Droit & Pratique professionnelle - Les sociétés civiles immobilières - 3e - 80

12
participation dans la gestion sociale3
. En somme, une
« société peut servir de truchement à un transfert de
valeur entre un donateur et un donataire »4
. Aux termes
de l'article 854 du Code civil, ces avantages ne donneront
pas lieu à rapport lors de l'ouverture de la succession
s'ils ont été consentis aux termes d'un acte
authentique. En effet, cet article dispose qu'« il n'est
pas dû de rapport pour les associations faites sans
fraude entre le défunt et l'un de ses héritiers, lorsque
les conditions en ont été réglées par un acte authentique
», peu importe d'ailleurs la nature de la société5
.
Bien entendu, le jeu de la fraude écartera l'application
de cette disposition et donc du mécanisme de dispense
du rapport6
. Mais l'on comprend ici tout l'intérêt
de la voie de l'acte authentique qui revêt alors un
avantage indéniable. Toutefois, la jurisprudence tend à
lisser la différence entre les deux types d'actes quant
aux conséquences résultant de l'article 854 du Code
civil, étant donné qu'elle permet parfois la dispense de
rapport dans des éventualités où un acte sous seing
privé a été conclu7
.
238. Sociétés entre époux. - L'on retrouve le même
type de dispositions pour les sociétés constituées entre
époux8
. Si les statuts ont été signés par acte authentique,
les avantages nés de la société ne pourront être
annulés parce qu'ils constitueraient des donations
déguisées. Cette règle se déduit de l'article 1832-1 alinéa
2 du Code civil9
se peut, la requalification10
qui permet d'éviter, autant que faire
. Ainsi, pour ces deux types
de situations, la présence du notaire ne chassera pas
totalement les soupçons. Néanmoins, elle contribuera
fortement à les amoindrir.
3. V. CA Paris, 2e
4. H. HovaSSe, note sous CA Lyon, 1re
5. Cass. 1re
6. Cass. 1re
ch. sect. A, 4 mai 1999, JurisData n° 1999-024757.
ch. B, 16 oct. 2007, JCP E 2008, 1647.
civ., 22 nov. 1978, D. 1979, IR, p. 258.
civ., 6 nov. 2002, n° 99-17923 (les statuts de la SCI avaient
été signés par acte authentique ; il y eut quand même rapport) ; v. égal.
CA Paris, 4 mai 1999, arrêt préc.
7. Sur ces hypothèses, v. par ex. N. Péterka, J.-Cl. Civil Code, fasc. unique,
vo
Successions. - Rapport des libéralités. - Généralités et domaine
d'application, n° 77.
8. F. Dekeuwer-DéFoSSez, « Mariage et sociétés », Aspects actuels du droit
commercial français. Études dédiées à R. Roblot, LGDJ, 1984, p. 271.
9. Pour un exemple, v. Cass. 1re
civ., 19 janv. 1988, n° 86-10003.
10. Sur l'absence d'intérêt pratique de cette disposition.
80
11. V. parmi de nombreuses études, M. Latina, « Le notaire et la sécurité
juridique », JCP N 2010, 1325.
§ 2 * Le contenu
239. Conséquences pratiques de la liberté statutaire
: responsabilité du rédacteur. - La plus ou
moins grande liberté statutaire laissée par le législateur
en fonction des structures sociales aura des retentissements
sur le travail de rédaction des statuts. La question
est cruciale en matière de sociétés civiles dans la mesure
où la liberté y est plus importante que dans d'autres
sociétés. Et de ce point de vue, la responsabilité du
notaire peut être recherchée à raison de son activité de
rédacteur de statuts. Elle intervient à un double niveau
assez classique.
240. À raison de l'efficacité de l'acte et de l'obligation
d'information. - En premier lieu, le notaire est
bien sûr responsable de l'efficacité de l'acte qu'il rédige.
C'est-à-dire qu'il devra répondre de toutes les fautes,
matérielles ou non, qu'il aura pu commettre dans l'exercice
de sa mission de rédacteur. Ainsi doit-il veiller à ce
que les statuts ne contiennent aucune erreur. La responsabilité
du notaire pourra notamment être recherchée s'il
a inséré dans les statuts une clause contraire à l'ordre
public sociétaire. En second lieu, le notaire est évidemment
responsable au titre de son obligation d'information
lorsqu'il rédige un acte11
, la jurisprudence estimant
qu'une telle obligation découle de la nature même de ses
fonctions. Il a le devoir d'éclairer les parties des conséquences
de l'acte ou encore des opportunités de ce dernier.
En d'autres termes, le notaire rédacteur de statuts
qui insérerait une clause avantageant l'un des associés,
son client habituel, se doit d'informer toutes les parties
présentes, et donc tous les associés, de sorte que son
obligation se transforme presque en une obligation de
déconseiller. En pratique, la signature d'une reconnaissance
d'avis donné semble le moyen le plus adéquat
afin de s'exonérer de toute responsabilité.
241. Obligations relatives à l'identification de la
société. - Une sorte de « corpus indispensable de mentions
» doit nécessairement se retrouver dans les statuts
de toute société civile immobilière. Selon l'article 1835
du Code civil, les statuts devront impérativement
Droit & Pratique professionnelle - Les sociétés civiles immobilières - 3e

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Les sociétés civiles immobilières - 3e
