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lisé ». Ainsi et sauf à ce qu'on soit en présence d'une procédure
décrite dans ses moindres détails par les textes qui l'instituent,
« le recours à l'appui d'un cabinet de recrutement ne saurait
être irrégulier par principe » 327
. On peut évidemment douter
que ce cas typique se présente un jour, l'action administrative
n'ayant pas de granularité propre à opposer à la segmentation
marketing. Ne reste alors que la règle selon laquelle le recours
à un cabinet de conseil témoignerait d'une aliénation de compétence,
dès lors que l'autorité administrative s'estimerait liée
par l'avis de celui-ci. Il s'agit d'une piste sérieuse, mais sans
doute difficile à exploiter en pratique 328
. De ce point de vue,
l'ensemble des dispositions contenues à l'article 2 de la proposition
de loi Assassi et qui tendent à visibiliser les contributions
des consultants seront précieuses pour juger du fait que
ces dernières ont véritablement été prises en compte comme
elles doivent l'être - un élément d'analyse parmi d'autres - et
non davantage.
En revanche, on avoue être circonspect à propos des dispositions
de l'article 1, V dudit texte aux termes desquelles : « Les
prestataires de conseil et les consultants ne prennent aucune
décision administrative ». Personne ne prend une décision
administrative sans avoir été habilité à le faire 329
. Or, il semble
que cette disposition vise moins à empêcher qu'un cabinet
de conseil soit habilité à prendre une décision administrative
qu'à prévenir la dérive traitée ci-dessus, où le recours au
consulting conduit une autorité administrative à se déposséder
de sa compétence. De ce point de vue, la disposition est
inutile et, peut-être, contreproductive. Toutes les parties prenantes
sont d'accord sur le principe du partage des tâches 330
et sa cristallisation législative répond sans doute à un intérêt
mutuel. Un peu à l'image du fait que les entreprises privées
de sécurité demandaient de longue date la clarification
normative du champ de l'indélégabilité de la police, il n'est
pas impossible que l'assurance législative qu'ils n'empiètent
pas sur la décision administrative constitue une marge de
manœuvre, et non une limite, pour les cabinets de conseil.
327 Sur l'ensemble, jusqu'à l'appel de note précédent, v. P. Ranquet, CE, 7 nov.
2022, nos
458963, 459235 et 467599, M. Nicolas M. et a.
328 Pour d'autres exemples, v. à propos du processus de sélection des candidats aux
fonctions de président du tribunal administratif de Paris CAA Versailles, 24 mars
2022, n° 21VE02142, M. B. - CE, 14 juin 2023, n° 464355, M. B ; à propos
du processus menant à la nomination du président du conseil d'administration
de l'École Polytechnique, CE, 14 juin 2019, n° 424326, M. C.
329 Sous réserve de situations très spécifiques, comme celles dont traite Léon
Michoud dans l'article dont la citation ouvre la présente étude.
330 Rapp. Assassi, p. 17 : « Au cours des auditions, gouvernement, administration
et cabinets de conseil l'ont affirmé avec vigueur : l'autorité politique décide en
responsabilité ; les cabinets de conseil n'ont aucune influence sur la décision ».
Conclusion
Dans un article de 1999, le consultant Staffan Canback avait
proposé deux scénarios pour le futur du consulting : celui
du développement, dans lequel les cabinets de conseil prendraient
le pouvoir managérial, par la maîtrise des réseaux
informationnels au cœur de l'économie globalisée ; celui du
déclin, où après être intervenus de manière intense et répétée
au cœur des organisations, les consultants finiraient par être
internalisés 331
.
En ce qui concerne l'État, les deux semblent s'être réalisés.
Indéniablement, les cabinets de conseil détiennent ce qui est
perçu comme des compétences rares, des actifs précieux et
intangibles qui leur permettent d'exercer un véritable pouvoir
sur leur réseau d'organisations partenaires, dont l'État fait
partie 332
. Ce dernier semble toutefois, encore aujourd'hui,
absorber l'énergie des consultants - au sens propre comme
au figuré - pour se réinventer. Cela n'a rien de paradoxal.
L'organisation du marché se continue avec l'organisation par
le marché, qui est aussi « la poursuite de l'étatisation de la
société » 333
sont parmi les « porteurs » 334
par de nouveaux moyens. Les cabinets de conseil
de cette bureaucratie néolibérale.
Leur présence autour et au sein de l'État témoigne de
la création de nouvelles règles et de nouvelles structures 335
. Soit E = rc2
mais où E = externalisation et étatisation, en même temps.
,
parfois à l'appui du démantèlement des anciennes. Ils sont
les hérauts de « la force de l'État faible » 336
donc,
331 S. Canback, « The Logic of Management Consulting (Part Two) », Journal of
Management Consulting mai 1999, vol. 10, n° 3, p. 10.
332 La phrase est construite à partir de l'analyse des factoryless goods producers
chez R. Strange, « Do we need a theory of externalization ? », in Ö. Bozkurt,
M. Geppert (ed.), A Research Agenda for international Business and Management,
2021, Elgar, p. 23 et s.
333 O. Henry et F. Pierru, « Les consultants et la réforme des services publics », Actes
de la recherche en sciences sociales 2012/3, n° 193, § 10.
334 B. Hibou, « Lire la bureaucratisation néolibérale avec Weber », in M. Guenoun,
M. Matyjasik (dir.), En finir avec le New Public Management, 2019, Institut de
la gestion publique et du développement économique, § 22.
335 P. Bezes, S. Viallet-Thévenin, « La transversalisation managériale de l'État.
Variété des activités gestionnaires dans l'administration française (1980-2014) »,
Gouvernement et action publique 2023/1, vol. 12, § 30.
336 R. Epstein, G. Pinson, « De l'État fort aux régimes de gouvernementalité multiples
», in T. Frinault, C. Le Bart, E. Neveu, Nouvelle sociologie politique de la
France, 2021, Armand Colin, p. 26.
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