Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 132

1
401. Quelques recommandations pratiques en
matière d'entraide pénale internationale. - Il est
important avant d'émettre une demande d'entraide
pénale internationale d'identifier les biens, les flux
financiers ou encore de fournir à l'autorité compétente
requise une évaluation du produit de l'infraction, d'identifier
le propriétaire du bien et les éventuels tiers ayant
des droits sur le bien. En d'autres termes, il est essentiel
de fournir aux autorités requises des éléments juridiques,
tels que les fondements sur lesquels s'appuie la
décision ou encore des éléments permettant de relier le
bien à l'infraction, et des éléments patrimoniaux, tels que
le nom du propriétaire, la localisation sur le territoire ou
tout document attestant de la propriété, suffisamment
précis leur permettant d'exécuter la décision transmise
ou d'identifier le bien sur leur territoire.
Il convient surtout de ne pas oublier que l'AGRASC
a un rôle d'assistance pour émettre ou exécuter une
demande d'entraide pénale internationale.
402. Conclusion. - Le droit des saisies et des
confiscations, un droit en construction. - Le droit des
saisies et confiscation a connu, connaît et aura à connaître
d'importantes évolutions. Parmi les évolutions récentes en
droit interne français, doit être mis en lumière la réaffectation
d'un bien immobilier confisqué à des fins sociales au
profit des associations d'intérêt général, les associations
et fondations reconnues d'utilité publique123
. Ce texte a été
porté en France par le milieu associatif, mais également
influencé par le droit de l'UE124
et les exemples européens
de réaffectation sociale des biens confisqués. Parmi les
modèles, le système italien doit être cité. Depuis 1996, les
biens confisqués aux organisations mafieuses, principalement
des biens immobiliers, mais aussi des entreprises et
des terres agricoles, ont été attribués à des associations,
des coopératives ou des entités publiques. Ces biens ont
123. En 2022, l'adoption de la loi du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de
la justice de proximité et de la réponse pénale a permis la réaffectation
de trois biens à des fins sociales : une villa en Guadeloupe a été remise
à l'association SCJE (service de contrôle judiciaire et d'enquêtes) pour
prendre en charge des auteurs de violences conjugales, un immeuble à
Coudekerque-Branche a été remis à l'association Habitat et humanisme
pour y réaliser des logements sociaux et un studio à la Grande-Motte
afin d'accueillir dans un premier temps des déplacés d'Ukraine.
124. Art. 10.3, directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil
du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et
des produits du crime dans l'Union européenne.
132
permis la création de centres culturels, de bibliothèques
ou encore de lieux d'hébergement d'urgence ou la création
de coopératives agricoles. Tout en précisant que cette
liste est non exhaustive. Le système français n'en est qu'à
ses débuts et les conditions prévues à l'article 706-160,
alinéa 9, du Code de procédure pénale sont restrictives.
Cependant, en 2022, depuis l'adoption de la loi du 8 avril
2021 améliorant l'efficacité de la justice de proximité et
de la réponse pénale, trois biens ont pu être réaffectés à
des fins sociales. Une villa en Guadeloupe a été remise
à l'association SCJE (service de contrôle judiciaire et d'enquêtes)
pour prendre en charge des auteurs de violences
conjugales ; un immeuble à Coudekerque-Branche a été
remis à l'association Habitat et humanisme pour y réaliser
des logements sociaux ; un studio à la Grande-Motte
afin d'accueillir dans un premier temps des déplacés
d'Ukraine. Enfin, une villa d'un trafiquant de drogue a été
affectée à une association d'aide aux victimes.
403. Vers l'adoption d'un mécanisme de confiscation
non fondée sur une condamnation pénale. - Parmi
les avancées majeures que le droit français pourrait
connaître à l'avenir, la confiscation sans condamnation
pénale peut être citée. Le droit des saisies et des confiscations
connaît une tendance, qui est la distanciation
progressive entre l'infraction commise et le bien visé par
la mesure de saisie ou de confiscation. Le droit français
impose pour qu'une peine de confiscation soit prononcée
une condamnation pénale. Cependant, ce principe
connaît quelques altérations.
Tout d'abord, peut être citée la décision de non- restitution
d'un bien saisi qui constitue l'instrument ou le produit de
l'infraction125
. Pour autant, la décision de non-restitution
125. CPP, art. 41-4, al. 2, et CPP, art. 99, al. 4, modifiés par la loi n° 2016-731
du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et
leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure
pénale. Cette décision de non-restitution est issue de la transposition de
l'article quatre de la directive 2014/42/UE qui prévoit en son paragraphe
deux que « lorsqu'il n'est pas possible de procéder à la confiscation
[des instruments et des produits du crime], à tout le moins lorsque cette
impossibilité résulte d'une maladie ou de la fuite du suspect ou de la personne
poursuivie, les États membres prennent les mesures nécessaires
pour permettre la confiscation des instruments ou produits dans le cas
où une procédure pénale a été engagée concernant une infraction pénale
qui est susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un
avantage économique et où ladite procédure aurait été susceptible de
déboucher sur une condamnation pénale si le suspect ou la personne
poursuivie avait été en mesure de comparaître en justice ».
Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re
