Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e - 160

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l'objet d'appropriation, dès lors que les données ont
été obtenues de façon licite. En effet, dans un arrêt
remarqué, la Cour de cassation a jugé, au visa des
articles 1128 du Code civil (ancien) et 22 de la loi du
6 janvier 1978, que « tout fichier informatisé contenant
des données à caractère personnel doit faire l'objet
d'une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par
[une société] d'un tel fichier qui, n'ayant pas été déclaré,
n'était pas dans le commerce, avait un objet illicite »32
.
Le Code de la propriété intellectuelle a consacré les
droits du producteur de bases de données aux articles
L. 341-1 et L. 341-2.
285. Application de la théorie. - La nature des données
peut ensuite s'inviter dans l'analyse des conditions
d'application de la théorie. La dernière décision
en date de l'Autorité française de la concurrence relative
aux pratiques d'Orange est intéressante sur ce point.
Reprenant la jurisprudence européenne IMS Health, elle
conclut que « l'accès demandé n'est pas strictement
nécessaire ou indispensable :
* s'il existe des produits ou des services constituant
des solutions alternatives, même si elles sont moins
avantageuses ;
* ou s'il est raisonnablement possible pour une entreprise
entendant opérer sur ledit marché de créer,
éventuellement en collaboration avec d'autres opérateurs,
des produits ou services alternatifs. L'existence
d'obstacles économiques s'entend de manière limitative
puisque la rentabilité du service envisagé doit être
analysée au regard d'une production à une échelle
comparable à celle de l'entreprise contrôlant le produit
ou le service existant »33
.
Or, c'est là toute la difficulté pour les bases de données :
un opérateur est-il en mesure de se constituer (directement
ou indirectement par l'achat par exemple) une base
comparable rentable ou bien est-ce impossible en raison
d'obstacles économiques, ou technique ou réglementaire
visés aussi dans l'arrêt IMS Health ? La réponse ne peut
32. Cass. com., 25 juin 2013, n° 12-17037, Rev. des contrats 2014, p. 119,
note J. roChFeLd ; JCP G 2013, 930, note A. deBet ; Comm. com. électr.
2013, comm. n ° 90, obs. G. Loiseau.
33. ADLC, déc. n° 20-D-02, 23 janv. 2020, relative à des pratiques mises en
œuvre par Orange dans le secteur des communications électroniques.
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être qu'au cas par cas. Le répertoire SIRENE, « matière
première », « non duplicable à un coût raisonnable »,
a été considéré comme une facilité essentielle par le
Conseil de la concurrence en 200134
. En revanche, dès
lors que la matière première est « connue et disponible »,
qu'elle est enrichie par des efforts de l'opérateur dominant,
elle est techniquement reproductible35
. Ensuite, peu
importent les obstacles tenant à la renommée de la base
de l'opérateur dominant si elle n'est pas indispensable du
fait de l'existence de solutions alternatives36
.
L'obstacle économique s'apprécie lui par rapport à la
rentabilité assurée si les deux opérateurs proposaient
le produit concurrent. Par exemple, un constructeur
automobile devrait-il ouvrir les données issues des véhicules
connectés qu'il produit à un de ses concurrents
sur un marché connexe ? Si aucune solution alternative
n'existe, il conviendra de vérifier si la mise sur le marché,
dans des conditions de production similaire, d'un produit
concurrent utilisant les données de l'opérateur dominant
s'avérerait rentable.
Finalement, la théorie des facilités essentielles, aussi
séduisante soit-elle pour traduire oh combien les données
sont indispensables, n'est pas des plus adaptées
en l'état et pourrait être revue37
, notamment à la lumière
34. Cons. conc., avis n° 01-A-18, 28 déc. 2001, relatif à des pratiques de
l'INSEE concernant les conditions de commercialisation des informations
issues du répertoire SIRENE.
35. ADLC, déc. n° 14-D-06, 8 juill. 2014, relative à des pratiques mises en
œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données
d'informations médicales, conf. CA Paris, 24 sept. 2015, n° 2014/17586.
- Ass. com., 21 juin 2017, n° 15-25941.
36. ADLC, déc. n° 14-D-06, 8 juill. 2014, relative à des pratiques mises en
œuvre par la société Cegedim dans le secteur des bases de données
d'informations médicales, op. cit.
37. ADLC, Contribution de l'Autorité de la concurrence au débat sur la politique
de concurrence et les enjeux numériques, 19 févr. 2020 : « Une
deuxième piste de réflexion porte sur la redéfinition de la notion d'infrastructure
essentielle ou son adaptation à l'économie numérique. Cette
notion connaît en effet un intérêt renouvelé dans l'économie numérique,
en raison du caractère incontournable de certaines bases de données,
communautés d'utilisateurs ou écosystèmes. Une réflexion semble utile
pour déterminer s'il faut assouplir le standard applicable à la notion
d'infrastructure essentielle ou développer un nouveau standard afin
de qualifier ces actifs " incontournables " . L'un des points à prendre en
compte dans cette réflexion tiendrait aux éventuelles difficultés d'accès
mises en avant par des acteurs tiers (clients, utilisateurs de ces plateformes
ou bases de données). Une autre dimension du problème pourrait
être la nécessité d'assurer l'interopérabilité des modes d'accès à ces
plateformes ou bases de données. Enfin, ces réflexions devront veiller à
préserver un cadre favorable à l'innovation » (p. 5).
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