Droit & Pratique professionnelle - Guide des techniques de plaidoirie - 2e - 79

Articuler les éléments retenus dans une relation argumentative
Pour contrer l'argument de transitivité, l'avocat doit précisément démontrer que la nature
de la relation entre A et B n'est pas nécessairement identique entre B et C et donc entre
A et C. Cette démonstration peut sembler impossible. Elle est pourtant assez commune.
Illustration : la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance déjà citée exige que les
maîtres d'ouvrage public (collectivités territoriales, État, établissements publics), paient
directement (on parle de paiement direct) les sous-traitants intervenant sur le chantier
(dès lors que ceux-ci ont été préalablement acceptés et leurs conditions de paiement
agréées) de manière à les garantir contre les défaillances de l'entreprise principale. La
même loi exige qu'un sous-traitant qui ferait lui-même appel à un sous-traitant (qualifié
de sous-traitant de second rang) se comporte comme un entrepreneur principal à
l'égard dudit sous-traitant de second rang4
.
Doit-on en déduire que l'entrepreneur principal est tenu de payer directement le soustraitant
de second rang ? Le principe de transitivité semblerait l'exiger... Et pourtant, la
nature du maître de l'ouvrage public (par définition insusceptible de se retrouver en liquidation
judiciaire) est très différente de la nature en principe privée de l'entreprise
principale5
et explique que l'entrepreneur principal ne soit pas, par effet translatif, tenu
lui-même de payer directement le sous-traitant de second rang.
§4. L'argument de contradiction
Cet argument portera principalement sur la contradiction que pourrait contenir objectivement
le discours de l'adversaire (notamment les faits rapportés, ou les prétendues
valeurs de la partie adverse et son comportement réel, etc.).
L'intérêt de cet argument est évident : il heurte immédiatement le bon sens de l'auditoire
(et donc du juge) qui considère que tout raisonnement qui est développé doit être cohérent
et ne peut donc pas tolérer de contradiction : « On ne peut pas tout dire et son contraire ».
Ce procédé est d'autant plus intéressant qu'il permet une certaine économie de moyens.
Il n'impose pas, en effet, de prouver quel membre du développement est faux. Il suffit
que deux membres de phrases ou que deux énoncés d'une même plaidoirie se contredisent,
s'opposent, pour pouvoir les disqualifier toutes les deux... même si l'un des termes
est exact.
L'effet d'Estopel est fondé, en partie, sur cet argument de contradiction : une même partie
ne peut prétendre successivement développer deux arguments ou deux prétentions
contraires.
Pour contrer l'argument de contradiction l'avocat doit recourir au distinguo qui vise à
démontrer que les deux termes apparemment (prétendument !) contradictoires ne
portent pas sur les mêmes points (distinction) et que les deux membres de la phrase ou
que les deux phrases sont donc valides. À défaut, il conviendra d'abandonner l'un des deux
termes contradictoires.
4. L'article 2 de la loi de 1975 dispose ainsi que « le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses
propres sous-traitants ».
5. Le législateur est intervenu pour modifier la loi de 1975 et éviter ainsi pour l'avenir toute ambiguïté d'interprétation (loi 20011168
du 11 décembre 2001 dite loi MURCEF).
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