Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 4e - 326

HISTOIRE DU DROIT DES AFFAIRES
intérêts, qui sont censés se connaître, et qui élisent chaque année les membres du
conseil d'administration.
645
Les mutuelles connaissent assez tôt la nécessité d'une administration permanente
et technicienne. Ceci est très vite compris par leurs fondateurs qui savent en
profiter. Jacob du Pan, le premier, propose aux membres de la Mutuelle de Paris
qu'il a créée de la gérer moyennant une majoration d'un droit à son profit. La direction
des mutuelles sera désormais assurée généralement par une société avec
laquelle les lie un contrat de gestion rémunérée. Ces sociétés de direction seront
presque toujours l'apanage d'une famille qui restera à travers le XIX
e et souvent
encore au XX
e siècle à la tête d'une même mutuelle. Ces directeurs sont payés par
un pourcentage infime, bien évidemment, en millièmes, sur le montant des primes
(ce fut par exemple au début 0,03‰). Mais, dans la mesure où la mutuelle s'étend,
où les primes deviennent conséquentes, cela devient une rémunération extrêmement
importante.
B. LA CONSTITUTION DES COMPAGNIES
D'ASSURANCES À PRIME FIXE
646
Les mutuelles avaient un côté sécurisant pour leurs adhérents comme pour le
gouvernement paternaliste de la Restauration, par leur absence de caractère spéculatif.
Aussi est-ce cette forme que la Restauration va privilégier.
Mais, de l'autre côté il y a tout un monde de banquiers, de capitalistes, de jeunes
technocrates, qui veulent faire aller les choses dans un sens commercial, spéculatif.
C'est le cas d'Auguste de Gourcuff qui est là, à harceler les bureaux des
ministères. Il n'est pas seul. Des personnalités de la « Haute Banque » comme Laffitte,
Casimir Perier, les Delessert, les Mallet, les Haguerman, les Hottinguer, les
Fould, les Rothschild, font aussi pression. Ils parviennent à faire lever l'opposition
que le gouvernement avait contre le principe de la société commerciale d'assurances.
Ainsi,
à partir de 1818, peuvent se créer, avec l'autorisation gouvernementale,
les premières compagnies d'assurances où l'assuré paie tous les ans une prime fixe
à partir d'un contrat. C'est la compagnie qui assure ses propres réserves au cas où il
y aurait trop de sinistres par rapport aux primes encaissées. Donc plus d'aspect
mutualiste, mais un aspect purement commercial : l'assuré est un client, qui a
passé un contrat avec la société ; on lui « vend » de l'assurance ; il achète son assurance
chaque année par une prime fixe. La société est censée sur le montant des
primes faire un bénéfice qu'elle distribuera à ses actionnaires.
647 Les cinq premières compagnies. - Ce système est finalement admis par le
gouvernement qui permet la création de cinq grandes compagnies d'assurances
en dix ans. En 1818, la « Compagnie d'Assurances Générales » (qui existe toujours
à la tête du groupe des AGF) est constituée par Auguste de Gourcuff, à l'initiative
des banquiers protestants Mallet, Martin d'André, Bartholdi et de négociants des
ports. Un peu plus tard, c'est la compagnie du « Phénix » (le Phénix fait partie
maintenant du groupe AGF). Le Phénix a été créé par des milieux financiers
francs-maçons et bonapartistes, voire de carbonari ; comme on ne pouvait pas
324

Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 4e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 4e