Droit & Pratique professionnelle - Guide des techniques de plaidoirie - 2e - 92

GUIDE DES TECHNIQUES DE PLAIDOIRIE
Parmi les stratégies exposées par Schopenhauer dans son Art d'avoir toujours raison,figurent,
en bonne place, des arguments tirés de la définition des termes du débat.
Ainsi, son stratagème nº 1 consiste à étendre une notion objet de la controverse pour lui
donner un sens qui va au-delà de l'acception donnée par l'adversaire, de manière à la
caricaturer pour mieux la dénoncer (stratagème dit de l'extension).
En effet, fait-il remarquer, plus une affirmation est générale, plus elle prêtera le flanc à la
critique3
.
«S'il le peut, l'orateur parfait, contrairement à l'orateur commun, ne se laissera jamais
enfermer dans des conditions particulières de temps et de personnes. En échappant ainsi au
particulier pour remonter au général, il se donne davantage de latitude, de sorte qu'en prouvant
le général, il prouve le particulier. » (Cicéron)
De même le stratagème nº 2, de Schopenhauer, est une extension du premier stratagème
qui consiste à tirer profit de la polysémie d'un terme pour étendre, là encore, une affirmation
à une acception qui va au-delà du sens souhaité par le contradicteur.
Outre les deux stratagèmes exposés ci-dessus, Schopenhauer propose plusieurs autres
solutions pour avoir (presque) toujours raison :
Stratagème nº 3 : proche des deux précédents stratagèmes, le 3e
consiste à prendre une
affirmation relative et la poser comme générale ou la transposer dans un autre contexte
pour mieux la critiquer.
Stratagèmes nº 4 et nº 9 : «Avancer à pas masqués ». Schopenhauer conseille de ne pas
laisser entrevoir la conclusion en présentant les prémisses de manière cachée, en les
exposant dans le désordre, par exemple, afin de les faire valider sans que l'adversaire se
rendecomptequ'il valide au fur et à mesure chaque étape de notre raisonnement. C'est
une démarche opposée à l'approche « orthodoxe » d'un syllogisme dont nous avons vu
qu'il consistait précisément à afficher explicitement chaque étape du raisonnement
(majeure, mineure et conclusion).
Stratagème nº 5 : il est possible de recourir à des prémisses erronées si celles-ci sont
valables ad hominem,c'est-à-dire aux yeux de l'interlocuteur (partir de ses croyances, par
exemple). En effet, des prémisses fausses peuvent parfois donner une conclusion
conforme à la thèse défendue, à défaut d'être exacte. Nous avons vu cela dans les
limites du syllogisme (cf. développements précédents).
Stratagème nº 6 : il s'agit de la pétition de principe qui consiste à maquiller en postulat ce
qu'il convient de prouver. Pour ce faire, on peut substituer un mot à un autre ; ou bien
faire admettre ce qui est litigieux à titre particulier sous couvert d'une vérité générale ou
inversement faire admettre tous les cas particuliers pour faire valider le général ; lorsque
deux choses découlent l'unedel'autre, on peut postuler une, etc.
Stratagème nº 7 : énoncer sa position et en prouver sa validité en procédant par questions,
et affirmer la validité de sa position à partir des concessions de son adversaire aux
questions posées.
Stratagème nº 8 : énerver l'adversaire. Faire sortir l'adversaire de ses gonds pour qu'il ne
raisonne plus correctement et commette des erreurs4
.
3. En réponse à cette démarche, il convient bien évidemment de définir précisément le champ de la discussion.
4. Techniques pratiques : couper les cheveux en 4, le provoquer ouvertement, etc.
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