Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 221

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
appareil de téléphonie ou de son smartphone68
. Le juge
d'instruction ordonne alors une expertise ayant pour
finalité de « casser » ce moyen de cryptologie pour accéder
au contenu du support technique. Ces opérations
d'expertise prennent des mois, eu égard aux difficultés
techniques pour casser ces codes et à l'encombrement
des rares laboratoires pouvant y parvenir (relevant principalement
des services spécialisés de l'État). Là encore,
non seulement le mis en examen à l'origine du refus
supportera ce temps d'attente, mais aussi les autres mis
en examen détenus, tant on sait l'importance que revêt
désormais, en termes d'indices et de preuves, l'exploitation
des données de téléphonie et dématérialisées.
Ces situations, très fréquentes dans les dossiers de
criminalité organisée, sont donc une cause habituelle
d'allongement de la détention des personnes mises en
examen qui n'en sont pas nécessairement à l'origine,
mais en subissent les effets collatéraux ou en cascade.
Il serait opportun de réfléchir à des solutions permettant
de pallier ces situations ou d'en restreindre les effets
si négatifs. Elles ne sont pas à chercher du côté des
textes sur la détention provisoire, qui ne sont pas en
cause ; elles sont à chercher, plus sûrement, du côté
du régime des nullités, voire des infractions concernant
la protection des objets personnels.
D. Des alternatives à la détention provisoire
pas toujours adaptées
655. Le principe de la liberté du mis en examen
confronté aux réalités de la délinquance organisée.
- Le maintien en liberté du mis en examen est
évidemment le principe. Si la détention peut être indispensable
dans l'immédiateté de la mise en examen, il
faut toujours avoir en tête ce principe, et dès lors, envisager
la mise en liberté dès que possible, au besoin en
recourant aux deux alternatives à la détention, offertes
par le Code de procédure pénale, que sont le contrôle
judiciaire et l'assignation à résidence sous surveillance
électronique (ARSE).
656. La difficulté de recourir au cautionnement.
- Par ailleurs, certaines mesures de contrôle
68. Le refus de donner le code de déverrouillage de ses appareils contenant
des données dématérialisées est une infraction (C. pén., art. 434-15-2).
judiciaire pourraient être adaptées à cette délinquance
où l'argent règne et le train de vie des mis en examen est
souvent élevé, mais aussi parce que ce serait une bonne
garantie de représentation en justice : on pense ici au
versement d'une caution prévue à l'article 138-11° du
Code de procédure pénale. Or, à la différence notable de
la délinquance économique et financière, dans laquelle
les personnes mises en examen disposent souvent d'un
patrimoine personnel officiel et constitué de manière
légale, dans lequel elles vont pouvoir puiser, les mis en
examen de la criminalité organisée seraient incapables
de justifier de l'origine des fonds qu'ils fourniraient à titre
de caution, ce qui est, évidemment, un élément gênant.
De plus, ces mis en examen se sont le plus souvent
vu saisir les biens paraissant être les produits de leurs
infractions ou susceptibles de résulter d'opération de
blanchiment, de sorte qu'ils semblent être sans trop de
ressources, du moins licites. Ainsi, même lorsque l'initiative
d'un cautionnement vient du mis en examen luimême,
le montant proposé (quelques dizaines de milliers
d'euros, souvent 15 000 à 30 000 €) apparaît ridicule en
proportion des gros revenus mis au jour par les investigations,
atteignant régulièrement plusieurs millions, voire
dizaines de millions d'euros. Malgré tout, on persiste à
penser que le paiement d'un cautionnement pourrait être
une option opportune en matière de délinquance organisée,
si on a en tête le principe qui veut que celui qui a
péché par l'argent doit s'amender par l'argent et parce
que, outre la garantie de représentation que constitue
un cautionnement significatif, les amendes encourues
sont très élevées et leur paiement mérite d'être anticipé.
657. Difficulté de recourir à l'ARSE. - Quant à
l'ARSE, sous ses différentes variantes, les raisons déjà
exposées ci-dessus tenant aux risques de réitération et
aux enjeux particulièrement élevés en termes de pressions
et concertations et de risque de fuite, valent tout
autant pour constater que la solution du bracelet électronique
n'est pas plus envisageable dans beaucoup de
cas, y compris lorsque le dossier d'instruction est très
avancé et après plusieurs années parfois.
658. Nécessité de mesures effectives et efficaces
en matière de contrôle judiciaire. - Concernant le
contrôle judiciaire, lorsqu'il est mis en œuvre, il apparaît
opportun que les mesures choisies soient à la hauteur
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