Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e - 10

PRÉFACE
Aux dispositifs bien établis et dont une riche jurisprudence a maintenu la pertinence et la robustesse - la montée en
gamme du droit de la protection des données personnelles, avec l'édiction du cadre européen ambitieux que constitue
le règlement général sur la protection des données, doit en particulier être saluée - s'est ajoutée la nécessité, dans
le champ de la régulation économique, de faire évoluer les instruments procéduraux et la grille d'analyse, d'abord
dans leur mise en œuvre, puis en droit positif. C'est qu'en effet, ces nouveaux acteurs, et le pouvoir qu'ils exercent
sur leurs écosystèmes, se sont avéré présenter de nouveaux défis.
Le droit de la concurrence a été aux avant-postes de cette exigence. Les règles qui en font la trame sont peu nombreuses,
libellées en termes resserrés, et laissent dès lors le champ à une large adaptation aux circonstances particulières
de l'espèce. Cette plasticité a permis aux autorités de concurrence, notamment en France et en Europe,
de s'emparer à droit constant des préoccupations générées par le poids et les pratiques de ces acteurs, tant pour
contrôler les opérations de fusions et acquisitions, ou pour explorer ces enjeux dans le cadre de leur mission consultative,
que pour identifier et sanctionner des abus ou, dans bien des cas, enjoindre aux entreprises concernées de
modifier leur comportement.
L'Autorité de la concurrence et nombre de ses homologues ont ainsi été en mesure d'explorer ces nouveaux marchés
du numérique. À titre d'exemple, et sans prétendre à l'exhaustivité, relevons qu'en matière d'avis, elle s'est intéressée
dès 2010 au fonctionnement du secteur de la publicité en ligne, et qu'elle a rendu en 2023 les conclusions de son
enquête sectorielle sur l'informatique en nuage, suivies en 2024 par celle relative à l'intelligence artificielle générative.
En matière de contrôle des concentrations, l'Autorité a intégré dès 2016 les ventes en ligne dans l'analyse du marché
aval de la distribution de produits électroniques, analysé dès 2018 la concurrence potentielle des grandes plateformes
numériques dans le secteur des annonces immobilières en ligne et, en 2019, a retenu l'existence d'une industrie de
la monétisation de « l'influence ». Au titre de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, elle est intervenue dès
2010 dans le secteur de la publicité en ligne, notamment en imposant pour la première fois des mesures d'urgence
dans ce secteur - un outil particulièrement en phase avec le temps des marchés numériques - ouvrant ainsi la voie à
une longue série de décisions pionnières en la matière.
Pour autant, si le droit de la concurrence a largement fait la preuve de sa pertinence dans le champ numérique,
il n'aspire pas à remplacer la régulation. On sait, depuis le début du mouvement de numérisation de notre économie,
qu'un régulateur sectoriel fort est nécessaire pour garantir les biens publics que sont l'accessibilité, l'universalité,
la performance, la neutralité ou encore la soutenabilité des réseaux de communication. On a compris
plus récemment que les solutions dégagées au fil de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence ont
permis de tracer des lignes de force, qui dessinent ce que pourrait être un paysage concurrentiel dans le champ
numérique. Dès lors, pour garantir son utilité, le droit de la concurrence a admis la nécessité de sa continuation
par d'autres moyens. C'est ainsi que les obligations mises à la charge des grandes plateformes numériques, et
la sanction de leurs comportements infractionnels, dans le cadre de la mise en œuvre des règles antitrust, se
matérialisent aujourd'hui, non pas seulement a posteriori et au cas au cas, mais a priori, et sous l'égide d'une
règle générale, dans le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA). Une complémentarité
fertile ne manquera dès lors pas de s'établir entre ces deux corpus normatifs, qui feront fruit de l'avancée respective
de leur mise en œuvre.
Dans ce contexte, l'ouvrage ici proposé, dans une nouvelle édition, sur « le droit du numérique », vient éclairer de
manière remarquablement claire et complète un objet juridique multiforme et pratiquement ubiquiste. Il faut rendre
hommage à la rigueur d'exposition de cette somme, qui explore dans son entièreté ce vaste domaine, en guidant le
lecteur de manière précise et érudite, mais en lui donnant également à prendre la mesure de ce qui relie entre eux
les différents pans de cette matière. La clarté est faite sur chacun des thèmes qui composent au total le droit du
numérique, par chapitres nettement organisés qui sont autant de coups de projecteurs successifs qui, ensemble et
regroupés en huit parties cohérentes, de la présentation de la structure du marché jusqu'au détail de la résolution des
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