Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 122

1
A. La confiscation des biens à la libre
disposition de la personne condamnée
378. Démonstration de la libre disposition du
bien visé par la personne condamnée. - En principe,
la peine de confiscation pour pouvoir être ordonnée
doit être prononcée à l'encontre d'une personne qui
dispose de droits sur le bien. Ce lien a été progressivement
distendu pour permettre la confiscation de biens
dont le condamné a la libre disposition ou la propriété
économique réelle. Le Code pénal à l'article 131-21
prévoit, à l'exception de la peine de confiscation portant
sur le produit de l'infraction, que « la confiscation
porte sur tous les biens [...] dont le condamné est
propriétaire, ou, sous réserve du droit de propriété du
tiers de bonne foi, dont il a la libre disposition ». Cet
article permet de prononcer une peine de confiscation
portant sur les biens dont la personne mise en cause a
des droits de propriété sur le bien ou dont il a la libre
disposition. Ainsi, l'une des premières interrogations
à avoir, et ce, dès le stade de l'enquête, si possible,
est la suivante : le mis en cause est-il le propriétaire
en tout ou partie du bien saisissable ou confiscable ?
Si la réponse est négative, les autorités compétentes
devront se poser la question suivante : en a-t-il la libre
disposition ? Pour répondre à cette dernière question,
encore faut-il déterminer ce qu'il faut entendre par
libre disposition.
379. Notion de libre disposition ou propriété
économique réelle. - La notion de libre disposition
n'est pas définie par le législateur. Elle renvoie à la
situation où le mis en cause n'est pas le propriétaire
juridique du bien, mais en a la propriété économique
réelle. Les notions de libre disposition et de propriété
économique réelle renvoient à la même situation
juridique. La Cour de cassation utilise, quant à elle,
l'expression de propriété économique réelle, qui doit
être distinguée, en ce qui la concerne, de la notion
de bénéficiaire effectif. Pour prononcer la confiscation
d'un bien dont la personne mise en cause a la propriété
économique, le magistrat doit caractériser la libre disposition,
il doit la constater. Ainsi, la chambre criminelle
a censuré des arrêts qui n'avaient pas constaté que
la personne mise en cause avait la libre disposition
122
dudit bien62
. Elle sera caractérisée « s'il est démontré
que [la personne mise en cause] exerce en réalité les
attributs du droit de propriété en lieu et place du tiers
propriétaire, et non simplement si elle a le libre usage
des biens »63
.
À titre d'exemple, dans un arrêt du 25 novembre 2020,
la chambre criminelle a jugé que « il ressort des motifs
propres et adoptés de l'arrêt attaqué qu'outre le fait
que [M.X] assurait seul la gestion locative de l'immeuble
confisqué, le prêt afférent à son acquisition n'a pu être
remboursé qu'au moyen des revenus occultes de l'intéressé,
l'affectation des ressources de [Mme Y] à ce
remboursement, compte tenu du train de vie du couple,
parent de trois enfants, de l'importance de l'épargne
de l'intéressé, et du remboursement du prêt conclu lors
de l'acquisition du domicile familial, devant être retenu
comme un montage réalisé dans le seul but de placer
l'immeuble confisqué dans un état apparent d'indivision.
Il s'en déduit que [M.X] était le propriétaire économique
réel de la totalité de l'immeuble confisqué, nonobstant
l'indivision apparente de l'immeuble organisée par le prévenu,
de sorte que l'intéressé en avait la libre disposition
au sens du sixième alinéa de l'article 131-21 du Code
pénal ». Dans le jugement correctionnel, il sera ainsi
indispensable de démontrer par des éléments factuels
disponibles dans le dossier que la personne condamnée
se comporte comme le propriétaire dudit bien dans les
faits. Les éléments tels que les conditions d'acquisition
du bien, la détention des clés d'un véhicule, le paiement
des impôts, des charges et frais d'entretien d'un
bien immobilier, la perception des loyers sont autant
d'éléments qui permettront à la juridiction de jugement
d'étayer sa démonstration sur le fait que la personne
mise en cause a la libre disposition du bien visé.
EN PRATIQUE
Il est important de rappeler que la notion de libre
disposition ou de propriété économique réelle
est laissée à l'appréciation souveraine des juges
du fond. La Cour de cassation s'attache, quant
62. V. les arrêts suivants : sur la nécessité de caractériser la libre disposition
du bien : Cass. crim., 30 juin 2021, n° 20-83355 ; Cass. crim., 13 avr.
2022, n° 21-83786 ; Cass. crim., 25 sept. 2019, n° 18-85211.
63. Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 19-86979.
Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re
