Droit & Pratique professionnelle - Les sociétés civiles immobilières - 3e - 31

LES RÈGLES CIVILES RELATIVES AUX APPORTS EN SOCIÉTÉ
hypothèse, l'apport réalisé serait néanmoins valable, à
charge pour la société de se retourner contre l'apporteur
au titre de son obligation de délivrance. Le risque
sera d'autant plus grand qu'en l'absence de prix à offrir
aux créanciers, il ne sera pas possible - à la différence
d'une vente immobilière - de procéder à la purge des
inscriptions de sorte qu'elles continueront (sauf accord
amiable de mainlevée du créancier qui ne serait en pratique
envisageable qu'après remboursement de la dette
ou moyennant la substitution d'une autre sûreté) à grever
l'immeuble apporté.
90. Hypothèse 2. - Dans la seconde hypothèse, la
prise en charge du passif par la SCI impactera l'importance
de la part des associés apporteurs dans le capital
social. Par hypothèse, pour que l'opération conserve
la qualification d'apport, il conviendra que la valeur de
l'immeuble apporté excède le montant du crédit pris en
charge. Quelle que soit sous cette réserve l'importance
du passif pris en charge, l'opération ne se réduit pas à
une simple cession des biens à la SCI en contrepartie
de droits sociaux et de la prise en charge par la société
de sa dette propre affectant le bien cédé. Notamment,
l'associé apporteur qui exerce son droit de retrait est
en droit de demander à charge de soulte la reprise des
biens apportés qui se retrouvent en nature dans le patrimoine
social44
.
91. Remarques générales. - Dans tous les cas, il
sera prudent d'associer le créancier à l'opération d'apport.
En effet, si nous raisonnons sur la base d'un crédit
immobilier, il est généralement stipulé au titre des
conditions générales du crédit que toute mutation est
une cause d'exigibilité anticipée du crédit. Dès lors, que
la charge du crédit soit transférée à la société constituée
ou non, il sera prudent d'obtenir la renonciation du
créancier à demander l'exigibilité anticipée du crédit.
Au surplus, dans l'hypothèse d'une prise en charge du
crédit par la société, le créancier étant tiers à l'opération
d'apport, il conserve l'ensemble de ses droits de recours
vis-à-vis de l'apporteur. Il sera prudent de solliciter du
créancier la libération de l'apporteur et l'acceptation de
la société en tant que nouveau débiteur (en prévoyant le
44. Cass. 3e
civ., 10 sept. 2013, n° 12-13592 ; Dr. sociétés n° 11, nov. 2013,
comm. 178, note H. HovaSSe.
maintien des sûretés, la substitution de débiteur opérant
novation).
§ 4 * Apports en société et droits
de préemption
92. Purge des droits. - Dans certains cas, le législateur
étend le mécanisme du droit de préemption à
l'hypothèse d'un apport en société. L'apport en propriété
à la SCI ne pourra intervenir qu'après purge du
délai de préemption dont bénéficient :
* les SAFER s'agissant de l'apport à une société d'un
fonds agricole ou de terrains à vocation agricole45
;
* les communes en cas d'apport en société d'un
immeuble46
;
* certaines collectivités ou établissements publics et
certaines sociétés d'économie mixte, en cas d'apport
en société d'un immeuble situé dans une zone d'aménagement
différé47
;
* les départements, en cas d'apport en société
de terrains situés à l'intérieur d'espaces naturels
sensibles48
.
93. Conséquences. - La particularité de la purge
de ces droits sera l'impossibilité pour le bénéficiaire de
la préemption d'offrir en retour la prestation attendue
par l'apporteur, savoir la fourniture des titres sociaux.
En conséquence, en cas d'exercice de son droit par le
bénéficiaire du droit de préemption, l'apporteur sera toujours
en mesure de renoncer à l'opération alors même
que le bénéficiaire aura manifesté son intention d'user
de son droit.
94. Droit de préemption du locataire. - C'est la
même raison qui justifie l'exclusion du droit de préemption
du locataire en cas d'apport d'un bien loué et de
celui l'indivisaire (visé à l'article 815-14 du Code civil) en
cas d'apport d'une quote-part indivise.
95. Pacte de préférence conventionnel. - S'agissant
du pacte de préférence conventionnel, il conviendra
45. C. rur., art. L. 143-1.
46. C. urb., art. L. 211-1 et s.
47. C. urb., art. L. 212-1 et s.
48. C. urb., art. L. 215-1 et s.
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