Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 211

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
Il apparaît tout aussi nécessaire de partir des hommes
et de leurs agissements délictueux en cette matière de
la haute délinquance. Car certaines de leurs caractéristiques,
récurrentes, ont des conséquences non négligeables
sur les mesures de sûreté décidées (§2).
§ 1 * Des références juridiques éparses
et peu nombreuses, mais aux effets
conséquents
632. La durée de la détention provisoire, mesure de
sûreté la plus grave, est inhérente à la nature de l'infraction
commise (délit ou crime) et, dans certains cas, aux
peines encourues.
Il faut donc d'abord repérer les infractions entrant dans
le champ de la criminalité organisée, ainsi que le régime
de droit commun de la détention provisoire correspondant
(A). Ce n'est qu'après cette première démarche
qu'on pourra rechercher les dispositions particulières
trouvant à s'appliquer aux mis en examen détenus dans
les dossiers de criminalité organisée (B).
A. Les infractions concernées
et les dispositions de droit commun
applicables en matière de mesure
de sûreté
633. Les infractions entrant dans le champ d'application
de la procédure applicable à la criminalité
et la délinquance organisées. - L'article 706-73
du Code de procédure pénale, débutant le 25e
titre du
livre IV, titre créé par la loi « Perben II » du 9 mars 2004,
énumère la vingtaine de crimes et délits pour lesquels
une série de mesures procédurales d'exception pourront
s'appliquer, considérant que ces infractions font partie
de celles pour lesquelles des moyens juridiques exceptionnels
doivent pouvoir être mis en œuvre. Il s'agit là
des infractions parmi les plus graves du Code pénal,
beaucoup d'entre elles trouvant leur cause d'aggravation
par la circonstance de bande organisée, d'autres
portant atteinte aux fondements de la Nation (terrorisme,
prolifération des actes de destruction massive, crime
d'espionnage et de trahison au profit d'une puissance
étrangère, armes et explosifs) et/ou traduisant des violences
extrêmes ou des atteintes très importantes à la
dignité humaine (crimes de tortures et d'actes de barbarie
commis en bande organisée, crimes et délits d'enlèvement
et séquestration commis en bande organisée,
traite des êtres humains, proxénétisme aggravé, etc.) ;
d'autres enfin sont source de grave déstabilisation de
l'économie légale ou portent des atteintes très graves
aux biens privés (vols commis en bande organisée,
crimes en matière de fausse monnaie, délits de blanchiment
et de non-justification de ressources, etc.) voire,
de manière incidente ou cumulative des atteintes à la
santé publique (crimes et délits de trafic de stupéfiants).
L'article 706-73-1 suivant, issu d'une loi plus récente,
ajoute au précédent des infractions plus tournées vers
les atteintes aux biens : délits d'escroquerie en bande
organisée, de dissimulation d'activité ou de salariés, de
non-justification de ressources, etc.
Enfin, l'article 706-74 du Code de procédure pénale
dispose que les procédures pénales dérogatoires du
titre 25 dudit code sont applicables, lorsque la loi le
prévoit, à tous les crimes et délits commis en bande
organisée, autres que ceux prévus aux deux articles
précédents, ainsi « qu'aux délits d'association de malfaiteurs
prévus par le deuxième alinéa de l'article 450-1
du Code pénal » autres que ceux mentionnés aux deux
articles précédents.
634. Inclusion de certaines infractions non commises
en bande organisée. - Un certain nombre
d'infractions mentionnées aux trois articles repérés cidessus
ne sont pas des infractions commises en bande
organisée à proprement parler, le législateur les ayant
cependant intégrées au sein de cette catégorie afin que
les règles spécifiques à la criminalité et à la délinquance
organisées leur soient applicables, en raison de leur gravité
ou de la complexité des investigations à mettre en
œuvre. En effet, elles supposent généralement une certaine
forme d'organisation et révèlent une dangerosité
extrême, qu'elle soit ou non directe49
.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé « que les
infractions retenues par l'article 706-73 sont susceptibles,
pour la plupart, de porter une atteinte grave à la
49. W. jeandidier, « Criminalité et délinquance organisées », Répertoire de
droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, janvier 2017.
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