Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger N°4-2024 - 91

Le mal constitutionnel gabonais de 2009 à 2023
tionnelle visant à déclarer le décret n° 0199/PR/MI du 4 août
2023 inconstitutionnel 106
nationale 112
. Les requérants ont considéré que
le bulletin unique viole tour à tour un certain nombre de
dispositions constitutionnelles dont principalement : l'égalité
citoyenne (Constitution, art. 2 et 3) et la séparation des pouvoirs
(Constitution, art. 10 et 35) 107
.
En ce qui concerne la séparation des pouvoirs, les requérants
mettent l'accent sur la confusion et la fusion des pouvoirs
qui est faite en violation des dispositions constitutionnelles
en vigueur. En effet, « le décret incriminé viole le principe
de la séparation des pouvoirs, en ce qu'il institue un bulletin
unique par parti politique pour les deux pouvoirs, à savoir
exécutif et législatif, et non pour chacun des pouvoirs séparément
un bulletin unique dans lequel figure à la fois les candidats
aux législatives et le candidat à la présidentielle, il crée
une élection de parti politique et non de candidat en violation
des articles 10 et 35 de la Constitution » 108
. À ce grief,
la Cour a opposé les dispositions de l'article 6, alinéa 1, de la
Constitution qui précisent que « les partis politiques reconnus
concourent à la libre expression du suffrage » 109
, ainsi
c'est par eux que le peuple peut exercer librement sa souveraineté
via la présentation de leurs candidats. Ce raisonnement
ne prend pas en considération les candidats indépendants
qui, eux, n'appartiennent à aucun parti politique. Ainsi, ils ne
sont mandatés par aucun parti.
D'ailleurs, l'alinéa 1 de l'article 6 de la Constitution ne
semble pas avoir été créé pour « faire des partis politiques »
des garants de l'expression du suffrage 110
de mots « ils concourent à l'expression du suffrage » 111
. En effet, le groupe
semble
plutôt signifier que le pluralisme politique est l'un des meilleurs
moyens de permettre au peuple d'exprimer réellement
sa souveraineté, mais pas le seul. Cet alinéa semble avoir été
introduit pour « faire du multipartisme » une obligation
constitutionnelle, et donc pour protéger la libre expression de
la souveraineté du peuple.
En ce qui concerne l'égalité des citoyens devant la loi, les
requérants ont estimé qu'en obligeant les citoyens à voter
pour un parti politique, le choix du candidat à la présidentielle
est conditionné à celui du postulant à l'Assemblée
106 C. const., 12 août 2023, n° 157/CC, relative aux requêtes présentées par
Mesdames Lekogo et Odette Jeanine Ngouepaza épouse Taty Koumba,
Messieurs Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, Anges Kévien Nzigou,
Raphael Bandega Lendoye, Guy Noel Dominique Nguieno, Arnaud Handy
N'Nang Nguema et le parti démocratique dénommé Réappropriation du
Gabon, de son indépendance pour sa reconstruction tendant à voir déclarer
inconstitutionnel le décret n° 0199/PR/MI du 4 août 2023 fixant les modalités
de bulletins de vote pour l'élection du président de la République, l'élection des
députés de l'Assemblée nationale, l'élection des membres des conseils départementaux
et des conseils municipaux.
107 C. const., 12 août 2023, n° 157/CC, p. 4, § 3.
108 C. const., 12 août 2023, n° 157/CC, p. 5, § 5.
109 C. const., 12 août 2023, n° 157/CC, p. 7, § 9.
110 Constitution de la République gabonaise, art. 6, al. 1.
111 « Les partis politiques et les groupements de partis politiques légalement reconnus
concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité
librement, dans le cadre fixé par la loi, selon les principes du multipartisme. Ils
contribuent à l'égal accès des femmes, des hommes, des jeunes et des handicapés
aux mandats électoraux, dans les conditions fixées par la loi. Ils doivent respecter
la Constitution, les lois et règlements de la République ». Constitution de la
République gabonaise, art. 6.
. Les deux candidats à l'élection figurant sur le
même bulletin, le choix d'un des candidats induit celui de
l'autre. Dans ces conditions, en votant pour un indépendant
à la présidentielle, l'électeur renonce à voter pour les législatives.
