Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 101

LES MOYENS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
punissable », la jurisprudence n'entendrait donc plus
« infraction principale punissable », mais simple « fait
matériel punissable ». La caractérisation du seul élément
matériel de l'infraction principale suffirait à engager la
responsabilité pénale du complice.
2. Conception large de l'élément matériel
de la complicité
310. C. pén., art. 121-6 et 121-7. - La jurisprudence
a dans le même temps consacré une conception large
de l'élément matériel de la complicité, permettant ainsi
l'appréhension toute forme de participation aux actions
d'une organisation mafieuse. Selon les articles 121-6
et 121-7 du Code pénal, l'élément matériel de la complicité
nécessite que soit démontrée, soit l'aide ou
l'assistance, soit l'instigation, cette dernière pouvant
résulter aussi bien de la provocation, que de la fourniture
d'instructions. Ainsi, celui qui, au sein d'une organisation
mafieuse, aide, assiste, provoque, ou fournit
des instructions à l'auteur de l'infraction principale est
susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée
du chef de complicité de l'infraction commise. L'aide ou
l'assistance apportée à l'auteur peut revêtir des formes
très variées, à l'instar de la « fourniture de moyens », de
la présence auprès de l'auteur pour conforter son action,
ou encore de la surveillance des allées et venues... La
complicité par provocation présente quant à elle cette
particularité de n'être punissable que dans la mesure
où elle a été accompagnée des agissements décrits par
l'article 121-7 alinéa 2 du Code pénal : don, promesse,
menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir. La complicité
par fourniture d'instructions constitue enfin en
quelque sorte une variété de provocation au titre de
laquelle les instructions suffisent à conférer à l'instigateur
la qualité de complice sans qu'il soit nécessaire qu'elles
aient été accompagnées de l'un des agissements visés
à l'article 121-7 du Code pénal.
De nombreuses formes de participation à l'organisation
mafieuse sont ainsi susceptibles d'être appréhendées au
moyen de la complicité. Dans tous les cas, la complicité
ne sera démontrée qu'à la condition que l'élément
matériel se traduise par un acte de complicité positif,
consommé et antérieur ou concomitant à la commission
de l'infraction. Mais là encore, la jurisprudence se livre
parfois à une appréciation souple de ces conditions.
Ainsi, par exemple, si l'acte de complicité doit consister
en un acte positif, la chambre criminelle juge que le professionnel
qui s'est abstenu là où sa fonction l'obligeait
à agir doit être considéré comme complice lorsque cette
abstention a joué un rôle déterminant dans la commission
de l'infraction2
. Cette facilitation de la caractérisation
de la complicité se retrouve également s'agissant
de son élément moral.
3. Conception large de l'élément moral
de la complicité
311. Nécessité de l'existence de l'élément
moral. - La complicité nécessite pour être démontrée
que soit rapportée la preuve d'un élément moral. En
effet, la complicité est nécessairement intentionnelle.
L'intention requise consiste dans la connaissance du
caractère délictueux des actes de l'auteur et la participation
libre à leur commission. C'est dire que le complice
agit, d'une part, en ayant conscience de son aide ou de
son instigation et, d'autre part, en connaissance du fait
infractionnel de l'auteur principal. Toutefois la jurisprudence
adopte une conception souple de cet élément,
facilitant la pénalisation de l'organisation mafieuse. Tel
est notamment le cas lorsque l'on relève une discordance
entre l'infraction envisagée par le complice et
l'infraction finalement commise par l'auteur, la chambre
criminelle jugeant alors, si l'infraction réalisée est bien
celle qui avait été envisagée mais qu'elle s'est réalisée
dans des conditions différentes de celles qui avaient
été initialement prévues (un meurtre simple devient un
meurtre aggravé), que « le complice devait prévoir toutes
les qualifications dont le fait était susceptible, toutes
les circonstances dont il pouvait être accompagné », et
retient la complicité3
.
Les actions des organisations mafieuses sont ainsi
susceptibles de revêtir de nombreux visages juridiques.
Législateur et jurisprudence n'ont en effet pas hésité à
2. Cass. crim., 31 janv. 2007, n° 02-85089, n° 05-82671.
3. Cass. crim., 19 janv. 1984, n° 84-91908, affaire dite de la « tuerie
d'Auriol ».
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