Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 4e - 111

LE DROIT COMMERCIALAU MOYENÂGE ET À LA RENAISSANCE
« montes », qui vont prendre à ferme les emprunts d'État64
, les impôts d'État et les
travaux publics. La plus célèbre de ces sociétés est, à partir de 1408, à Gênes, la
Compagnie ou Casa di San Giorgio (du nom du saint patron de la ville) qui
afferme les impôts de la république de Gênes et prend en main tout l'aspect financier
et l'économie de la république, sans pour cela se dispenser de réunir des
dépôts, faire des crédits, mener une activité bancaire privée. Il faut énormément
de capitaux qui ne peuvent se réunir qu'en appelant le plus de monde possible à
participer à la Casa di San Giorgio. Dans cette première grande société de capitaux,
le capital est divisé en fractions égales ou parts gagées sur les revenus de l'État, en
particulier les douanes ; elles sont représentées par des titres qui sont cessibles.
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L'aspect anonyme apparaît sans que, pour autant, on en soit arrivé à l'idée de la
non-responsabilité, du moins de la responsabilité limitée au montant de l'action.
Ceci n'est pas encore envisagé. Mais la possibilité de céder ses titres, le fait que
la société ne s'arrête pas par la mort d'un de ses membres, que les titres circulent
et qu'on ne sache pas exactement qui sont les associés, sont autant de pratiques qui
apparaissent avec ces grands « montes ». La Compagnie de San Giorgio durera
autant que la République de Gênes, c'est-à-dire jusqu'aux guerres de la Révolution
française.
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Cette méthode de la grande société « anonyme » est reprise pour d'autres genres
d'activités, en particulier pour le prêt sur gage aux pauvres gens. L'Église italienne
se rend compte que, malgré les interdictions canoniques, les prêts sont à des taux
prohibitifs (8 %), que les pauvres ne peuvent pas emprunter et sont exploités par les
prêteurs sur gage. L'Église, à l'initiative des Franciscains, décide de fonder des
établissements chrétiens de prêts sur gage, que l'on appelle des « montes di pietà »,
des monts-de-piété, établissements de crédit pour les classes populaires et dont
l'institution subsiste jusqu'à notre époque. Le premier aurait été fondé en 1462.
« Anonymes » aussi sont les premières compagnies coloniales italiennes. Ce
sont les ancêtres des compagnies coloniales anglaises, hollandaises et françaises,
de la Compagnie des Indes. On les nomme alors les « mahones »65
. Ce genre de
compagnie « anonyme » va faire de timides apparitions en dehors de l'Italie. Le
premier exemple connu, en France, semble être la Société des Moulins du Bazacle
à Toulouse, où le capital est fractionné, ces fractions représentant, en somme, la
propriété du moulin. Les titres (ou « uchau ») sont librement cessibles. Les associés
s'appellent des « pariers » et l'on retrouve là le mot « par », c'est-à-dire l'idée
d'égalité66
.
■ 64. Le terme « mons » (pluriel « montes ») signifie accumulation, capital.
■ 65. Mot d'origine arabe signifiant « association ». Beaucoup de ports de commerce colonial s'appelleront
« mahon » : « Port-Mahon ».
■ 66. Voir D. LE BRIS,Vis
Actionnaire. Parier des moulins occitans (XII
e-XIII
e siècle), in Dictionnaire historique
de comptabilité des entreprises, sous la direction de D. BENSADON,N. PRAQUIN,B. TOUCHELAY, Villeneuve-d'Ascq,
Presses Universitaires du Septentrion, 2016, p. 66-67 ; G. SICARD, Les moulins de Toulouse
au Moyen Âge : aux origines des sociétés anonymes, Paris, Armand Colin, 1953. L'auteur a repris les éléments
développés dans cet ouvrage pour aborder plus spécifiquement la gestion des moulins, ID, « La gestion
des sociétés de moulins de Toulouse (13e
-19e siècles) », in Histoire, gestion et management. Premières
rencontres 27 et 28 novembre 1992, Toulouse, 1993, p. 47-53.
Première partie : Genèse du droit des affaires
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