 1-2024 - 74

Dossier
quels le cabinet McKinsey est associé en la personne d'Éric
Labaye 137
- mais aussi plus largement 138
- sont souvent évoqués
à cet égard, Emmanuel Macron - alors à l'inspection
générale des finances - en étant rapporteur général adjoint
puis simple membre 139
. D'autre part, au niveau institution-
semble avoir reproduit
nel, le programme action publique 2022 - au sein duquel
nous sommes sans doute encore 140
et systématisé 141
DITP 143
, comme mode de fonctionnement permaou
le travail en équipe mixte au sein de la
nent, certains des mécanismes phares de la RGPP, tels que les
accords-cadres 142
.
En bref, pendant longtemps, « la position subordonnée
des cabinets de conseil (et des experts extérieurs à l'État)
semble constituer un invariant historique des processus de
réforme » 144
. Préfigurant la période contemporaine, la RGPP
idéologique par les consul.
Ce
constitue sûrement un signal de déstabilisation et un témoin
de la « mise sous perfusion » 145
tants, ainsi que du fait qu'ils ont réussi à s'assurer des conditions
institutionnelles de leur propre employabilité 146
mode de fonctionnement n'en demeure pas moins, aussi, un
instrument dans les mains de la très haute fonction publique
(le cas échéant à l'encontre des services) 147
politiques (le cas échéant à l'encontre de l'administration) 148
B. Concept
et des responsables
.
À la lumière de ce qui précède, il est possible de situer le
recours aux cabinets de conseil relativement aux principales
caractéristiques structurant l'externalisation : le fait de se
fournir, auprès d'un tiers, les résultats d'une activité dont
on juge avoir besoin. Pour aller à l'essentiel, deux dimen137
Qui était, jusqu'à une période très récente, président du conseil d'administration
de l'École Polytechnique (Décret du 3 août 2018 portant nomination du président
du conseil d'administration de l'École polytechnique - M. Labaye (Eric)).
138 Rapp. Assassi, p. 198.
139 D. n° 2007-1272, 27 août 2007, instituant une commission pour la libération
de la croissance française - D. n° 2010-223, 4 mars 2010, relatif à la commission
pour la libération de la croissance française.
140 V. en ce sens, AN, Rapport d'information en conclusion des travaux d'une mission
d'information sur la rationalisation de notre administration comme source
d'économies budgétaires, 7 juin 2023, n° 1329, p. 7, V. Louwagie, R. Reda.
141 Au point de laisser lettre morte la plupart des recommandations formulées par la
Cour des comptes en 2014 (Cour des comptes, Le recours par l'État aux conseils
extérieurs, Communication à la commission des finances du Sénat, nov. 2014).
V. Cour des comptes 2023, p. 22.
142 Cour des comptes 2023, p. 77 : « Avec environ 85 % des missions en montant,
les accords-cadres sont devenus le mode d'exécution de droit commun des prestations
commandées par l'État et ses services à des cabinets extérieurs ».
143 Jaune 2024, p. 8 : « Jusqu'en 2022, la DITP menait l'essentiel de ses projets en
équipes " mixtes " composés de consultants internes de la DITP et de consultants
externes ».
144 O. Henry et F. Pierru, « Les consultants et la réforme des services publics », Actes
de la recherche en sciences sociales 2012/3, n° 193, § 17.
145 O. Henry et F. Pierru, « Les consultants et la réforme des services publics », Actes
de la recherche en sciences sociales 2012/3, n° 193, § 18.
146 Ce qu'ils font systématiquement, v. C. D. McKenna, « The World's Newest
Profession : Management Consulting in the Twentieth Century », Entreprise
& Society 2001, vol. 2, n° 4, p. 676.
147 V. en ce sens, N. Deakin et K. Walsh, « The enabling state : the role of markets
and contracts », Public Administration 1996, vol. 74, p. 46.
148 V. en ce sens, P. Bezes, « Le nouveau phénomène bureaucratique. Le gouvernement
par la performance entre bureaucratisation, marché et politique », RFSP
2020/1, vol. 70, § 38 et s. Rappr. M. Endeweld, « Emmanuel Macron et l' " État
profond " », Le Monde diplomatique, sept. 2020, disponible sur https://lext.
so/UpsT4E.
sions méritent quelques précisions : l'extériorité, c'est-à-dire
la mesure selon laquelle le recours aux cabinets de conseil
consiste pour l'État à sortir de lui-même (1) et ce que l'on
propose d'appeler l'amplitude, c'est-à-dire l'appréciation du
rapport de l'objet du recours aux cabinets de conseil à l'action
administrative (2).
1. Extériorité
A priori, les choses sont ici très simples. En matière d'externalisation,
administrative ou non, la dynamique de sortie se
comprend moins en référence aux frontières de la personnalité
morale que grâce à une approche économique opposant
l'extérieur du marché à l'intérieur de l'organisation, caractérisé
par l'autorité (comme mode de coordination des transactions
qui s'y déroulent). Quelle que soit l'approche considérée
- extériorité juridique ou extériorité économique -, il
semble évident que le consulting consiste à recourir à un tiers.
Deux nuances, cependant : une petite et une beaucoup plus
importante. La petite nuance a trait à l'approche de l'extériorité
telle qu'elle ressort de l'encadrement prévu par la proposition
de loi Assassi. Le secteur du conseil regroupe des cabinets
disposant d'un grand nombre, parfois, de salariés, mais
aussi des consultants individuels indépendants. Le texte de
la proposition de loi prend en compte, en son article 1, III,
ces deux situations, mais son passage en commission des lois
au Sénat l'a fait changer de conception de l'extériorité. La
version initiale (du 21 juin 2022) distinguait les « prestataires
de conseil » regroupant les personnes morales et les personnes
physiques indépendantes « qui s'engagent à titre individuel
avec l'administration bénéficiaire » et les « consultants »
entendus comme les agents des prestataires. Pensant clarifier
cette situation, un amendement (n° COM-6) du 10 octobre
2022 a privilégié le critère de l'extériorité juridique en cantonnant
les « prestataires » aux personnes morales et en
regroupant dans la catégorie des « consultants » les agents des
prestataires et les consultants indépendants. Or, les dispositions
qui enserrent les prestataires et les consultants ne sont
pas tout à fait identiques et, dans la bataille, les consultants
indépendants auront été retirés du champ d'application de
l'article 11 de la proposition de loi, qui oblige « tout prestataire
de conseil » à communiquer à la haute autorité pour la
transparence de la vie publique « ses actions de démarchage
ou de prospection » auprès de l'administration. Cela est d'autant
plus regrettable si l'on considère le fait que le pantouflage
intermédiaire est une « tendance de fond » : « Dans la plupart
des cas, les responsables publics créent leur propre activité de
conseil, sous la forme d'une société ou d'une entreprise individuelle.
Cela s'est produit à 73 reprises depuis 2018, dont
19 fois pour des responsables civils et 54 fois pour des officiers
généraux de l'armée » 149
.
Quant à la nuance plus fondamentale au fait que le recours
aux cabinets de conseil consiste pour l'État à sortir de lui149
Rapp. Assassi, p. 210 et p. 214 à propos du cas emblématique de l'ancien chef
d'État-Major des armées.
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