Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 218

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cours d'assises spéciales) qu'un mis en examen pourra
avoir la velléité de s'entendre avec d'autres protagonistes
ou de leur imposer la version des faits qui l'arrange,
quitte à travestir la réalité (étant rappelé que pour
un mis en examen, un prévenu ou un accusé, le fait de
mentir n'est pas puni en droit français) ou à imposer le
silence aux autres. Ensuite parce que, par définition, il
n'y a pas de criminalité organisée « solitaire » : les mis
en examen et coauteurs restant à identifier ou à interpeller
sont, au contraire, souvent nombreux, voire très
nombreux. C'est d'ailleurs une des caractéristiques des
dossiers de stupéfiants de haut niveau (avec importation
en bande organisée, et blanchiment associé), mais
cela vaut tout autant pour les dossiers de proxénétisme
aggravé, les réseaux de passeurs, les vols à main armée
(on n'attaque pas seul ni à deux un fourgon blindé). Or,
ce grand nombre de protagonistes multiplie le risque
de concertation frauduleuse qui nuit au déroulé normal
des investigations ou les ralentit beaucoup, voire les
prive de toute efficacité ;
* La protection de la personne mise en examen : ce critère
n'est quasiment jamais retenu pour les affaires de
droit commun, même les plus graves. Il sous-entend
l'existence d'un risque de vengeance ou de vindicte
tellement élevé qu'on ferait le choix d'emprisonner une
personne pour l'en protéger, ou de refuser de la libérer
malgré sa demande et donc malgré le risque qu'elle
assumerait. De manière un peu provocatrice, on pourrait
dire ici que, c'est pour son bien qu'on emprisonne
la personne concernée. Même si le risque peut être
réel pour des affaires de droit commun, notamment
de crimes de sang particulièrement graves (assassinat
et/ou viol d'enfant), les cas de vengeance sont rarissimes64
.
En revanche, dans le domaine de la criminalité
organisée où les « règlements de compte » violents,
souvent avec mort d'homme, sont une réalité ancienne
et toujours actuelle, une sortie de prison pour certains
mis en examen peut, en effet, constituer un réel risque
d'atteinte à l'intégrité physique ;
* « Garantir le maintien de la personne mise en examen
à la disposition de la justice », autrement dit
64. Pour les décennies écoulées, on peut citer l'affaire dite du « petit
Grégory », le père de l'enfant décédé ayant abattu un membre de sa
belle-famille peu après que ce dernier, mis en examen pour cet assassinat,
a été libéré et placé sous contrôle judiciaire en 1985.
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éviter qu'elle ne s'enfuie ou ne se cache de la justice,
constitue un autre critère très fréquemment retenu en
matière de criminalité du haut du spectre : là encore,
l'importance des peines encourues, dans l'hypothèse
d'une culpabilité de la personne qui serait retenue
lors du jugement, peut largement jouer dans le choix
d'échapper à l'instruction en cours. Cette décision de
fuir ou d'entrer en clandestinité est facilitée par deux
données, là aussi caractéristiques des dossiers de criminalité
organisée : beaucoup de mis en examen ont
des intérêts ou des points de chute à l'étranger ou,
parfois même, y demeurent pour gérer leurs trafics vers
la France ou commettre des infractions (importation
de stupéfiants, proxénétisme, etc.) en échappant aux
autorités judiciaires françaises. Par ailleurs, une cavale
ou une clandestinité efficace (les deux allant souvent
ensemble) ne sont pas tenables, surtout à long terme,
si l'intéressé ne dispose pas de moyens financiers
importants : « Une cavale, ça coûte cher ». Or, en
dehors de la délinquance financière, seule la criminalité
organisée, par les revenus illicites extrêmement
importants et rapidement acquis qu'elle procure, peut
fournir les moyens nécessaires à une fuite tout aussi
organisée et souvent anticipée, au point de devenir
parfois un mode de vie ;
* Le trouble à l'ordre public, critère ne valant que pour
des faits criminels, trouve particulièrement à s'appliquer
à la criminalité organisée : les conditions cumulatives,
qu'il n'est pas toujours possible de retenir pour
les infractions criminelles de droit commun, en tout
cas pas sur le long terme, sont souvent remplies pour
la criminalité organisée. Le caractère exceptionnel
et persistant de ce trouble est souvent aisément
démontrable. Quant au fait que ce trouble à l'ordre
public ait été causé par la gravité de l'infraction, les
circonstances de sa commission ou l'importance du
préjudice causé, la nature même des infractions de
criminalité organisée fait que, dans quasiment tous les
dossiers d'instruction ouverts au criminel, le critère de
l'ordre public troublé profondément est bien présent,
du moins pendant un temps.
* Il est malvenu en conséquence de soutenir, comme
on l'entend régulièrement, que cette notion « d'ordre
public » est évanescente, spécieuse et sert souvent
de prétexte pour donner une coloration grave à une
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