Précis Domat - Droit des sûretés - 2e - 139

LA GARANTIE AUTONOME
que la banque pourrait et voudrait garantir si ce n'est la dette d'autrui (...) »21
. Cette
observation de bon sens transparaît dans la rédaction de l'article 2321 qui définit la
garantie comme l'engagement pris « en considération d'une obligation souscrite par
un tiers ». On comprend que, lorsque les premières garanties furent soumises aux
tribunaux, leur rédaction ait pu donner lieu à hésitation sur la qualification du
contrat.
Dans la jurisprudence de la Cour de cassation, la qualification se fait pratiquement
toujours par référence au cautionnement. Les critères retenus sont d'abord
négatifs : toutes les fois que le contrat laisse apparaître un élément caractéristique
du cautionnement, la qualification de garantie autonome est exclue. Tel sera le cas :
- Lorsque le garant s'engage à payer ce que doit le débiteur : « en statuant ainsi, alors qu'il
était stipulé que Mme X... garantissait à la banque le " remboursement de sa créance envers
M. Y... " et qu'elle s'engageait à régler " toutes les sommes dues par le débiteur comme décrit cidessus " ,
ce dont il résultait qu'en dépit de l'intitulé de l'acte et de la mention, même manuscrite,
de paiement à première demande, l'engagement litigieux, ayant pour objet la propre dette du
débiteur principal, n'était pas autonome »22
.
- Lorsque l'exécution de l'obligation du garant est liée à la défaillance du débiteur : « pour
refuser d'assimiler à une garantie bancaire à première demande, indépendante de tout contrat
commercial, l'engagement de la banque Yapi, l'arrêt relève qu'il n'est réputé " inconditionnel "
que pour sa souscription et non pour son exécution, celle-ci étant, au contraire, expressément
subordonnée à la condition du manquement à ses obligations par l'importateur turc, d'ordre
duquel il a été souscrit ; qu'en l'absence de tout terme exprimant l'autonomie de l'engagement
bancaire, il en retient qu'il s'agit d'un cautionnement ; que, par cette interprétation, la cour d'appel
n'a pas méconnu la loi des parties »23
.
- D'une manière plus générale, il ne doit pas être nécessaire de se reporter au contrat de base
pour déterminer les éléments de la garantie (montant, durée) ou les conditions de sa mise en
œuvre : « [les] garanties ne sont pas privées d'autonomie par de simples références au contrat
de base, n'impliquant pas appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation
des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validités »24
.
La qualification repose donc sur l'objet de l'obligation du garant : dans le cautionnement,
la caution s'oblige à payer ce que doit le débiteur principal ; dans la
garantie, le garant s'oblige à payer une certaine somme déterminée (ou déterminable).
La formule peut paraître un peu abstraite, voire absurde, car elle s'applique
à toutes les obligations monétaires. Elle l'est moins si l'on se rappelle l'origine de
la garantie qui résidait dans le versement d'une somme d'argent à titre de garantie.
Lorsque la garantie est liée à l'obligation du donneur d'ordre, elle est requalifiée en
cautionnement quels que soient les termes employés dans l'acte : clause de
■ 21. MARTY,RAYNAUD et JESTAZ, Droit civil, Les sûretés, la publicitéfoncière,2e
in fine.
éd., Sirey, 1987, nº 634
■ 22. Cass. com., 13 déc. 1994, Bull. civ. IV, nº 375 ; D. 1995, p. 209, rapp. LE DAUPHIN et note
L. AYNÈS. - Cass. com., 11 mars 1997, Bull. civ. IV, nº 67 ; Cass. com., 9 mars 2022, nº 19-24990 ; en dernier
lieu, Cass. com. 13 mars 2024, nº 22-15438, pub. Bull.
■ 23. Cass. com., 28janv. 1992, nº 90-14919, Bull. civ. IV, nº 35. - Cass. com., 15juin 1999, nº 94-13615,
Bull. civ. IV, nº 126.
■ 24. Cass. com., 18 mai 1999, nº 95-21539, Bull. civ. IV, nº 102.
Première partie : Les sûretés personnelles
139
Précis Domat - Droit des sûretés - 2e

Table des matières de la publication Précis Domat - Droit des sûretés - 2e
