Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e - 158

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280. Affaire IMS Health. - L'affaire IMS Health est
ensuite particulièrement intéressante dans notre champ
d'étude car elle porte sur des bases de données. Un bref
rappel des faits s'avère utile.
L'entreprise IMS Health fournit aux laboratoires pharmaceutiques
des études de marché sur les ventes
régionales de produits pharmaceutiques en Allemagne,
formatées sur la base de structures modulaires de
reporting des données (modules prenant en considération
divers critères, tels que la densité de population,
les circonscriptions administratives, etc.). Cette
structure est devenue un standard courant auquel
les pharmacies clientes d'IMS ont adapté leurs systèmes
informatiques et de distribution. La société PII
(devenue NDC Health), concurrent d'IMS sur le marché
des services de fourniture de données sur les ventes
régionales, a demandé l'accès à cette structure, pour
pouvoir produire des prestations concurrentes de celles
d'IMS, ce que cette dernière lui a refusé. À la suite de
mesures conservatoires et du prononcé d'un sursis à
exécution, la Cour de justice était amenée à se prononcer.
Elle confirme qu'« il ressort de cette jurisprudence
(Magill) que, pour que le refus d'une entreprise titulaire
d'un droit d'auteur de donner accès à un produit ou
à un service indispensable pour exercer une activité
déterminée puisse être qualifié d'abusif, il suffit que
trois conditions cumulatives soient remplies, à savoir
que ce refus fasse obstacle à l'apparition d'un produit
nouveau pour lequel il existe une demande potentielle
des consommateurs, qu'il soit dépourvu de justification
et de nature à exclure toute concurrence sur un marché
dérivé » (pt. 38). Des développements sont consacrés
à ce qu'il faut entendre par produit nouveau : il ne doit
pas s'agir de la reproduction pure et simple des produits
ou services déjà offerts sur le marché dérivé par
le titulaire du droit de propriété intellectuelle, mais de
produits ou services nouveaux que le titulaire n'offre
pas et pour lesquels il existe une demande potentielle
des consommateurs. Il ne doit pas s'agir de produits
non substituables, car ils seraient alors sur des marchés
différents et le dernier des critères ne serait jamais
rempli (à savoir que le refus d'accorder la licence doit
être susceptible d'exclure toute concurrence sur un
marché dérivé). On observe toutefois que le produit de
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NDC visait directement à concurrencer celui de IMS,
ce qui affaiblit cette exigence de produit « nouveau »21
.
Quant au marché dérivé, il s'agit d'un marché aval,
celui de la fourniture de données sur les ventes de produits
pharmaceutiques, pour l'accès duquel le produit
en amont, la structure modulaire, est indispensable.
Le marché dérivé n'est pas véritablement distinct du
marché principal. Sont en présence, en amont un marché
des ressources indispensables pour accéder à ce
marché dérivé, ces ressources pouvant ne pas faire
l'objet d'une commercialisation en tant que telle, de
sorte qu'elles ne constituent donc qu'un marché hypothétique.
L'intérêt de l'affaire IMS, notait le Conseil de
la concurrence en 200422
, est de « faire application de
la théorie des facilités essentielles alors que l'entreprise
en position dominante est en concurrence directe
sur le marché dérivé des structurations territoriales de
reporting, c'est-à-dire sur le marché des données où
elle entend exploiter de manière exclusive son droit de
propriété ».
281. Affaire Microsoft. - Dans l'affaire Microsoft
enfin, si le Tribunal23
se place sur le terrain des facilités
essentielles, ce n'est pas sans réécrire quelque peu les
conditions de la jurisprudence antérieure, notamment
celle du produit nouveau. Il retient en effet que « la circonstance
relative à l'apparition du produit nouveau,
telle qu'elle est envisagée dans les arrêts Magill et IMS
Health [...] ne saurait constituer l'unique paramètre permettant
de déterminer si un refus de donner en licence
un droit de propriété intellectuelle est susceptible de
porter préjudice aux consommateurs au sens de l'article
102, second alinéa, sous b), CE. Ainsi qu'il ressort
du libellé de cette disposition, un tel préjudice peut survenir
en présence d'une limitation non seulement de la
production ou des débouchés, mais aussi du développement
technique ». En d'autres termes, un refus de
licence est abusif s'il est susceptible de porter atteinte
au bien-être du consommateur quel qu'il soit, en limitant
21. V. F. Marty et J. PiLLot, « Divergences transatlantiques en matière d'application
de la théorie des facilités essentielles aux actifs immatériels »,
Rev. d'économie industrielle 2010, p. 129.
22. Étude thématique : Les droits de la propriété intellectuelle et le droit de
la concurrence, rapport annuel pour 2004.
23. TUE, 17 sept. 2017, aff. T-201/04.
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