Précis Domat - Droit des sûretés - 2e - 89

L'OBLIGATION DE LA CAUTION
- Dans un arrêt amplement commenté rendu en chambre mixte le 8juin 200746
, la Cour a
refusé à la caution le droit de se prévaloir du dol du créancier lors de la conclusion du contrat
principal : « la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur
principal ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche dont il n'est pas
justifié qu'elle ait été demandée, a, par motifs propres et adoptés, retenu exactement, que M. X...
qui n'avait pas été partie au contrat de vente du fonds commerce, n'était pas recevable à invoquer
la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à
protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle ».
La caution se voit donc privée du droit d'invoquer un moyen de critique qui concerne la
conclusion du contrat d'où est née la dette garantie.
- Enfin, tout récemment, la Cour a décidé que la caution ne pouvait se prévaloir de la prescription
de l'obligation principale, soumise au Code de la consommation, parce qu'elle n'avait
pas « la qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service »47
. Éteinte à l'égard
du débiteur principal, la dette existait toujours pour la caution : ainsi résumée, la solution de l'arrêt
a de quoi surprendre...
Ces trois décisions48
entendaient si largement la notion d'exception personnelle que la nature
même du cautionnement s'en trouvait affectée. Dans les trois cas, l'exception était relative à la
dette garantie et ne concernait le débiteur qu'en sa qualité de contractant, ce qui, à l'égard de la
caution, n'a rien de « purement personnel » parce qu'il s'agit de l'acte qui a donné naissance à
l'obligation qu'elle garantit. L'arrêt de chambre mixte privait de portée les dispositions de l'ancien
article 2289 alinéa 1er
(devenu art. 2293, al. 1er
une obligation valable. »). Sa logique conduit à interdire à la caution de se prévaloir d'une nullité
relative puisqu'elle n'est pas la personne protégée49
: « Le cautionnement ne peut exister que sur
. Il restait, dira-t-on, les nullités absolues, mais
l'observation n'a guère d'intérêt puisque tout intéressé serait en droit de les invoquer... En traitant
différemment la caution et le débiteur principal, les décisions aboutissaient à priver la caution de
son recours subrogatoire50
puisqu'elle pouvait se voir opposer la remise de poursuites dans le
premier cas, la nullité du contrat dans le deuxième et la prescription dans le troisième. On ajoutera
que cette privation du recours subrogatoire qui trouve son origine dans le fait du créancier (remise
de poursuites) ou dans son inaction (prescription) aurait dû permettre à la caution d'invoquer à
son encontre l'article 231451
.
■ 46. Cass. ch. mixte, 8juin 2007, nº 03-15602, Bull. ch. mixte,nº 5 ; JCP G 2007, II, 10138, note
Ph. SIMLER ; D. 2007, 2201, note HOUTCIEFF. La solution a été reprise par la chambre commerciale dans un
arrêt du 27janv. 2021, nº 18-22541.
■ 47. Cass. 1re
civ., 11 déc. 2019, nº 18-16147, pub. Bull.; RDC 2020, nº 2, p. 42, note R. LIBCHABER.
■ 48. On aurait pu y ajouter Cass. com., 13 oct. 2015, nº 14-19734, Bull. civ. IV, nº 287 ; RTD civ. 2015,
917, obs. CROCQ ; ibid., 932, et les obs., qui prive la caution d'invoquer une clause de conciliation préalable
convenue entre créancier et débiteur au motif que « la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre
d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du
juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d'exercice de
l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution
est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution
peut opposer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». Les arrêts examinés ci-dessus sont cependant
plus significatifs parce que le créancier s'y trouve dans l'impossibilité de poursuivre le débiteur principal
alors que la clause de conciliation préalable n'est, comme son nom l'indique, qu'un préalable qui, si aucun
accord n'est trouvé, ouvrira la possibilité de le poursuivre. La chambre commerciale persiste en ce sens
(Cass. com., 6 juill. 2022, nº 20-20085, D. 2022, 1724, nº 11 ; RTD civ. 2022, p. 678 obs. C. GIJSBERS).
■ 49. En faveur de cette interprétation extensive, Ph. SIMLER, op. cit., nº 239 ; D. HOUTCIEFF et
A.-S. BARTHEZ, op. cit., nº 481.
■ 50. La caution qui a payé dispose de deux recours, l'un fondé sur ses relations personnelles avec le
débiteur, l'autre sur la subrogation dans les droits du créancier (C. civ., art. 2305 et 2306).
■ 51. Infra nº 127 et s.
Première partie : Les sûretés personnelles
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