Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e - 419

LES CONTENTIEUX JUDICIAIRE ET EXTRA-JUDICIAIRE
supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice »
puisqu'elle est de nature à engendrer, au détriment du
consommateur, des frais sans commune mesure avec
l'importance du litige20
. En droit interne, le Code de la
consommation classe dans la rubrique des clauses présumées
abusives celles qui ont pour objet de « supprimer
ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des
voies de recours par le consommateur, notamment en
obligeant le consommateur à saisir exclusivement une
juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions
légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif
de règlement des litiges »21
.
865. Application en cas d'achat sur internet. -
Pour savoir si l'acheteur établi dans l'Union européenne
a été visé par l'éditeur du site, la CJUE a en premier
lieu énuméré différents indices tel celui de la langue
employée sur le site internet ou la présence de coordonnées
téléphoniques avec indication d'un préfixe international.
Si ces indices sont présents sur le site internet,
ils seront la preuve que le professionnel a entendu viser
activement le consommateur local et que celui-ci dispose
de l'option d'action devant les juridictions locales
ou celles de l'éditeur du site22
.
La CJUE a rendu le 17 octobre 2013, un arrêt précisant
ces indices et élargissant un peu la compétence
juridictionnelle en cas de conflit entre un professionnel
et un consommateur ayant consulté un site internet.
En l'espèce, un client allemand, habitant en Allemagne,
avait acquis auprès d'un opérateur français qui exploitait
un site internet une voiture. Le véhicule présentant un
défaut, le client assigne son fournisseur français devant
le juge allemand. Celui-ci déclare sa demande irrecevable
pour incompétence et sur appel le Landgericht
Saarbrücken a saisi la CJUE d'une question préjudicielle
relative au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du
22 décembre 200023
.
20. CJUE, 27 juin 2000, aff. C-240/98, Océano Grupo Editorial et Salvat
Editores, point 22.
21. C. consom., article R. 212-2, 10°.
22. CJUE, 7 déc. 2010, aff. C-585/08, Procédure 2011, comm. n° 58, note
C. nourrissat.
23. CJUE, 17 oct. 2013, aff. C-218/12, Emreck c/ Sabranovic, Rev. Lamy dr.
civ., n° 110, 1er
déc. 2013.
La question consistait à déterminer si les conditions de
l'article 16.1 du règlement de Bruxelles I (en vigueur à
l'époque) étaient applicables. Ces dispositions offrent
au consommateur une alternative puisqu'elles prévoient
que « l'action intentée par un consommateur contre
l'autre partie au contrat peut être portée soit devant
les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel
est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du
lieu où le consommateur est domicilié ». Mais pour cela
et pour que l'acheteur dispose de la faculté d'option,
il faut qu'en application de l'article 15 du règlement, il
soit établi que le professionnel dirige ses activités vers
le territoire du consommateur. La formule exacte étant
que « le contrat a été conclu avec une personne qui
exerce des activités commerciales ou professionnelles
dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur
a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces
activités vers cet État membre ou vers plusieurs États,
dont cet État membre, et que le contrat entre dans le
cadre de ces activités ».
La CJUE, dans son considérant 29, note qu'afin « d'éviter
une extension du champ d'application de l'article 15,
paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001,
il convient de constater que le lien de causalité faisant
l'objet de la première question préjudicielle doit
être considéré comme étant un indice d'une " activité
dirigée " , au même titre que la prise de contact à distance
conduisant à ce que le consommateur se trouve
contractuellement engagé à distance ».
La Cour approuve l'avocat général qui a souligné dans
ses conclusions que « la circonstance qu'un commerçant,
tel que celui au principal, soit établi dans un État
membre à proximité de la frontière avec un autre État
membre, dans une conurbation s'étendant des deux
côtés de celle-ci, et qu'il utilise un numéro de téléphone
attribué par l'autre État membre en le mettant à la disposition
de ses clients potentiels domiciliés dans ce dernier
État de manière à leur éviter le coût d'un appel international,
peut également constituer un indice de nature à
démontrer que son activité est " dirigée vers " cet autre
État membre ».
La CJUE s'inscrit dans le sens proposé par l'avocat
général et, sans créer de lien direct entre les moyens
419
Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché numérique - 2e
