Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 209

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
de permettre aux parties de discuter les éléments de la
procédure, il a également cette conséquence d'éclairer
le juge sur la décision à prendre. Entendu ainsi plus
largement, et appliqué à la phase d'information judiciaire,
le principe du contradictoire peut donc être vu
comme l'obligation pour le juge d'instruction de recueillir
observations, avis, réquisitions ou autorisations de
nature à l'éclairer sur l'exercice de ses prérogatives,
avant de formaliser sa propre décision. Le principe du
contradictoire, ainsi défini, se manifeste tout au long de
la phase d'information judiciaire. Dans ces conditions,
et pour ne prendre que cet exemple, les techniques
spéciales d'enquête ne peuvent être décidées que si le
juge d'instruction a au préalable pris soin de recueillir
l'avis du procureur de la République sur la mesure qu'il
envisage. De cette façon, le magistrat instructeur est
éclairé sur les conditions dans lesquelles il peut envisager
- ou non - de prendre sa décision45
. Cette nécessité
moderne d'entourer la décision du juge d'instruction de
consultations préalables est venue alourdir sa tâche tout
en conditionnant la régularité des actes pris. Il ne faut
pas le regretter car les éléments contradictoires ainsi
portés à la connaissance du juge d'instruction l'aident
à décider au mieux en l'éclairant sur les conditions juridiques
ou factuelles dans lesquelles la décision envisagée
peut être édictée. La question que pose cette
évolution est celle des moyens, de l'assistance dont
bénéficie le juge d'instruction pour organiser et réunir
ces avis ou autorisations dès lors notamment que les
techniques spéciales d'enquête, fort nombreuses dans
les dossiers dédiés à la lutte contre la criminalité organisée,
ont une durée de validité de 4 mois maximum et ne
peuvent être prorogées que dans les mêmes conditions
de forme, c'est-à-dire après avis du procureur de la
République. La multiplication des techniques d'enquête
dans des dossiers de criminalité organisée toujours plus
nombreux signifie un travail de mise en état conséquent
pour le magistrat instructeur et sa greffière qui devront
réunir ordonnances de soit-communiqué, avis du procureur
de la République, ordonnances et commissions
rogatoires techniques pour démontrer en procédure la
45. L'article 706-95-12, 2° du Code de procédure pénale dispose que les
techniques spéciales d'enquête sont autorisées au cours de l'information
judiciaire, par le juge d'instruction, après avis du procureur de la
République.
régularité des investigations menées. La formalisation
de ces investigations s'avère également plus lourde à
réaliser compte tenu de la généralisation de la règle
de motivation des autorisations délivrées par le juge
d'instruction.
627. Montée en puissance du principe de motivation.
- Le principe de motivation est devenu une norme
d'action quasi-généralisée lorsqu'il s'agit pour le magistrat
instructeur d'autoriser des actes d'enquête, qu'il
s'agisse des techniques d'enquête traditionnelles ou de
celles, dites « spéciales » et dédiées à la lutte contre la
criminalité organisée. Ainsi les autorisations d'interceptions
téléphoniques (CPP, art. 100-1), de géolocalisation
(CPP, art. 230-33), de sonorisation (CPP, art. 706-95-13),
le recours à la captation de données informatiques (CPP,
art. 706-95-13) ou l'autorisation de recourir à l'infiltration
(CPP, art. 706-83), pour ne prendre que ces exemples,
imposent aujourd'hui au juge d'instruction d'indiquer les
éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde pour
délivrer les autorisations requises. Comme on l'a déjà
relevé, le principe de motivation ne saurait se réduire à
la formulation de clauses de style. Il s'agit pour chaque
technique d'enquête de dire quels éléments factuels
rendent la mesure envisagée nécessaire à la manifestation
de la vérité. La généralisation du principe de motivation
est une bonne chose tant il paraît normal qu'une
institution disposant de prérogatives exorbitantes en
justifie l'emploi en indiquant les éléments de droit et
de fait sur lesquels elle a fondé l'exercice de ses attributions.
Sans doute une prochaine réforme de la procédure
pénale imposera-t-elle au magistrat instructeur
la motivation des mises en examen prononcées. Il faut
s'y préparer.
B. Repenser l'organisation du cabinet
d'instruction
628. Les membres du comité des États Généraux
de la Justice se sont prononcés majoritairement en
faveur du maintien de la fonction de juge d'instruction.
Il est ainsi écrit que « la majorité des interlocuteurs des
États généraux de la justice a manifesté leur attachement
à l'office du juge d'instruction, dont ils soulignent
l'expertise, la réactivité et l'efficacité ». L'héritage historique
et l'impact symbolique ont certainement joué
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