Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 213

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
que dans d'autres domaines délinquantiels, mais sûrement
de manière beaucoup plus fréquente et même
habituelle : la durée raisonnable de la détention provisoire.
En effet, la criminalité organisée étant, avec la
matière du terrorisme et des crimes contre l'humanité,
et quelques crimes aggravés de droit commun, celle
où les textes de procédure permettent d'atteindre un
temps de détention provisoire record comme il sera vu
ci-après, la question de sa durée devra être examinée,
de manière pratique et au cas par cas, en se référant à
ces impératifs du délai raisonnable et de proportionnalité,
issus des textes et de la jurisprudence en matière
de protection des droits de l'homme.
Il faudra donc toujours avoir à l'esprit les textes suivants,
à tout moment mais encore plus, lorsque la détention
provisoire d'un mis en examen ou d'un accusé en
attente de son procès atteindra trois ou quatre ans :
* L'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme (CESDH), dans sa version simplifiée54
,
dispose que « toute personne a droit à la
liberté [...] ». Toute personne arrêtée a le droit de
savoir pourquoi. Elle doit être jugée rapidement ou
être libérée en attendant son procès ;
* Le même article dans sa version intégrale, s'agissant
du point suivant : « [...] Toute personne arrêtée ou
détenue [...] a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable,
ou libérée pendant la procédure. La mise en
liberté peut être subordonnée à une garantie assurant
la comparution de l'intéressé à l'audience » ;
* L'article 6 de la même convention : « Toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue [...] dans un
délai raisonnable. » ;
* L'article préliminaire du Code de procédure pénale : « Les
mesures de contraintes dont la personne suspectée ou
poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision
ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles
doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure,
proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée
et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont
cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable. » ;
54. En ligne, disponible sur le site internet de la Cour européenne des droits
de l'Homme : www.echr.coe.int/documents/d/echr/Convention_FRA.
* L'article 144-1 du Code de procédure pénale : « La
détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable,
au regard de la gravité des faits reprochés
à la personne mise en examen et de la complexité
des investigations nécessaires à la manifestation de
la vérité. ».
On retiendra, sans entrer dans le détail, que la jurisprudence
conventionnelle et celle de la Cour de cassation,
prises le plus souvent au visa des articles 5 et 6 de la
CESDH et 144-1 du Code de procédure pénale précités,
sur la durée raisonnable de détention provisoire :
* S'apprécie in concreto55
;
* Relève certes de l'appréciation souveraine des juges
du fond (de la chambre de l'instruction)56
;
* Mais nécessite que les juges (de la chambre de l'instruction)
caractérisent les diligences particulières ou
les circonstances insurmontables pouvant l'expliquer
lorsqu'elle est particulièrement longue, et dès lors que
la question leur est soumise par le détenu57
.
En matière de criminalité organisée, ces références jurisprudentielles
sont régulièrement utilisées par la défense
des mis en examen ou des accusés détenus en attente
d'être jugés.
B. Les dispositions particulières trouvant
à s'appliquer aux mis en examen détenus
dans les dossiers de criminalité organisée
640. En matière correctionnelle, allongement
exceptionnel jusqu'à deux ans de la détention provisoire.
- L'article 145-1 alinéa 2 du Code de procédure
pénale prévoit deux hypothèses dans lesquelles la durée
maximale de la détention provisoire peut être portée à
deux ans :
* Soit parce qu'un des faits constitutifs de l'infraction a
été commis hors du territoire national ;
* Soit « lorsque la personne est poursuivie pour trafic de
stupéfiants, association de malfaiteurs, proxénétisme,
55. CEDH, gde ch., 29 mars 2010, n° 3394/03, Medvedyev et autres
c/ France ; CEDH, plén., 8 juin 1976, n° 5100/71, 5101/71, 5102/71,
5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, §78 à §91.
56. Cass. crim., 3 déc. 2002, n° 02-86357.
57. Cass. crim., 26 sept. 2023, F-B, n° 23-84237.
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http://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Convention_FRA
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