Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re - 265

LES SPÉCIFICITÉS DU CONTENTIEUX DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
indifférenciée, la chambre criminelle a récemment rappelé
que « [son] appréciation revient au droit national et
s'apprécie en fonction de la nature des agissements en
cause, de l'importance du dommage qui en résulte, des
circonstances de la commission des faits et de la durée
de la peine encourue »169
.
EN PRATIQUE
Il y a fort à parier que ce critère de « criminalité
grave » sera automatiquement rempli dans les
affaires de délinquance et de criminalité organisée,
déjà considérées par le législateur comme
étant suffisamment graves pour justifier une procédure
dérogatoire du droit commun.
C. Les droits conférés par l'article 706-105
du Code de procédure pénale
813. Des droits de la défense élargis. - Les prévisions
de l'article 706-105 du Code de procédure pénale,
relatif à la criminalité organisée, sont en apparence plus
favorables aux droits de la défense que ne le sont les
dispositions de droit commun s'agissant d'une personne
ayant été placée en garde à vue au cours d'une enquête
portant sur de tels faits.
814. Un droit d'information. - S'il a été fait application
des dispositions des articles 706-80 à 706-95, qui
concernent le régime spécial en matière de criminalité
organisée de l'infiltration, de la garde à vue, des perquisitions
et des écoutes, la personne ayant été placée en garde
à vue six mois auparavant, et qui n'a pas fait l'objet de
poursuites, peut interroger le procureur de la République
dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur
la suite donnée ou susceptible d'être donnée à l'enquête.
Lorsque le procureur de la République a décidé de classer
l'affaire en ce qui concerne la personne, il l'informe dans les
deux mois suivant la réception de sa demande. Dans les
autres cas, le procureur de la République n'est pas tenu de
répondre à la personne. Il en est de même lorsqu'il n'a pas
été fait application des dispositions des articles 706-80 à
706-95 au cours de l'enquête170
.
815. Un droit d'accès au dossier. - Lorsque le procureur
de la République décide de poursuivre l'enquête
préliminaire et qu'il envisage de procéder à une nouvelle
audition ou à un nouvel interrogatoire de la personne au
cours de cette enquête, cette personne est informée,
dans les deux mois suivant la réception de sa demande,
qu'elle peut demander qu'un avocat puisse consulter
le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à
la disposition de l'avocat au plus tard dans un délai de
quinze jours à compter de la demande et avant, le cas
échéant, toute nouvelle audition ou tout nouvel interrogatoire
de la personne171
.
816. Un texte peu mis en œuvre et perfectible.
- L'article 706-105 date de 2004 mais est peu
utilisé, ne semblant avoir fait l'objet d'aucune application
ni interprétation en jurisprudence. Par ailleurs, sa
rédaction mériterait d'être actualisée par le législateur
dans la mesure où les textes qu'il vise, à savoir les
articles 706-80 à 706-95, n'incluent pas les nouveaux
articles 706-95-1 à 706-95-10, qui visent l'accès aux
correspondances électroniques stockées accessibles
au moyen d'un identifiant informatique, de sorte que les
contours de ces droits ne sont pas précisément définis.
De plus, sans accès au dossier à l'issue de la garde à
vue, il est difficile de savoir si les techniques spéciales
d'enquête ont été utilisées.
EN PRATIQUE
Cet article, qui confère des droits élargis en
matière de criminalité organisée, mériterait une
application plus large qui permettrait de garantir
au mieux les droits de la défense dans les dossiers
de cette nature.
169. Cass. crim., 10 mai 2023, n° 2284461.
170. CPP, art. 706-105, al. 1, 3 et 4.
171. CPP, art. 706-105, al. 2.
265
Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit et pratique de la lutte contre la criminalité organisée - 1re