C'est d'ailleurs ce qui est déductible du paragraphe 2 de
l'article 3 du décret attaqué 113
. Similairement, en votant pour
un candidat à la présidentielle, l'électeur s'oblige à voter pour
le candidat à la députation du parti dont le premier est issu
et vice versa. Il s'agit donc bien d'une élection de parti et non
de candidats. Pourtant, la Cour a rejeté ces griefs en arguant
que « les requérants n'ont pas indiqué la disposition du décret
attaqué qui prévoit expressément que les modalités de bulletins
de vote arrêtées par le Centre gabonais des élections ne
vont s'appliquer qu'à une catégorie de citoyens et non pas à
tous les citoyens de la même manière » 114
. Toutefois, dans
ses considérants, la Cour constitutionnelle a fait elle-même
explicitement référence aux articles 2 et 3 du décret attaqué.
C'est dans ce contexte normatif favorable au président sortant
que l'élection générale du 26 août 2023 s'est déroulée,
sans que la presse internationale ne soit autorisée à couvrir
l'élection et qu'aucune mission d'observation internationale
ne soit conviée 115
. Dès février 2023, l'ambassadeur, chef de la
délégation de l'Union européenne, déclarait : « Il n'y aura pas
de mission électorale au Gabon pour les élections 2023. On
n'a pas été saisi par les autorités. La procédure est qu'on doit
être saisi officiellement (...) » 116
.
Comme en 2016, des cas avérés de violation des dispositions
du Code électoral ont été répertoriés. De fait, conformément
à l'article 82 du Code électoral, le vote se déroule sur l'étendue
du territoire entre 7 heures et 18 heures sauf circonstances
exceptionnelles 117
. Toutefois, nombreux sont les centres
112 C. const., 12 août 2023, n° 157/CC, relative aux requêtes présentées par
Mesdames Lekogo et Odette Jeanine Ngouepaza épouse Taty Koumba,
Messieurs Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, Anges Kévien Nzigou,
Raphael Bandega Lendoye, Guy Noel Dominique Nguieno, Arnaud Handy
N'Nang Nguema et le parti démocratique dénommé réappropriation du
Gabon, de son indépendance pour sa reconstruction tendant à voir déclarer
inconstitutionnelle le décret n° 0199/PR/MI du 4 août 2023 fixant les modalités
de bulletins de vote pour l'élection du président de la République, l'élection des
députés de l'Assemblée nationale, l'élection des membres des conseils départementaux
et des conseils municipaux, p. 4-5 (§ 4) et p. 9 (§ 13).
113 « Les nom, prénom, photographie des candidats présentés par les partis politiques
légalement reconnus à l'élection du président de la République et à l'élection
des députés à l'Assemblée nationale figurent sur le bulletin de vote unique
de chaque parti politique et par circonscription électorale. Outre les mentions
légales figurant sur le bulletin de vote, le bulletin de vote unique, pour ce qui
concerne les partis politiques légalement reconnus ne présentant qu'un candidat,
soit à l'élection du président de la République, soit à l'élection des députés à
l'Assemblée nationale, ainsi que les candidats indépendants, comporte les nom,
prénom et la photographie du candidat présenté, l'autre case restant vide ».
D. n° 0199/PR/MI, 4 août 2023, fixant les modalités de bulletins de vote pour
l'élection du président de la République, l'élection des députés de l'Assemblée
nationale, l'élection des membres des conseils départementaux et des conseils
municipaux, art. 3.
114 D. n° 0199/PR/MI, 4 août 2023, fixant les modalités de bulletins de vote pour
l'élection du président de la République, l'élection des députés de l'Assemblée
nationale, l'élection des membres des conseils départementaux et des conseils
municipaux, art. 3, p. 9 (§ 13).
115 « Ni journalistes venus de l'étranger, ni observateurs internationaux », L'Union,
26 août 2023 : https://lext.so/tkgmzB.
116 « Présidentielle 2023 : Pas de mission d'observation électorale européenne au
Gabon ! », Gabon Review, 8 févr. 2023 : https://lext.so/Hwscb6.
117 C. élect., art. 82.
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