Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e - 174

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les systèmes d'intelligence artificielle peuvent en effet
favoriser la coordination du marché. Les algorithmes
contrôlent et ajustent automatiquement les prix, en
temps réel, en opérant une « veille » concurrentielle
instantanée sur internet. La possibilité d'appréhender
ses pratiques soulève des questions délicates qui nourrissent
les réflexions doctrinales et jurisprudentielles75
.
329. Algorithmes. - Dans leur article publié en 2015,
« Artificial Intelligence & collusion : when computers inhibit
competition », Maurice E. Stucke et Ariel Ezrachi identifient
quatre types d'utilisation d'algorithmes pouvant
conduire à une entente anticoncurrentielle76
. La première
catégorie - Messenger - vise le cas de l'algorithme exécutant
la volonté de collusion de l'entreprise et n'est donc
qu'un instrument au service de l'entente (algorithme de
surveillance du marché par exemple). La deuxième catégorie
- Hub and Spoke - concerne un algorithme déterminant
les modalités à proposer sur le marché et utilisé par
un grand nombre d'utilisateurs (Uber, Airbnb...). Les prix
réagissent simultanément à toute évolution, aboutissant à
un parallélisme conscient. Dans la troisième - Predictable
Agent - les entreprises ont adopté un algorithme commun
assurant la transparence du marché et capable de
prévoir le comportement des autres. Grâce à lui, tout
comportement déviant est décelé et sanctionné. Enfin, la
quatrième option - Autonomous Machine - conduit à ce
que l'algorithme définisse lui-même et indépendamment
du contrôle humain un comportement des entreprises sur
le marché visant une maximisation des profits.
Cette variété d'algorithmes ne peut conduire à une seule
réponse. Dans leur étude commune de 2019 « Algorithms
and Competition », l'Autorité de la concurrence et
le Bundeskartellamt distinguent d'ailleurs très clairement
75. V. L. Bettoni, « Problématiques soulevées par la Blockchain en droit de la
concurrence », Contrats, conc. consom. 2020, étude 3. - R. StePPe, « Tarification
algorithmique et collusion tacite en vertu du droit de la concurrence
», RIDE 3/2019, p. 347. - L. arCeLin, « Le droit de la concurrence
mis à l'épreuve par le numérique », JCP E 2019, p. 1493. - M. Cousin,
« Tarification algorithmique et concurrence », Concurrences 4/2017. -
H. ViLLey desMeserets et E. Pinon, « L'appréhension des échanges d'informations
entre concurrents par les autorités de concurrence à l'épreuve
de la dématérialisation des moyens de communication », RLC 68/2018,
p. 21. - A. ittoo et N. Petit, « Algorithmic Pricing Agents and Tacit Collusion
: A Technological Perspective », in H. JaCqueMin et A. de streeL (dir.),
L'intelligence artificielle et le droit, Larcier, 2017, p. 241.
76. http://ssrn.com/abstract=2591874.
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les situations en isolant d'emblée le cas où l'algorithme
est un outil au service des entreprises qui se sont
concertées, celui où les concurrents utilisent le même
algorithme et enfin le cas de l'algorithme autonome.
330. Algorithme, outil de l'entente. - L'algorithme
peut venir à l'appui d'une entente expresse en rendant
les déviances plus facilement détectables77
. Dans ce
cas, l'algorithme est un outil au service de l'accord. En
soi, son usage ne saurait être illicite. Se servir d'un algorithme
pour ajuster ses prix ou rechercher à maximiser
ses profits n'est pas interdit. Mais il faut tenir compte
des circonstances et objectifs qui entourent cet usage.
331. Algorithme commun. - Dans ce cas, un tiers
a défini l'algorithme utilisé par plusieurs opérateurs
concurrents. La situation, qui se rapproche du Hub and
spoke, n'est pas automatiquement condamnable car
il n'y a pas d'échanges ou de contacts directs entre
les concurrents. L'un des enjeux sera de savoir si les
opérateurs ont connaissance du fait qu'ils partagent le
même algorithme78
. Par ailleurs, si l'entreprise informatique
fournit sciemment à un groupe de concurrents des
algorithmes ou des services de gestion des données
permettant une coordination illégale, elle pourrait être
considérée comme facilitateur79
.
332. Algorithme autonome. - L'algorithme autonome,
fonctionnant en deep learning, pourrait aussi permettre
d'atteindre un équilibre tacitement collusoire sans
qu'aucun contact ne soit nécessaire entre les concurrents
ou sans mettre en place de pratiques facilitantes.
Cet usage d'un algorithme autonome malmène l'arsenal
normatif et jurisprudentiel sur lequel peuvent se fonder
les autorités80
. Un algorithme, même auto-apprenant,
77. « Algorithms could help initiate and maintain collusion by facilitating the
monitoring of competitors' prices and the automation of the response to
these prices » (ADLC et BKA, Algorithms and Competition, 2019, p. 20 ;
v. ensuite p. 26 et s.). OCDE, Données massives : adapter la politique de la
concurrence à l'ère du numérique, 29-30 nov. 2016, DAF/COMP(2016)14,
pt. 83. - CMA, Princing algorithms. Economic working paper on the use of
algorithms to facilitate collusion and personalised princing, 2018, p. 23.
78. CJUE, 21 janv. 2016, aff. C-74/14, Eturas.
79. En ce sens, v. INC, Les mégadonnées (big data) et les ententes, op. cit.,
n° 42-43.
80. V. ADLC et BKA, Algorithms and Competition, 2019, p. 42 et s. -
L. arCeLin, « Le droit de la concurrence mis à l'épreuve par le numérique »,
JCP E 2019, p. 1493.
http://www.ssrn.com/abstract=2591874
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