Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 227

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
Dès lors, même si le statut de la personne concernée
passée de mis en examen à accusé n'est plus tout à fait
le même, le sujet de sa détention n'est qu'une continuation,
vu de son côté : il est toujours détenu alors qu'il
n'a pas été jugé et qu'il est toujours présumé innocent.
Après de longues années de détention provisoire pouvant
atteindre 4 ans et 8 mois comme on l'a vu, la question
du respect d'un délai raisonnable, telle que rappelé
en début de cette section, peut sérieusement se poser.
Il faut donc rappeler l'état des textes, avant d'évoquer
une série de décisions jurisprudentielles récemment rendues
qui concernent particulièrement les dossiers de
grande criminalité renvoyés devant les cours d'assises.
671. Maintien en détention du mis en examen
devenu accusé pendant une durée maximale de 2 ans
avant son procès devant la cour d'assises de première
instance. - L'article 181 du Code de procédure
pénale dans ses alinéas 8 et 9 prévoit en effet un maintien
en détention d'une année, pouvant être encore prolongée
deux fois par tranche de six mois par la chambre
de l'instruction. L'accusé peut donc ainsi attendre deux
ans de plus avant d'être jugé.
Une fois le verdict rendu, si un appel est formé concernant
cet accusé, son maintien en détention peut encore
se prolonger, en attendant cette fois-ci que la cour d'assises
d'appel trouve un créneau pour juger l'affaire. Une
série de jurisprudences récentes est intervenue à ce
sujet, et mérite d'être mentionnée ici, tant elle trouve à
l'évidence à s'appliquer spécifiquement aux dossiers de
criminalité organisée.
672. Nouvelle prolongation exceptionnelle de la
détention provisoire en l'absence de comparution
devant la cour d'assises statuant en appel dans le
délai d'un an. - Lorsqu'un arrêt d'une cour d'assises
est frappé d'appel, l'affaire doit de nouveau être jugée
et l'accusé doit comparaître dans le délai d'un an « à
compter soit de l'appel, si l'accusé est détenu, soit de
la date à laquelle l'accusé a été ultérieurement placé
en détention provisoire en application de la décision
rendue en premier ressort »80
. Mais l'encombrement de
certaines cours d'assises est tel que ce premier délai ne
80. CPP, art. 380-3-1.
suffit pas. Afin d'éviter la remise en liberté de l'accusé,
le législateur a introduit une prolongation exceptionnelle
de la détention provisoire à l'article 380-3-1 du Code de
procédure pénale par la loi du 23 mars 2019.
Le texte prévoit ainsi que, « si l'audience sur le fond ne
peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le président
de la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel,
par une décision mentionnant les raisons de fait ou de
droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner
la prolongation de la détention pour une nouvelle durée
de six mois. La comparution de l'accusé est de droit si
lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation
peut être renouvelée une fois dans les mêmes
formes. La durée de six mois prévue au présent alinéa
est portée à un an en cas de poursuites pour crime
contre l'humanité ou pour un crime constituant un acte
de terrorisme.
Si l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises
avant l'expiration des délais prévus au présent article, il
est remis immédiatement en liberté s'il n'est pas détenu
pour une autre cause ».
673. Précisions sur la motivation de la prolongation
exceptionnelle de l'article 380-3-1 du Code de
procédure pénale. - Un arrêt du 2 mars 202181
deux précisions importantes :
apporte
* Tout d'abord, la Cour de cassation considère que
« l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction
[...] a exposé, sans insuffisance ni contradiction,
les raisons de fait et de droit faisant obstacle au
jugement de l'affaire dans le délai légal ». La motivation
retenue est donc conforme à l'article 380-3-1 du Code
de procédure pénale ;
* Ensuite, il est rappelé que le juge prononçant la prolongation
exceptionnelle de la détention provisoire « n'a
pas à motiver sa décision au regard des conditions
fixées par les articles 137 et 144 du même code ». Ce
choix s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence
précédente. En effet, dans un arrêt du 21 avril 2020, la
chambre criminelle avait déjà précisé, à propos d'une
prolongation de la détention provisoire en application
de l'article 509-1 du Code de procédure pénale, que
81. Cass. crim., 2 mars 2021, F-P+I, n° 20-86729.
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