Droit & Pratique professionnelle - Guide des techniques de plaidoirie - 2e - 114

GUIDE DES TECHNIQUES DE PLAIDOIRIE
Section 1
Le but de toute narration : exposer un récit cohérent
et explicatif
Un récit, c'est d'abord l'exposé des faits eux-mêmes. Mais il ne s'agit pas pour autant de
noyer le juge sous une avalanche d'informations, fussent-elles avérées. C'est souvent vers
cet excès que tendent naturellement les clients d'un avocat. Pour être certain de ne pas
passer à côté d'un élément qui pourrait être pertinent pour l'affaire, ils remettent à leurs
conseils tout ce qu'ils ont accumulé dans l'affaire. C'est normal. Ils ne sont pas nécessairement
des juristes et ne sont donc pas toujours à même d'identifier ce qui peut s'avérer,
en droit, pertinent. Le rôle de l'avocat est, précisément, d'identifier et de mettre en valeur
les seuls faits pertinents et explicatifs, ceux qui permettront de développer ultérieurement
les arguments en faveur de la thèse défendue.
C'est primordial. Le juge qui, au demeurant, peut déjà connaître les faits de l'affaire n'a
pas besoin d'être submergé par une multitude d'informations surtout si elles sont inutiles
pour la compréhension du cas et donc pour le jugement de l'affaire.
Il ne s'agit donc pas de lui présenter TOUS les faits, mais SEULEMENT CEUX qui présentent
un intérêt pour la compréhension du dossier.
Comme un écrivain qui écrit un roman, le travail de l'avocat lors de l'élaboration de la
narration consiste autant à écrire qu'à retrancher. Pour que la narration remplisse réellement
son office, il faut savoir effectivement écarter certains éléments, non pour les cacher
(il ne faut jamais passer sous silence un fait délicat pour la thèse que l'on défend, mais au
contraire l'expliquer, au risque sinon de ne plus avoir la confiance du magistrat), mais
pour ne retenir que ceux qui font sens.
La narration de la plaidoirie est, ainsi, sensiblement différente du Rappel des faits qui
introduit les requêtes, conclusions ou mémoires écrits.
En effet, à l'écrit, il est au contraire indispensable d'adopter, selon nous, une présentation
exhaustive des faits, de sorte que :
- d'une part le magistrat soit enclin à retenir dans sa décision cette présentation
plutôt que celle de l'adversaire ;
- et, d'autre part qu'il ne puisse pas un seul instant penser que l'avocat a voulu
occulter certaines difficultés du dossier, en exposant de manière partielle les faits.
En revanche, lors de la plaidoirie, le temps d'exposition des faits étant limité à quelques
minutes seulement (souvent moins de 5minutes), l'avocat doit être sélectif dans les
éléments factuels qu'il entend exposer.
En résumé, la narration est donc une description argumentative des données de fait de la
causesoumiseàl'auditoire (exposition persuasive des faits de la cause).
Conseil pratique
La narration est, en général, placée immédiatement après l'exorde.
Toutefois, dans les procès où la partie défendue est précédée d'une réputation défavorable
connue par le juge, les rhéteurs classiques conseillent d'introduire entre l'exorde et les faits
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