Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 225

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
EN PRATIQUE
Il sera relevé l'analyse très précise que fait la
Cour de cassation, dans chacune de ces hypothèses,
de toutes les mentions portées et déclarations
retranscrites sur les procès-verbaux
(d'interrogatoire de première comparution, de
débat contradictoire ou de débat différé) pour
qualifier au plus juste le caractère fondé ou non
des demandes présentées. C'est là toute l'importance
d'une prise de notes particulièrement
scrupuleuse qui se manifeste, et ce d'autant
plus que l'urgence des présentations, parfois
nombreuses, parfois nocturnes rendent plus
fastidieuses encore. Mais il en va de la sécurité
juridique de la procédure.
G. « L'avant » mesures de sûreté : mandats
d'arrêt et demandes d'extradition, premières
étapes vers la détention provisoire
664. Recours au mandat d'arrêt et criminalité
organisée. - Comme cela a déjà été vu, il est fréquent
que les acteurs de la grande délinquance, en raison de
leurs liens avec l'étranger, y demeurent, s'y installent
ou s'y réfugient. Le recours au mandat d'arrêt s'impose
alors afin que ces personnes soient rapatriées en France
pour y être mises en examen et le plus souvent placées
en détention provisoire.
665. Encadrement européen et international du
recours au mandat d'arrêt. - Pour les pays de l'Union
européenne qui l'ont adoptée et transposée dans
leur droit interne, la décision-cadre n° 2002/584/JAI
du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt
européen (MAE) et aux procédures de remise entre
États membres (transposée en droit français par la loi
« Perben II » du 9 mars 2004) énonce que « le mandat
d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par
un État membre de l'Union européenne, appelé État
membre d'émission, en vue de l'arrestation et de la
remise par un autre État membre, appelé État membre
d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice
de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine
ou d'une mesure de sûreté privative de liberté » (CPP,
art. 695-11, al. 1). Ainsi, le MAE précède souvent une
mesure de sûreté. Il s'agit de « la forme d'extradition la
plus aboutie et constitue, à ce titre, un modèle d'intégration
juridique »74
.
En dehors de l'Union européenne, les principes et règles
de la coopération judiciaire internationale prévalent,
basés sur l'existence d'une convention bilatérale ou
multilatérale dont la France est une des parties.
666. Principe de spécialité régissant les mandats
d'arrêts internationaux. - Cette règle fondamentale,
parfois qualifiée de « principe d'ordre public »75
, est inhérente
aux mandats d'arrêts internationaux. Ce principe,
prévu à l'article 695-18 du Code de procédure pénale
pour les MAE, empêche que la personne recherchée,
une fois remise, puisse être « poursuivie, condamnée
ou détenue en vue de l'exécution d'une peine privative
de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise
et autre que celui qui a motivé cette mesure », sauf
exceptions prévues par le texte.
667. Nécessité de verser au dossier la décision de
remise des autorités judiciaires requises. - Au sujet
de la notification à l'intéressé du mandat d'arrêt dont il
fait l'objet, la chambre criminelle de la Cour de cassation
a précisé76
« qu'une personne remise à la France en
exécution d'un mandat d'arrêt européen et qui n'a pas
renoncé au principe de spécialité ne peut faire l'objet
d'une mesure de détention provisoire pour une infraction
autre que celle qui a motivé sa remise, avant que son
consentement ait été obtenu, sauf si cette mesure privative
de liberté est légalement justifiée par les autres chefs
d'accusation figurant dans le mandat d'arrêt européen »
(§11). Ainsi, dès lors que l'intéressé conteste ce point
devant elle, la chambre de l'instruction est tenue « de
s'assurer du respect du principe de spécialité, tel qu'interprété
par la Cour de justice de l'Union européenne »
(§12). Il faut, pour cela, que la décision de remise des
autorités judiciaires requises figure au dossier et que,
si tel n'est pas le cas, la chambre de l'instruction en
demande le versement au dossier, « une telle demande
constituant une vérification au sens de l'article 194, alinéa
4, du Code de procédure pénale » (§13).
74. M. doMinati, « Mandat d'arrêt européen : absence de décision de remise
aux autorités judiciaires françaises », Dalloz Actualité, 18 oct. 2011.
75. Cass. crim., 29 nov. 2016, n° 15-86712.
76. Cass. crim., 5 oct. 2021, n° 21-84194.
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